Mines en Afrique : comment les renégociations de contrats changent les règles

Du Mali au Niger, mais aussi en Guinée, au Burkina Faso, en RDC, en Tanzanie ou en Zambie, les gouvernements revoient leurs relations avec les compagnies minières. Retraits de permis, renégociation de contrats, hausse des redevances ou entrée accrue de l’État au capital modifient progressivement le cadre d’exploitation des ressources.

Cette évolution reste diverse selon les pays, mais elle a un point commun : la volonté d’augmenter la part captée localement et de renforcer le contrôle sur des secteurs jugés stratégiques, tout en gérant le risque d’arbitrages internationaux et de réactions des investisseurs.

Afrique de l’Ouest : retraits de permis et arbitrages en série

Au Mali, le bras de fer autour du complexe aurifère de Loulo-Gounkoto oppose l’État à Barrick. Blocage d’exportations, saisie d’or, mise sous administration provisoire du site et procédures devant le CIRDI traduisent un durcissement de la position malienne, fondé sur des divergences autour du code minier et de la fiscalité. Un accord de principe a été évoqué en novembre 2025, sans texte définitif publié à ce stade.

En Guinée, la révocation de dizaines de licences et le retrait de permis détenus par Nomad Bauxite ou Axis Minerals ont débouché sur des contentieux portés devant des juridictions étrangères et des instances d’arbitrage. Les autorités défendent une reprise en main du secteur de la bauxite, pilier des recettes d’exportation, tandis que les investisseurs réclament des indemnisations élevées.

Au Burkina Faso, la contestation du retrait du permis Tankoro 2 par la société canadienne Sarama, ou encore les décisions touchant certaines mines d’or industrielles, alimentent là aussi des procédures devant le CIRDI.

Au Niger, la décision de retirer le permis d’Imouraren puis la nationalisation de Somaïr ont tendu les relations avec Orano dans l’uranium. Le groupe français a engagé plusieurs actions d’arbitrage, alors que Niamey défend une stratégie de contrôle renforcé sur l’uranium et de diversification de ses partenaires.

Dans ces cas, les changements attendus portent à la fois sur la part des recettes revenant à l’État, la durée des permis, les obligations d’investissement et les engagements envers les communautés locales.

RDC : révision des accords « ressources contre infrastructures »

En République démocratique du Congo, le débat se concentre sur les grands contrats conclus avec des partenaires chinois dans le cuivre et le cobalt, notamment autour de la coentreprise Sicomines. Les autorités ont demandé une révision de l’accord « ressources contre infrastructures » signé à la fin des années 2000. Les discussions ont conduit à des ajustements successifs, avec des engagements supplémentaires en matière d’investissements dans les routes, l’énergie ou les équipements publics. Des rapports de l’ITIE et d’instances de contrôle congolaises ont mis en avant des écarts entre les promesses initiales et les réalisations, ce qui a servi de base à la renégociation.

Les changements attendus pour la RDC sont surtout d’ordre financier et budgétaire : meilleure visibilité sur les flux miniers, augmentation potentielle des recettes liées au cuivre et au cobalt, et encadrement plus strict des engagements d’infrastructures supportés par les partenaires chinois.

Tanzanie : bras de fer puis nouveau cadre avec Barrick

En Tanzanie, la confrontation avec Acacia Mining, filiale de Barrick, à partir de 2017 constitue un précédent souvent cité sur le continent. Le gouvernement a relevé la fiscalité, adopté de nouvelles lois minières et imposé une interdiction temporaire des exportations de concentrés d’or.

La compagnie s’est vu adresser une facture fiscale contestée, avant qu’un accord global ne soit trouvé en 2019 : paiement forfaitaire important, création d’une nouvelle coentreprise contrôlée par Barrick avec une participation de 16 % de l’État dans chaque mine concernée et partage des bénéfices à 50/50.

La Tanzanie a ainsi obtenu une présence plus directe dans la gouvernance des mines et un accès plus large aux informations comptables. À terme, les autorités espèrent des recettes plus régulières, une meilleure maîtrise des volumes déclarés et un levier supplémentaire dans les discussions sur les futures expansions.

Zambie, Namibie et autres pays : la fiscalité et les participations comme leviers

En Zambie, producteur majeur de cuivre, les gouvernements successifs ont souvent utilisé la fiscalité comme outil de renégociation. À travers des modifications répétées des régimes de redevances, d’impôts et de taxes à l’exportation, l’État a cherché à ajuster sa part dans les revenus miniers. Ces changements obligent les compagnies à revoir régulièrement la rentabilité de leurs projets et peuvent ouvrir la voie à des discussions bilatérales pour trouver un équilibre entre fiscalité et investissements.

En Namibie, des débats ont émergé sur la hausse des redevances dans certains minerais, l’encadrement des exportations de concentrés et le renforcement du contenu local. Sans aller aussi loin que les nationalisations ou retraits de permis observés ailleurs, ces réformes visent à faire évoluer la place des entreprises publiques et des partenaires locaux dans la chaîne de valeur.

D’autres États africains, comme l’Afrique du Sud avec ses différentes versions du « mining charter », ont introduit des exigences en matière de participation noire, de contenu local et de développement communautaire. Même lorsqu’il n’y a pas retrait de permis, ces obligations modifient les termes des contrats et le calcul économique des opérateurs.

Ce que ces renégociations changent concrètement

Les renégociations et les retraits de permis ne se limitent pas à des symboles politiques. Elles produisent ou pourraient produire plusieurs effets concrets.

  1. Un partage de la valeur révisé

hausse des redevances ou des impôts ;

clauses de partage des bénéfices plus favorables à l’État ;

mécanismes de loyers ou de contributions indexés sur les prix internationaux (comme pour le lithium au Chili, qui inspire certains débats africains).

  1. Une présence accrue de l’État dans la gouvernance

prise de participations minoritaires dans les coentreprises, parfois assortie de droits spécifiques ;

sièges au conseil d’administration ou comités techniques, permettant un suivi plus proche de la production, des coûts et des ventes ;

capacité renforcée à intervenir sur les plans d’investissement ou les choix d’infrastructures.

  1. Des obligations plus strictes sur l’environnement et les communautés

intégration plus formelle d’engagements envers les communautés riveraines (écoles, centres de santé, routes) dans les conventions minières ;

demandes croissantes en matière de réhabilitation des sites et de contrôle des impacts environnementaux ;

mise en avant de critères de contenu local, d’emploi national et de sous-traitance à des entreprises locales.

  1. Une exposition plus forte aux arbitrages internationaux

multiplication des recours devant le CIRDI ou des tribunaux étrangers de la part des compagnies estimant leurs droits contractuels violés ;

risques financiers pour les États, en cas de condamnations ou d’accords transactionnels coûteux ;

nécessité de renforcer les capacités juridiques et techniques des administrations pour négocier, documenter les décisions et défendre les dossiers.

Entre souveraineté économique et attractivité des investissements

Pour les pays africains, ces renégociations représentent un équilibre délicat. Les gouvernements cherchent à obtenir une part jugée plus élevée des revenus miniers, à répondre aux attentes des opinions publiques en matière de retombées locales et à affirmer leur souveraineté économique.

En parallèle, ils doivent maintenir un cadre suffisamment prévisible pour attirer des capitaux et des technologies dans un secteur très capitalistique, où la concurrence entre juridictions reste forte.

Les prochaines années diront si cette phase de renégociations permettra de stabiliser de nouveaux équilibres durables entre États et compagnies, ou si elle ouvrira une succession de cycles de contentieux et de reconfigurations contractuelles. Les changements attendus – plus de recettes locales, davantage de contrôle, des engagements sociaux et environnementaux renforcés – dépendront en grande partie de la manière dont ces nouveaux accords seront appliqués sur le terrain.

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