Présidentielle 2029 : Sonko - Diomaye, la bataille silencieuse qui commence

Pour beaucoup d’électeurs sénégalais, l’accès au pouvoir de Bassirou Diomaye Faye en 2024 a été synonyme de victoire partagée : celle d’un duo formé avec Ousmane Sonko, figure centrale de l’opposition des dernières années. Le premier est devenu président, le second Premier ministre, tous deux issus de PASTEF et portés par une même promesse de rupture. Quelques mois plus tard, le tableau est plus contrasté : des désaccords publics, des choix politiques contestés et des interrogations insistantes sur la présidentielle de 2029 nourrissent l’idée que l’alliance de départ pourrait se transformer en rivalité.

Les regards tournés vers la présidentielle de 2029 au Sénégal ne se limitent plus à l’opposition ou aux alliances traditionnelles. Une partie du débat se concentre désormais au cœur même du camp au pouvoir, entre le président Bassirou Diomaye Faye et son Premier ministre Ousmane Sonko. Officiellement, les deux hommes restent liés par un même projet politique. Officieusement, de nombreux signaux alimentent l’idée d’une compétition en préparation, faite de tensions retenues, de calculs et de méfiances croissantes.

Au sein de la base militante, beaucoup n’ont pas oublié que Bassirou Diomaye Faye doit largement son ascension à la trajectoire politique d’Ousmane Sonko. L’actuel chef de l’État a été porté par la popularité de son allié, par le travail militant construit autour de PASTEF et par la dynamique électorale structurée autour de la figure de Sonko. Sans ce capital politique accumulé au fil des années, il est généralement admis que Bassirou Diomaye Faye n’aurait pas pu accéder aussi rapidement à la magistrature suprême. Ce passif commun pèse aujourd’hui dans la manière dont sont interprétés chaque nomination, chaque prise de parole et chaque choix stratégique.

Comment la relation Sonko–Diomaye est devenue une source de tension au Sénégal

Les tensions récentes ne sont pas nées d’un seul épisode. Elles s’appuient sur plusieurs dossiers qui se superposent et renforcent l’idée d’un décalage entre les deux pôles du pouvoir.

Sur le terrain partisan, la gestion de la coalition qui a soutenu la candidature de Bassirou Diomaye Faye a constitué un premier point de friction. Le remplacement d’une responsable jugée proche d’Ousmane Sonko par une personnalité davantage associée au chef de l’État a été perçu, par une partie des militants, comme un signal d’émancipation de la présidence par rapport à la base historique de PASTEF. Certains y voient un simple recentrage institutionnel, d’autres y lisent la volonté de Diomaye Faye de maîtriser davantage son environnement politique, y compris face à Sonko.

Sur le plan économique, les divergences autour de la gestion de la dette et des échanges avec le FMI ont renforcé l’impression de deux lignes distinctes. Ousmane Sonko a tenu des propos très critiques sur une éventuelle restructuration, parlant de choix déshonorant pour le pays, tandis que la présidence doit maintenir des marges de manœuvre dans les discussions avec les partenaires financiers. Cette différence de ton nourrit l’idée de deux postures : l’une plus institutionnelle, l’autre plus combative, avec des répercussions directes sur la perception des militants.

Dans ce climat, certaines voix au sein de la base redoutent que l’ambition présidentielle de Bassirou Diomaye Faye finisse par entrer en collision avec celle d’Ousmane Sonko. Il est parfois avancé que le président pourrait être tenté, à terme, de protéger sa propre position pour 2029, quitte à ne pas faciliter une candidature de son Premier ministre. Ces inquiétudes restent toutefois au stade de la spéculation : aucun mécanisme formel n’a été annoncé pour empêcher Sonko de se présenter, et l’essentiel de sa situation dépend encore de ses dossiers judiciaires et de l’évolution du cadre légal.

L’équilibre entre les deux hommes repose aussi sur la perception de leur légitimité respective. Sonko conserve une forte légitimité militante, forgée par ses années de confrontation avec l’ancien pouvoir et par son discours apprécié d’une partie de la jeunesse. Diomaye Faye, lui, détient la légitimité institutionnelle liée à la fonction présidentielle, à la conduite de la politique étrangère et à la gestion des grands dossiers économiques. Tant que ces deux légitimités sont perçues comme complémentaires, le duo fonctionne. Dès que l’une semble vouloir dominer l’autre, la suspicion gagne du terrain.

Sonko, Diomaye et la présidentielle de 2029 : une alliance sous pression

Les débats internes à PASTEF et les conversations sur les réseaux sociaux révèlent une autre dimension de cette « bataille silencieuse » : l’appropriation du projet politique. Une partie des militants considère toujours que la ligne originelle du mouvement est incarnée par Ousmane Sonko, et que Bassirou Diomaye Faye devrait s’y aligner. À l’inverse, des soutiens du président estiment qu’il doit assumer pleinement son statut de chef de l’État, même si cela implique des compromis et des choix qui ne correspondent pas exactement au discours de campagne de Sonko.

L’hypothèse d’une présidentielle 2029 marquée par un face-à-face direct, ou indirect, entre les deux hommes alimente plusieurs scénarios. Il est possible que la candidature de Sonko, si elle devient juridiquement possible, se heurte à une volonté de Diomaye Faye de solliciter un second mandat. Il est aussi envisageable qu’un accord interne soit recherché pour éviter une division du camp, avec un partage des rôles négocié en amont. À ce stade, aucune de ces options n’est confirmée ; elles sont évoquées comme des trajectoires possibles par les observateurs et par les militants eux-mêmes.

L’appareil d’État et les marges de manœuvre institutionnelles occupent une place centrale dans ces projections. Si Diomaye Faye décidait, à terme, de privilégier sa propre candidature, il pourrait s’appuyer sur la structure présidentielle, la coalition parlementaire et certains leviers administratifs. Sonko, de son côté, continuerait de compter sur son influence dans la base, sa capacité de mobilisation et la fidélité de cadres du parti. Cette dualité entre ressources institutionnelles et ressources militantes donne à la période à venir une dimension incertaine.

Pour l’instant, les deux responsables évitent une rupture ouverte. Les messages officiels insistent sur la solidité de la relation personnelle et sur la poursuite du projet commun. Mais les signaux politiques – nominations contestées, désaccords publics sur les orientations économiques, critiques venues de la base – montrent que la confiance n’est plus totale. La crainte d’un blocage éventuel de la candidature de Sonko en 2029 sert alors de prisme à une partie des débats, même si rien ne permet d’affirmer que cette option est déjà décidée au sommet de l’État.

La présidentielle 2029 s’annonce donc comme un test décisif pour le duo qui a conquis le pouvoir en 2024. Au-delà des spéculations, une chose apparaît déjà : le rapport entre Ousmane Sonko et Bassirou Diomaye Faye ne se résume plus à l’alliance victorieuse des débuts. Il devient un enjeu politique à part entière, avec des conséquences possibles sur l’unité de PASTEF, la stabilité de la majorité et la forme que prendra l’offre politique proposée aux électeurs. La bataille reste silencieuse, mais chaque prise de position, chaque choix organisationnel et chaque dossier sensible contribue à la rendre plus visible.

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