Les déclarations accusatoires du ministre des Finances, Soulé Lawani, contre la Cena sur l’organisation du scrutin du dimanche dernier sont certes graves et préoccupantes. Mais peuvent-elles être prises pour paroles d’évangile, comme une certaine opinion a tendance à le faire, tant qu’on pas entendu la version de la Cena ? Là reste tout le débat.
Pour l’heure, il convient de faire noter que la responsabilité des dérapages observés dans l’organisation de ces élections incombe aussi bien au gouvernement qu’à la Cena. Après avoir écouté le ministre des Finances sur ses allégations sur les manquements dont les membres de la Cena se seraient rendus coupables à cet effet, on lui donnerait la communion sans confession. C’est à croire que le pouvoir a parfaitement joué sa partition sur toute la ligne dans la préparation et l’organisation proprement dite du scrutin du 20 avril. Or, Dieu sait que de tout temps, les difficultés auxquelles le gouvernement a soumis le Cena au cours de cette période ont été largement et constamment relayées par la presse et dénoncées par les responsables en charge de l’organisation des élections. A ce moment-là, on n’avait pas trouvé le ministre des Finances aussi prolixe, relevant avec force détails les faits qu’il fustige aujourd’hui et réagissant avec promptitude aux besoins financiers de la Cena. Pourquoi avoir attendu que le pire se soit produit pour venir crier au scandale ? Au lieu de distraire l’opinion sur une fausse histoire de vol de cartes d’électeur, une attitude qui lui vaut aujourd’hui l’une des causes de sa débâcle à Cotonou, le gouvernement aurait mieux fait de relever les insuffisances concrètes dans le fonctionnement de la Cena, comme le ministre Soulé Lawani croit en avoir énuméré lors de sa conférence de presse. Pour ne l’avoir pas fait, le régime s’est rendu coupable et coresponsable de la mauvaise organisation des élections du dimanche dernier.
Mais pour autant, les incohérences du régime ne dédouanent pas la Cena des accusations dont elle est l’objet et l’amateurisme dont elle s’est rendue coupable, sur plusieurs plans, dans l’organisation de ce scrutin. Les nombreuses assurances de son président, Pascal Todjinou, promettant une organisation quasi parfaite de ces élections ne se sont pas concrétisées sur le terrain. En effet, la Cena de Todjinou n’a pas innové en matière d’organisation des élections, pas plus qu’elle n’a pu être à la hauteur des attentes des Béninois concernant l’organisation, pour la première fois, d’élections couplées au Bénin. Les sorties médiatiques intempestives auxquelles le président de la Cena et son secrétaire à la communication, Pascal Gandaho, ont habitué l’opinion sont aujourd’hui sollicitées pour que des explications claires et précises soient apportées aux graves accusations du ministre des Finances. Dans quelles conditions les imprimeries ayant confectionné les bulletins de vote ont été sélectionnées, qu’en est-il du nombre de bulletins de vote commandées, quelles explications la Cena donne-t-elle des fonds destinées au transport du matériel électoral des arrondissements aux bureaux de vote, etc. Des questions sur lesquelles les réponses de la Cena sont vivement attendues et dans les meilleurs délais, vu que sa crédibilité et celle de ses membres en dépendent.
Alain C. Assogba