La déclaration du sénateur américain Ted Cruz, qualifiant les attaques contre les chrétiens au Nigeria de « génocide chrétien », a ravivé un débat sensible dans le pays. Entre accusations de manipulation politique et appel à la justice, la controverse souligne la fragilité du discours public sur la violence religieuse au sein de la plus grande nation d’Afrique.
La CAN dénonce une déformation des faits
L’Association chrétienne du Nigeria (CAN) a vivement réagi après la publication d’un communiqué officiel de la présidence, qu’elle accuse d’avoir déformé ses positions. Selon la CAN, un rapport gouvernemental a faussement laissé entendre que son président, l’archevêque Daniel Okoh, aurait rejeté la notion de « génocide chrétien » en évoquant un « soi-disant génocide ».
L’archevêque a catégoriquement démenti ces propos, dénonçant une manipulation qui, selon lui, banalise la souffrance de milliers de victimes. Il a rappelé que de nombreuses communautés chrétiennes ont été frappées par des attaques répétées visant leurs lieux de culte, leurs habitations et leurs familles.
L’incident est survenu après la visite de Daniel Bwala, conseiller spécial du président sur les médias, au siège de la CAN à Abuja. Ce dernier cherchait à clarifier la position de l’organisation après les déclarations du sénateur Cruz. Le ton s’est envenimé lorsque la présidence a publié un communiqué affirmant que la CAN aurait relativisé la gravité des violences.
Face à cette version des faits, la CAN a réaffirmé sa conviction que les massacres dans le nord et la ceinture centrale du pays constituent bel et bien une forme de génocide ciblant les chrétiens. Elle a également exhorté les autorités à agir « avec équité et transparence » pour identifier les responsables et mettre un terme à ces crimes persistants.
Un pays en proie à des violences multiples
Depuis plusieurs années, le Nigeria fait face à une série de crises sécuritaires imbriquées : insurrections djihadistes, affrontements communautaires, banditisme armé et tensions ethno-religieuses. Ces violences, concentrées principalement dans le nord et le centre du pays, ont fait des milliers de morts et provoqué le déplacement de millions de personnes.
Les chrétiens, tout comme d’autres groupes, se retrouvent souvent pris entre plusieurs foyers de conflit, alimentés par la pauvreté, la compétition pour les terres et l’absence de justice durable. Les attaques contre les églises, écoles et villages ont nourri un sentiment d’abandon au sein de la population.
Dans ce climat, les mots utilisés par les responsables politiques ou religieux prennent un poids considérable. L’archevêque Okoh a appelé les médias à faire preuve de retenue et de rigueur, estimant que des paroles imprudentes peuvent « aggraver les blessures et compromettre la paix ».
Entre perception internationale et tensions internes
Les propos du sénateur Ted Cruz ont été accueillis avec scepticisme par une partie de la classe politique nigériane, qui y voit une ingérence dans les affaires nationales. Pour d’autres, ils rappellent la nécessité de reconnaître la gravité des exactions commises contre certaines communautés.
Cette controverse montre le dilemme auquel le Nigeria est confronté : comment dénoncer la violence sans fracturer davantage une société déjà divisée ? Entre la prudence diplomatique et la reconnaissance du drame vécu par les victimes, la frontière reste ténue.
Tandis que les autorités promettent de renforcer la sécurité et d’enquêter sur les crimes, la CAN continue de réclamer justice pour les familles endeuillées. Pour de nombreux Nigérians, les mots ne suffisent plus — seule une action concrète de l’État pourra restaurer la confiance et ramener un semblant de paix dans les régions meurtries.



