Les États-Unis viennent d’effectuer ce qui est considéré comme la plus grande saisie de cryptomonnaie de leur histoire. Les autorités fédérales ont mis la main sur 127 271 bitcoins, soit près de 12,3 milliards d’euros, appartenant à un réseau criminel dirigé depuis le Cambodge rapporte le Département de la Justice sur son site. Ce coup de filet marque un tournant dans la lutte contre les escroqueries numériques qui prospèrent dans les zones grises du cyberespace.
L’enquête, pilotée par le Department of Justice (DOJ) et le FBI, a révélé un système de fraude d’une ampleur planétaire, mêlant blanchiment d’argent, travail forcé et escroqueries à l’investissement en ligne. Ces pratiques, connues sous le nom de “pig butchering scams”, consistaient à amadouer des victimes par de faux profils sur les réseaux sociaux avant de les pousser à investir dans des plateformes de trading fictives. Des milliards de dollars ont ainsi été siphonnés de portefeuilles virtuels à travers le monde, les fonds étant ensuite transférés dans des comptes contrôlés par les membres du réseau.
Selon les procureurs américains, les bitcoins confisqués étaient stockés dans des portefeuilles non hébergés, dont les clés privées étaient en possession du principal suspect. L’opération de saisie, conduite avec minutie, représente la plus grande action de confiscation de biens numériques jamais enregistrée par le gouvernement américain.
L’empire déchu de Chen Zhi
Derrière ce dispositif tentaculaire, les enquêteurs désignent Chen Zhi, 37 ans, connu aussi sous le prénom de Vincent. Fondateur du Prince Holding Group, un conglomérat influent au Cambodge, il a longtemps cultivé l’image d’un entrepreneur moderne, proche du pouvoir et actif dans l’immobilier, la finance et la philanthropie. Sous cette façade de respectabilité, les autorités américaines estiment qu’il orchestrait des “centres de travail forcé”, où des centaines de personnes, souvent attirées sous de faux prétextes d’emploi, étaient contraintes de participer aux arnaques en ligne.
L’ampleur du réseau, s’étendant sur plusieurs continents, et la sophistication des mécanismes de transfert de fonds illustrent à quel point la frontière entre la criminalité financière et les nouvelles technologies s’est estompée. En recourant à la blockchain et à des transactions pseudonymes, le groupe de Chen Zhi a exploité la promesse de liberté offerte par les cryptomonnaies pour bâtir une économie de la fraude difficile à démanteler.
Le FBI décrit cette affaire comme l’une des opérations les plus ambitieuses jamais menées contre le crime financier international. Son directeur, Kash Patel, a salué le travail des agents qui ont réussi à neutraliser un système « complexe, transcontinental et profondément nuisible ».
Quand le numérique devient une arme
Au-delà de son caractère spectaculaire, cette saisie interroge sur la capacité des États à réguler des flux monétaires désormais sans frontières. Le cas Chen Zhi montre que la cybercriminalité n’est plus cantonnée à des hackers isolés : elle s’est industrialisée, structurée et, parfois, institutionnalisée.
Les autorités américaines espèrent que cette opération aura un effet dissuasif, en démontrant que même les réseaux les plus opaques peuvent être atteints. Elle met aussi en lumière la coopération internationale croissante dans la traque des actifs numériques d’origine illégale.



