CESAIRE EST MORT, VIVE LE Discours…!

« Le grand drame historique de l’Afrique a moins été sa mise en contact trop tardive avec le reste du monde, que la manière dont ce contact a été opéré. »

Aimé Césaire, Discours sur le colonialisme

 Interrogeons nos élèves des lycées et collèges: qui est Aimé Césaire? -Réponse: Césaire est le fondateur de la négritude. Citez une œuvre littéraire d’Aimé Césaire. – Cahier d’un retour au pays natal.

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    C’est vrai, c’est par cette œuvre littéraire que le grand humaniste qui vient de s’éteindre s’est révélé à la face du monde. Grand artiste, il gagna d’emblée, en 1939, sa place au cénacle du surréalisme, « adoubé » par André Breton qui proclama sans l’ombre d’une hésitation que ce « poème n’était rien moins que le plus grand monument lyrique de ce temps », « un document unique, irremplaçable. » Et voilà le poète consacré, à juste titre du reste. Soit!

    Mais, ne l’oublions pas, Césaire, c’est, avant tout, l’auteur du refus: il refusa d’entrer à l’Académie française, à coup sûr pour ne pas avoir -comme dirait Etiemble qui refusa aussi- « à y serrer des mains politiquement sales, des mains littérairement sales! » Aimé Césaire, c’est l’auteur du refus de toutes formes d’asservissement… Aimé Césaire, c’est l’auteur du Discours sur le colonialisme, un discours où, à travers un style explicitement transparent et limpide, s’affirme l’homme politique, résolument engagé contre le colonialisme et la colonisation. Ce Césaire-là interpelle à jamais toute conscience, celle des colonisateurs, surtout celle des colonisés, plus particulièrement celle des colonisés d’Afrique qui, paradoxalement, se sont accommodés du dépeçage opéré en terre africaine par l’entreprise colonisatrice formalisée par la Conférence de Berlin, laquelle, de façon artificielle et arbitraire, au gré de ses intérêts et au détriment de leurs identités ethniques et culturelles, fait des Africains des Togolais, des Béninois, des Ghanéens, des Ivoiriens, des Sénégalais, des Nigérians, des Angolais, des Congolais, des Mozambicains…

    L’on comprend à quel point cela fait pitié de voir certaine élite politique africaine se gargariser d’un nationalisme territorial masochiste dont elle semble ignorer qu’il est en réalité férocement arrimé au pacte colonial édicté par Berlin, pacte qui désagrégea les communautés africaines, et oblige encore aujourd’hui à considérer comme expression définitive de la volonté divine les malencontreuses sinuosités tracées en terre africaine par le cordeau de l’envahisseur. Aucun Africain ne devrait être fier d’être « Togolais », « Béninois », « Ghanéen »… Je dois à cet égard avouer que je vis toujours comme une douloureuse épreuve de torture ce moment fatidique précis où, en particulier au Togo, lors des célébrations liturgiques, les fidèles sont astreints à la récitation de la « Prière pour la Nation ». Aux « Togolais » Dieu aurait ainsi fait don du « Togo » comme cité terrestre incontournable, en attendant la Cité Céleste?!… Les peuples d’Afrique ont donc dû subir le fait colonial, unique voie pour ces peuples de constituer des nations idéales pour l’avènement du Royaume de Dieu! Non: « La malédiction la plus commune en cette matière, clame Césaire, est d’être la dupe de bonne foi d’une hypocrisie collective, habile à mal poser les problèmes pour mieux légitimer les odieuses solutions qu’on leur apporte. »

    Il faut changer de cap; il faut travailler à l’édification de l’individu humain, en faisant sauter les barrières coloniales, et aussi les frontières, toutes les frontières, toutes les servitudes, toutes les chaînes. Cela doit être entendu: Césaire est mort, vive le Discours…!

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Huenumadji AFAN
A suivre…!

BCCM/PS/CHRONIQUE/23042008

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