Bénin : Le navire LD pourrait-il résister à la tempête ?

Le parti Les Démocrates est à la croisée des chemins. Quelques années après son entrée officielle sur la scène politique, la formation dirigée par l’ancien président Thomas Boni Yayi traverse une zone de turbulences qui met à l’épreuve sa cohésion, son leadership et sa capacité à demeurer la principale force d’opposition dans un contexte électoral inédit. Le Bénin se prépare pour ses premières élections générales en 2026. Mais à l’intérieur du parti, les secousses s’enchaînent et soulèvent une question : Les Démocrates ont-ils encore les ressources nécessaires pour tenir face à la tempête qui se lève ?

La première faille est apparue avec le dossier du député Michel Sodjinou. Son rôle dans le rejet de la candidature du parti par la CENA reste au cœur des interrogations. Le dossier, jugé incomplet, a conduit à l’exclusion du parti de la course à la présidentielle de 2026. Pour une formation qui se présentait comme alternative politique, cette disqualification a créé un choc interne. Certains y ont vu une erreur stratégique, d’autres une faute de coordination. Dans tous les cas, l’« épisode Sodjinou » a révélé une fracture entre la direction politique et certains cadres, fragilisant la cohérence d’un parti encore en quête de repères institutionnels. Quelques jours plus tard, un autre événement est venu accentuer le trouble.

Retrait du candidat désigné : un nouveau signal d’alerte

Me Renaud Agbodjo, candidat désigné des Démocrates à la présidentielle, a annoncé son retrait de la vie politique. Depuis son cabinet à Jéricho, dans la matinée du mardi 28 octobre 2025, il a pris acte de la décision de la Cour constitutionnelle confirmant le rejet de sa candidature ainsi que celle de M. Lodjou par la CENA. Dans son message, il a expliqué vouloir se consacrer à son cabinet et à sa famille, tout en adressant un mot au ministre d’État Romuald Wadagni, candidat déclaré à la même élection. Ce départ, survenu à un moment crucial, a laissé un vide symbolique au sein du parti.

Six députés, une sortie médiatique et un malaise interne

Dans la foulée, six députés élus sous la bannière Les DémocratesChantale Adjovi, Élise Aihè, Léansou Do-Régo, Joël Godonou, Dénise Hounmenou et Akim Radji — ont pris la parole publiquement sans coordination officielle avec la direction. Encadrée par l’ancien député Yves Patrick Djivoh, leur déclaration a été rapidement interprétée, à tort, comme une démission collective. En réalité, il s’agissait d’une expression politique, mais l’absence de communication structurée autour de cette initiative a laissé place à des lectures multiples et contradictoires. Cet épisode a mis en lumière une faiblesse persistante du parti : la gestion interne de la parole publique. Dans un environnement où chaque mot compte, l’imprécision devient une faille politique.

Thomas Boni Yayi sort du silence

Dernier épisode. Dans la soirée du mercredi 29 octobre, Thomas Boni Yayi a pris la parole. Resté discret plusieurs semaines, il a livré un message d’apaisement et de clarification dans une vidéo diffusée sur les canaux officiels du parti.

Il a indiqué avoir rencontré, le 24 octobre à Cotonou, le président Patrice Talon, afin de plaider pour la participation effective de Les Démocrates aux élections générales de 2026 — législatives, communales et présidentielle. « Je lui ai demandé de tout mettre en œuvre pour garantir la participation du Parti Les Démocrates aux prochaines échéances », a-t-il déclaré. Pour l’ancien chef de l’État, une partie des difficultés du parti découle du contexte politique national. Toutefois, selon plusieurs observateurs, ces défis trouvent aussi leur source dans des dynamiques internes.

Entre tensions et nécessité de restructuration

L’enchaînement de ces épisodes traduit un malaise plus profond. Les Démocrates apparaissent fragilisés par des tensions internes. La question centrale demeure : le parti parviendra-t-il à se réinventer avant 2026 ? La survie politique d’une opposition dépend non seulement de son discours, mais aussi de sa discipline, de sa cohésion et de sa capacité à maintenir un cap collectif malgré les divergences. À l’approche des élections, le défi est important. La base militante observe, l’opinion également. Thomas Boni Yayi tente de maintenir la cohésion et de rassurer. Mais le leadership, aussi fort soit-il, ne suffira pas à lui seul.

Résister ou sombrer ?

Le navire Les Démocrates affronte une mer agitée. Ses dirigeants devront naviguer avec attention, sous peine de voir le projet politique vaciller avant d’atteindre l’horizon électoral. Entre départs, incompréhensions et erreurs de communication, le parti joue désormais sa crédibilité autant que son avenir. La tempête est réelle. Reste à savoir si le navire saura la traverser sans se briser.

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