Russie - Chine : le Japon, leur plus grande menace ?

Les relations entre Tokyo, Pékin et Moscou traversent une zone de turbulences. Un ancien haut responsable chinois vient de désigner l’archipel nippon comme le danger prioritaire pour les deux puissances voisines, ravivant des tensions ancrées dans l’histoire du XXe siècle.

Wu Hailong, ancien vice-ministre des Affaires étrangères chinoises entre 2009 et 2011, aujourd’hui à la tête de l’Association chinoise de diplomatie publique, a pris la parole lors d’un forum à Pékin. Selon le média Guancha relayé par le South China Morning Post, le diplomate a estimé que le Japon pourrait devenir « la menace la plus sérieuse et la plus directe » pour la Chine comme pour la Russie dans la région Asie-Pacifique. Il a exhorté les deux pays à coordonner leurs efforts pour empêcher Tokyo de créer des troubles dans la zone.

Wu Hailong : un appel à l’alliance sino-russe face à Tokyo

Cette mise en garde ne surgit pas du néant. Les semaines précédentes ont vu les relations sino-japonaises se dégrader brutalement après des déclarations de la Première ministre Sanae Takaichi devant le Parlement japonais. La dirigeante avait évoqué la possibilité d’une réponse militaire de son pays en cas d’attaque chinoise contre Taïwan, qualifiant un tel scénario de situation menaçant la survie du Japon. Pékin, qui considère l’île comme partie intégrante de son territoire, a réagi avec une hostilité rarement observée ces dernières années.

La Chine a multiplié les mesures de rétorsion : convocation de l’ambassadeur japonais, lettres adressées aux Nations unies pour dénoncer l’attitude de Tokyo, déconseillements de voyage vers l’archipel pour les ressortissants chinois et annulation de centaines de vols. Le ministre des Affaires étrangères Wang Yi a même évoqué une ligne rouge franchie par le Japon, une terminologie diplomatique lourde de sens, rapporte Al Jazeera.

La mémoire des conflits du siècle dernier nourrit ces antagonismes. Durant la Seconde Guerre mondiale, l’armée impériale japonaise a occupé une partie du territoire chinois, commettant des atrocités dont le massacre de Nankin en 1937 reste le symbole le plus douloureux. L’Union soviétique, de son côté, est entrée en guerre contre le Japon en août 1945, s’emparant des îles Kouriles que Moscou contrôle toujours et que Tokyo revendique sous le nom de Territoires du Nord. Ces contentieux territoriaux et mémoriels constituent un terreau fertile pour les accusations actuelles de velléités militaristes adressées au Japon.

Pékin et Moscou dénoncent la renaissance du militarisme japonais

Lors d’une rencontre à Moscou entre Wang Yi et Sergueï Choïgou, secrétaire du Conseil de sécurité russe et proche de Vladimir Poutine, les deux parties ont affiché leur convergence de vues. Le ministère chinois des Affaires étrangères a indiqué que les discussions avaient abouti à un consensus élevé sur les questions relatives au Japon. Les deux responsables se sont engagés à défendre les acquis de la victoire de 1945 et à combattre toute tentative de réhabilitation du militarisme nippon.

Choïgou a employé une image frappante, évoquant une « hydre militariste » qui relèverait la tête, selon Japan Today. Le responsable russe a rappelé que Moscou et Pékin possédaient une expérience commune pour vaincre cette menace, référence directe à leur victoire conjointe lors du second conflit mondial.

Pour Tokyo, ces accusations relèvent de la manipulation historique. L’ambassadeur japonais auprès des Nations unies, Kazuyuki Yamazaki, a répondu par écrit au secrétaire général de l’organisation, qualifiant les assertions chinoises d’erronées et rappelant que la politique de défense de son pays demeure exclusivement défensive. Le Japon a par ailleurs conseillé à ses ressortissants présents en Chine de faire preuve de vigilance et d’éviter les lieux fréquentés par d’autres Japonais, indique le Business Standard.

Cette confrontation diplomatique pourrait redessiner durablement les équilibres régionaux. Les précédentes crises entre Tokyo et Pékin, notamment en 2010 et 2012 autour des îles Senkaku, avaient mis des mois, voire des années, à s’apaiser sans jamais permettre un retour complet au statu quo antérieur, analyse le Center for Strategic and International Studies. L’enjeu taïwanais, considéré par la Chine comme un intérêt vital, laisse présager une normalisation encore plus difficile cette fois-ci.

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