TikTok au Bénin   : Quand l'exhibition numérique menace l'ancrage spirituel et la santé publique

L’ascension fulgurante de la plateforme de vidéos courtes TikTok au Bénin est en train de révéler une fracture béante entre modernité numérique et traditions ancestrales. Si l’application offre un espace d’expression indéniable à la jeunesse, son usage béninois, marqué par la monétisation à tout prix et la quête de vues, est en passe de devenir un véritable danger pour la population et une menace sérieuse pour l’intégrité du vodoun, culte fondateur de l’identité béninoise. Face à cette saignée du secret et à la prolifération d’astuces douteuses, l’urgence d’une réaction du Comité des Rites Vodoun et des autorités de régulation se fait pressante.

« Testé et approuvé », chers abonnés, je viens encore pour vous donner une astuce »…. Voilà ce à quoi on assiste au quotidien sur la plateforme TikTok au Bénin. Le premier front de cette crise numérique concerne la santé publique. Dans un pays où la Haute Autorité de l’Audiovisuel et de la Communication (HAAC) a sagement interdit la publicité des pratiques et traitements des tradi-thérapeutes (guérisseurs traditionnels) sur les médias régulièrement autorisés, un vide réglementaire permet à ces pratiques de prospérer sur TikTok.

Il n’est désormais plus possible de se connecter à la plateforme sans être assailli par des vidéos promettant des remèdes miracles. Le scénario est récurrent : un tradi-thérapeute improvisé ou un donneur d’astuces propose des décoctions, des secrets de plantes ou des rituels, souvent sous la bannière « Testé et approuvé ».

La question qui se pose avec une acuité particulière est celle de la compétence et de l’initiation des donneurs d’astuces. Sont-ils de véritables initiés ? Détiennent-ils le savoir-faire ancestral garantissant l’efficacité et, surtout, l’innocuité de ce qu’ils recommandent ? Le doute est plus que permis. En livrant des secrets à une population non initiée, sans aucune connaissance des dosages, des contre-indications ou des rituels de purification nécessaires, ces pseudo-experts du web mettent en péril la vie et la santé des Béninois. Une erreur dans une préparation, ou l’utilisation inappropriée d’une plante puissante, peut avoir des conséquences dévastatrices, transformant un remède potentiel en poison. La soif de vues et d’argent fait fi du principe de précaution, transformant l’art délicat de la pharmacopée traditionnelle en une dangereuse téléréalité.

La désacralisation du Vodoun : le culte exposé et bafoué

Le second danger, tout aussi profond, touche directement au cœur des traditions béninoises : le Vodoun. Religion complexe, riche et hiérarchisée, le Vodoun repose sur une organisation stricte du savoir et du secret. Les connaissances et les rituels sont transmis uniquement aux initiés, selon leur niveau, leur rang et leur degré d’intégration dans le couvent. Ce système garantit le respect, la puissance et la pérennité du culte.

Aujourd’hui, TikTok est devenu une vitrine, souvent grotesque, de cette spiritualité. Des éléments qui étaient autrefois jalousement gardés secrets dans les couvents sont désormais exposés au grand jour, filmés et diffusés, pour le seul motif d’obtenir des vues. L’argument fallacieux est toujours le même : gagner de l’argent.

Le désordre le plus visible est sans doute celui qui entoure la danse Egungun (les Revenants). Danse rituelle et sacrée, Egungun est désormais réduit sur TikTok à un jeu ou à une mascarade pour des jeunes en panne d’inspiration, cherchant à générer du contenu viral. Cette trivialisation abaisse la dignité des ancêtres et ridiculise un pan fondamental de la religion endogène.

Cette désacralisation par l’exposition a des conséquences profondes que sont la perte du mystère et le remplacement des détenteurs du savoir. En révélant au public profane ce qui doit rester caché, les Vodoun sont « dévitalisés », perdant de leur puissance et de leur respectabilité aux yeux des jeunes générations. Les initiés légitimes, les prêtres et les gardiens des temples, risquent d’être supplantés dans leur rôle d’autorité spirituelle par de jeunes créateurs de contenu qui, sans aucune légitimité spirituelle, deviennent les « gourous » du web.

Un appel urgent à la régulation spirituelle et légale

Il est impératif d’arrêter cette saignée culturelle et sanitaire. Laisser cette situation perdurer, c’est risquer de voir la plateforme Tik-Tok, dans son usage béninois, désacraliser irréversiblement le monde du secret et affaiblir les fondations spirituelles du pays. Le Comité des Rites Vodoun doit impérativement prendre des mesures claires et retentissantes. Si la liberté d’expression est un droit, la protection du patrimoine immatériel et spirituel est un devoir. Une déclaration ferme, accompagnée de sanctions spirituelles contre les adeptes et initiés qui se livreraient à de telles exhibitions lucratives, est nécessaire. L’autorité religieuse doit rappeler que l’initiation n’est pas un spectacle et que les secrets du culte sont un trésor à préserver, non une marchandise.

Les autorités étatiques, notamment la HAAC et les ministères sectoriels concernés, doivent étendre leur vigilance au-delà des médias traditionnels. Il est temps d’explorer les mécanismes légaux et techniques pour interdire formellement toute publicité ou astuce de santé non vérifiée ou provenant de sources non accréditées sur les plateformes numériques et mener des campagnes de sensibilisation massives pour éduquer la population sur les dangers des remèdes traditionnels auto-administrés ou glanés sur internet.

Le Bénin, terre du Vodoun et berceau d’une culture riche, se trouve à la croisée des chemins. Le numérique est un outil puissant, mais il ne doit pas être le fossoyeur de ses propres traditions et de la sécurité de ses citoyens. Il est temps de mettre fin au désordre de Tik-tok Bénin pour préserver à la fois la santé du corps et celle de l’âme des béninois.

1 réflexion au sujet de « TikTok au Bénin   : Quand l'exhibition numérique menace l'ancrage spirituel et la santé publique »

  1. Cause toujours ! La société et ses moeurs évoluent inexorablement et irrémédiablement !!! Pour le meilleur et pour le pire.. Bref. laissez les jeunes gens vivre leur vie.

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