L’Union européenne a décidé de frapper fort sur le front énergétique africain. Près de 360 millions d’euros seront injectés en Côte d’Ivoire à travers un financement mené par la Banque européenne d’investissement (BEI) rapporte l’agence Ecofin. Cette enveloppe doit permettre la construction d’une ligne électrique de 400 kilovolts sur environ 540 kilomètres, un chantier stratégique qui reliera Abidjan à Ferkessédougou, au nord du pays. Mais au-delà du geste financier, c’est toute une vision de la sécurité énergétique régionale qui se joue dans ce projet baptisé « Dorsale Est ».
Un levier de puissance et de stabilité régionale
L’énergie reste l’un des leviers les plus puissants du développement économique. Aucune transformation industrielle, aucun progrès agricole, ni même aucune politique d’éducation moderne ne peut prospérer sans un accès stable et abordable à l’électricité. L’histoire récente le montre : les nations qui ont su maîtriser leur production et leur distribution d’énergie ont accéléré leur croissance et attiré davantage d’investissements. À l’inverse, les zones où l’électricité demeure rare ou coûteuse subissent un frein durable à l’innovation et à la compétitivité.
C’est précisément pour éviter cet écueil que la Côte d’Ivoire mise sur la Dorsale Est. Le projet, conçu comme une artère vitale du réseau électrique, permettra d’augmenter de près de 38 % la capacité de transmission à haute tension du pays, passant de 2,5 à 3,5 gigawatts. Il contribuera à réduire les pertes techniques au sein du système interconnecté ouest-africain (WAPP) et à sécuriser jusqu’à 0,9 térawatt-heure d’exportations annuelles vers les pays voisins. La Côte d’Ivoire, déjà fournisseur d’électricité pour le Ghana, le Burkina Faso et le Mali, consolide ainsi son rôle de puissance énergétique régionale.
Un maillon clé du Pacte Énergie ivoirien
Ce chantier s’intègre à une ambition nationale plus large, le Pacte Énergie 2025-2030, qui prévoit 4,5 milliards d’euros d’investissements, dont 2,6 milliards dédiés aux infrastructures de transport. À travers cette stratégie, Abidjan vise une couverture électrique universelle d’ici la fin 2025 et une hausse d’au moins 1 gigawatt des capacités renouvelables d’ici 2030.
La ligne Dorsale Est, soutenue par Bruxelles, n’est donc pas qu’un câble géant traversant les régions : elle est pensée comme un accélérateur d’électrification rurale, avec de nouveaux postes de transformation le long du tracé, et comme un instrument d’intégration énergétique au sein de la CEDEAO.
Le financement européen entre dans la campagne internationale « Scaling Up Renewables in Africa », conduite avec l’appui du président sud-africain Cyril Ramaphosa et de l’Agence internationale de l’énergie (AIE). L’Union européenne présente son engagement comme une réponse à la fois économique et morale : soutenir un modèle de développement sobre en carbone, mais surtout offrir à des millions d’Africains un accès fiable à la lumière, au froid et à la connectivité numérique – des besoins essentiels au XXIᵉ siècle.
Une coopération à forte portée symbolique
Pour les observateurs, cette initiative dépasse la seule dimension technique. Elle traduit une relation renouvelée entre l’Europe et l’Afrique autour d’intérêts partagés : stabilité régionale, croissance durable et autonomie énergétique. En renforçant les interconnexions, la Côte d’Ivoire devient un pôle d’équilibre dans une Afrique de l’Ouest où la demande électrique augmente de plus de 6 % par an.



