La rentrée judiciaire 2025 de la Cour de répression des infractions économiques et du terrorisme (CRIET) a été marquée par un appel fort du procureur spécial, Mario Mètonou, à une coordination accrue des efforts dans la lutte contre le terrorisme. Devant magistrats, officiers et membres du corps judiciaire réunis au siège de la juridiction, le magistrat a dressé un bilan de six années d’action et mis en lumière les obstacles persistants à une réponse judiciaire efficace.
Depuis sa création, la CRIET a instruit 816 dossiers relatifs au terrorisme, a-t-il révélé, dont 770 personnes détenues, parmi lesquelles 31 femmes. Ce volume, a-t-il souligné, illustre à la fois la montée du phénomène et la pertinence d’un cadre juridictionnel spécialisé. Mais au-delà des statistiques, Mario Mètonou a insisté sur les défis structurels qui freinent la répression judiciaire des actes terroristes.
Des défis persistants
Le premier écueil, selon lui, tient à la constatation des infractions. Les attaques terroristes se produisent souvent dans des zones enclavées ou minées d’explosifs improvisés (IED), inaccessibles aux enquêteurs civils. « Seule l’armée a accès aux scènes de crime. Or sa mission première n’est pas d’accomplir des actes de police judiciaire », a-t-il observé, regrettant que les informations recueillies à des fins militaires ne soient pas exploitables devant les tribunaux.
Deuxième difficulté majeure : la coordination entre les services. Renseignement, armée, police et justice travaillent souvent en silos, chacun conservant ses propres informations. « Sur une même affaire, les données peuvent différer d’un service à l’autre, un avantage certain pour les criminels », a-t-il déploré.
Enfin, le magistrat a mis en avant les limites de la coopération internationale. Le terrorisme, devenu transnational, s’appuie sur des réseaux opérant depuis les pays voisins. Or, selon lui, « les accords actuels manquent de souplesse en matière de droit de poursuite », tandis que la rupture de l’échange de renseignements entre certains États de la CEDEAO et de l’Alliance des États du Sahel affaiblit la riposte régionale.
Des raisons d’espérer
Malgré ce constat, Mario Mètonou se veut optimiste. « Le chemin est long, la nuit profonde, mais il y a une lueur au bout du tunnel », a-t-il affirmé, évoquant plusieurs réformes en cours. Parmi elles, l’intégration d’officiers de police judiciaire dans l’opération Mirador, afin d’assurer la judiciarisation des premières interventions militaires.
Le procureur spécial a également salué l’élaboration de fiches de collecte d’éléments de preuve destinées aux militaires présents sur les scènes d’attaque, pour garantir la traçabilité et la transmission des dossiers à la justice. Il a enfin plaidé pour l’institutionnalisation d’un cadre national de riposte judiciaire, regroupant les services de renseignement, l’armée, la police et la justice. Une telle structure, selon lui, renforcerait la cohérence des actions et faciliterait la coopération régionale.
En clôturant son allocution, Mario Mètonou a rappelé que la lutte contre le terrorisme ne saurait se limiter à la seule action militaire. Elle exige, selon lui, une approche concertée, fondée sur la complémentarité des acteurs et la rigueur de la procédure judiciaire. La CRIET, a-t-il assuré, entend jouer pleinement son rôle dans cette dynamique nationale de résilience.




Il faut qu’on s’assure que ceux qui sont derrière les barreaux sont les vrais terroristes, ceux qui endeuillent le Bénin et les familles. C’est là le gros défi. Des civils sans armes, avec des intentions politiques alignées ou non avec ceux qui nous gouvernent ne sont pas ceux qui attaquent nos garnisons, tuent les forces de défense. Les qualifier au même titre que les terroristes islamistes, c’est se tromper de combat.