Politique béninoise

Il ne se passe rien

« C’est justement le fait qu’une personne puisse être compétente en dehors de l’Ordre qui gêne l’Ordre. Se trouver en position de hors-jeu est inadmissible pour l’Ordre. »

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Huenumadji Afan

Des amis et néanmoins lecteurs m’ont reproché l’absence de ma chronique ces deux dernières semaines. Des conditions objectives m’en ont empêché. Je m’en excuse. Cependant, il n’était pas à espérer que je prenne place dans le mélodrame que le gouvernement et la subite opposition se sont joué respectivement ces derniers temps, rivalisant de pitié et de cynisme de part et d’autre.

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Il convient en effet de situer les responsabilités et d’admettre clairement que les torts que ladite opposition reproche ouvertement au gouvernement, nous pensons qu’ils sont indiscutables dans la mesure où nous les avons dénoncés nous même, que nous avons suggéré des comportements alternatifs dans l’intérêt de tous et qu’en ce temps là, nous n’avions pas vraiment eu le sentiment que nous vivions sur la même planète, que nous voyions et vivions les mêmes choses. De même, la réplique sophiste du gouvernement ne manque pas d’éléments vrais, exploités malicieusement pour décentrer le débat et le rabattre à un papotage familier qui, à l’échelle d’un Etat, frise un amusement de mauvais goût et une fuite ignoble au regard de la situation difficile que vivent aujourd’hui toutes les Béninoises et tous les Béninois honnêtes.

Une question reste posée. Pourquoi ce que nous dénoncions hier pouvait laisser, à tel point, indifférents aussi bien le gouvernement que l’opposition et revêtir une telle importance subitement ?

La réponse est simple. Parce que le gouvernement, tout comme l’opposition se foutent royalement des Béninois. Que les Béninois et leurs problèmes, c’est le dernier des soucis de tout ce monde. Que si aujourd’hui la question ébranle, c’est parce que certains individus du même ordre se sont sentis menacés par le système auquel ils sont assujettis collectivement de manière tacite, qu’ils ont parlé haut et en dehors du cadre d’accord habituel. Que si le gouvernement a pu réagir aussi vigoureusement, c’est parce que le président Soglo a parlé sur une radio étrangère et qu’il n’est nullement ignorant des problèmes réels que vivent les Béninois. Que dans la semaine où le porte-parole du gouvernement répondait à Monsieur Soglo par le même canal, les maisons qui entourent la sienne ont été plongées dans le noir par des coupures d’électricité intempestives, plus d’une quarantaine de fois alors que grâce à son groupe électrogène à lui, il devenait la seule lueur du quartier et que cette situation dure depuis des mois et des mois encore.{mospagebreak}

Que l’opposition elle-même consentait, jusque là à ce qu’on commence à considérer au Bénin comme une fatalité et que sa réaction n’est due qu’à un instinct de conservation puisqu’elle a découvert que la rage du pouvoir pouvait l’atteindre également (au sens médical). Qu’il y a eu des faits graves depuis deux ans, au regard desquels l’opposition n’est pas seulement restée silencieuse, mais plus grave encore, a tenu à rappeler constamment son soutien au gouvernement. Qu’il y a même eu mort d’homme sans que l’opposition bouge son petit doigt. Que, pendant que dans les autres pays, les peuples réagissaient contre la hausse des prix, les Béninois n’ont pas, officiellement bougé leur petit doigt contre les nombreuses pénuries grâce à la même opposition. Alors, qu’est-ce qui a changé aujourd’hui ?

Ce qui a changé, c’est qu’il va y avoir des élections qui consacreront la disparition de toute sorte de particules politiques, c’est-à-dire la déstructuration définitive du paysage politique actuel et la réduction systématique de l’expression populaire au schéma que les lucides ont pu subir ces derniers mois. C’est le risque de la fin politique de tous ces individus. C’est le risque même de toutes autres sortes de fin par des manœuvres semblables à certains croquis qui ont pu nous être révélés depuis l’assemblée nationale dernièrement.

Voilà pourquoi je persiste et je signe qu’il faut un véritable débat citoyen. Un débat véritable où les individus, quels qu’ils soient, devront avoir l’humilité de se reconnaître aussi mortels que les autres et se poser la question : comment pouvons-nous être collectivement heureux sur ce même territoire, avec nos ressources communes, la cotisation de notre force de travail et l’amour de notre environnement.

Camille Amouro

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