Depuis plusieurs semaines, une tension croissante s’installe entre les ressortissants béninois et gabonais, alimentée par des contenus circulant sur les réseaux sociaux. Si la situation a entraîné des mesures des autorités gabonaises, la réponse de Cotonou est jugée par certains observateurs comme trop discrète.
La crise trouve son origine dans une série de vidéos diffusées sur TikTok. Certains influenceurs gabonais y ont exprimé leurs préoccupations concernant la place des étrangers dans l’économie locale, en mettant particulièrement en avant la présence de commerçants béninois sur les marchés. Des réponses virulentes de Béninois sur la même plateforme, perçues comme offensantes à l’égard des plus hautes autorités gabonaises, auraient servi de prétexte aux forces de sécurité gabonaises pour procéder à des fermetures de boutiques, comme en témoignent des vidéos devenues virales. Ces images montrent des forces de l’ordre très remontées, agissant de manière brutale et expéditive contre des Béninois, les sommant de fermer leurs boutiques ou commerce.
Pour comprendre cette situation, il faut replacer les événements dans un contexte historique plus large. Les tensions entre les deux communautés ne sont pas inédites. Déjà dans les années 1970-1980, le Gabon avait procédé à une expulsion massive de béninois dans un climat de conflit diplomatique entre les deux pays, ce qui avait entraîné des rapatriements d’urgence. Si le contexte politique est totalement différent aujourd’hui, les ressentiments liés à la forte présence de commerçants béninois sur le marché gabonais semblent persister.
Face à ces événements, le silence apparent de la diplomatie béninoise soulève de nombreuses questions. Après un premier communiqué du ministère des Affaires étrangères, qui a appelé les ressortissants à la sérénité et au respect des lois du pays d’accueil et la rencontre entre la vice-Présidente du Bénin et le chef de la diplomatie gabonaise, aucune action diplomatique forte ou publique n’a été observée. Cette réaction, ou son absence, contraste avec la gravité des faits rapportés, notamment les vidéos d’expulsions et le sort incertain de certains citoyens béninois.
Pourquoi une telle retenue diplomatique ? Est-ce que la diplomatie béninoise a choisi de traiter la crise de manière discrète, loin de l’agitation médiatique ? Des négociations sont-elles en cours dans les coulisses pour trouver une solution apaisée et garantir la sécurité des ressortissants béninois ? Une communication trop agressive pourrait en effet envenimer la situation et mettre en péril une communauté de la diaspora qui compte de nombreux membres au Gabon.
Cependant, le manque de communication officielle et l’absence d’une réponse laissent libre cours aux spéculations. Cela pourrait donner l’impression que le Bénin adopte une attitude prudente mais jugée insuffisamment affirmée face à une affaire sensible touchant à la sécurité et aux droits de ses citoyens à l’étranger. Si les Béninois venaient à avoir le sentiment d’un manque de soutien de la part de leur gouvernement, cela pourrait affecter la confiance accordée aux institutions.
Quid des “influenceurs” qui ne font qu’ajouter de l’huile sur le feu ?
Alors que les relations entre le Bénin et le Gabon connaissent des turbulences, on assiste à la montée en puissance d’une diplomatie numérique parallèle, animée par des influenceurs aux prises de position souvent provocatrices et désobligeantes. Loin de contribuer à la désescalade, leurs interventions alimentent un discours polarisé, transformant cette crise en une « guerre » virtuelle, aux conséquences bien réelles.
La tension entre les deux nations, avait débuté avec des déclarations d’une prétendue « influenceuse » gabonaise. Et depuis, sur TikTok, Instagram ou Facebook, des influenceurs des deux camps se sont saisis du sujet, non pas pour l’analyser ou pour appeler au calme, mais pour défendre leurs nations respectives avec une rhétorique agressive. Les vidéos moqueuses, les posts dénigrants et les commentaires insultants se sont multipliés, ciblant non seulement les dirigeants, mais aussi les citoyens ordinaires.
Au Bénin, certains « influenceurs » ont exploité les stéréotypes sur le Gabon, raillant son économie ou ses institutions. Un influenceur se serait même rendu au Gabon pour aller prendre des images. Il aurait par la suite tenu des propos désobligeants à l’endroit des autorités gabonaises sans aucune interpellation officielle du côté du Bénin. Au Gabon, la réponse n’a pas tardé, avec des occupants des réseaux sociaux s’attaquant au Bénin sur des questions culturelles ou de souveraineté, avec des propos d’une aussi extrême gravité, sans aucune retenue. Ces échanges, loin d’être anecdotiques, ont un impact profond. Ils polarisent l’opinion publique, dressent les peuples l’un contre l’autre et créent un climat de méfiance et de ressentiment qui complique les efforts de médiation.
Grâce à leur large audience, certains « influenceurs » occupent aujourd’hui une place qui va bien au-delà du simple rôle de commentateurs. Leurs contenus, souvent viraux, sont partagés, aimés et commentés par des milliers de personnes, donnant ainsi l’impression que leurs sentiments ou leurs appréciations des événements sont majoritaires au sein de la population. Cette dynamique de confrontation numérique est d’autant plus dangereuse qu’elle est dénuée de tout sens de la nuance ou de la responsabilité. Ces « influenceurs », non formés aux subtilités de la diplomatie et de la géopolitique, s’expriment sur des sujets complexes avec une simplicité binaire qui ne fait qu’exacerber les tensions.
Il est impératif que les acteurs des médias sociaux, ainsi que les autorités, encouragent une culture de la responsabilité numérique. La liberté d’expression ne doit pas être un prétexte pour la haine et la désinformation. C’est à la fois un défi pour la diplomatie moderne et une responsabilité pour ceux qui détiennent une tribune numérique. Le sort de nombreux béninois au Gabon, qui ne demandent qu’à travailler pour avoir une meilleure vie, dépend de la capacité des deux gouvernements à agir avec responsabilité et efficacité, loin des agitations des réseaux sociaux.




La vice Présidente du Bénin a rencontré le ministre des affaires étrangères du Gabon en marge d’un sommet international sur le sujet. Au regard de la déclaration du ministre des affaires étrangères, il semble que les autorité gabonaises ont bien pris la mesure de la situation.
Le gouvernement béninois doit faire confiance aux autorités gabonaises et les laisser gérer la situation ou au plus entretenir des contacts discrets.
Ce sont les réseaux sociaux qui sont à l’origine de la crise, un gouvernement responsable ne doit pas en rajouter avec des communications maladroites pour flatter l’égo de leurs citoyens.