Entretien avec Jean-Baptiste Gnonhoué à propos de la demande d’arrestation du président Soudanais

/food/gnonhoue.jpg » hspace= »6″ alt= » » title= » »  » />« Il n’y a pas de paix durable sans justice »

Le président du Soudan vient de faire l’objet d’une demande d’arrestation et d’inculpation, formulée par le procureur de la Cour pénale internationale. Comme impact, il y a en ce moment à travers le monde, inquiétude suivie de désapprobation d’un côté, puis la joie et des prises de position positives de l’autre. Votre journal s’est rapproché de Monsieur Jean-Baptiste GNONHOUE Président de la coalition béninoise pour la cour pénale internationale, afin de recueillir ses sentiments et des éclaircissements sur certains points.

La Nouvelle  Tribune
Comment avez-vous réagi à la demande d’arrestation et d’inculpation contre le président soudanais ?

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Jean-Baptiste GNONHOUE
Je me réjouis de cette procédure en tant que défenseur des droits de l’homme.

Que pensez-vous de la contestation de la compétence de la CPI par le Soudan ?
Cette contestation, croyez moi, n’est pas juridiquement fondée. La crise prévalant au Darfour a atteint un seuil qui a obligé le conseil de sécurité à saisir la cour, conformément, d’abord, au chapitre7 de la charte de l’Onu, ensuite, au statut créant la cour pénale internationale. Donc, je peux dire, et vous serez d’accord avec moi, que la saisine de la cour par le conseil de sécurité, crée à la charge du gouvernement du Soudan, l’obligation de coopérer sans réserve. C’est le droit international qui le précise. Certaines personnes doivent faire une lecture combinée et responsable du statut de Rome et de la charte de l’Onu.

Comment mettre en œuvre concrètement la demande du procureur de la CPI ?
Il faut que la chambre préliminaire confirme, approuve après une analyse juridique minutieuse, les charges retenues par le procureur. Ensuite un mandat d’arrêt international sera émis contre le chef de l’Etat soudanais pour son arrestation et son transfèrement à la Haye pour y être jugé. Vous direz que cela sera difficile. Mais je dis que ce sera possible et facile sur la base de l’obligation pour chaque Etat de coopérer avec la cour, parce que le procureur a reçu du conseil de sécurité un mandat clair pour agir au nom de la communauté internationale. Le conseil de sécurité ne peut se fonder sur rien pour obstruer l’exécution de ce mandat clair consistant à enquêter et à poursuivre les auteurs de la tragédie du Darfour. Le président du Soudan, selon le procureur en est un.

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En vertu du droit international, tout Etat est tenu d’exécuter le mandat d’arrêt et le Transfèrement. De plus, le conseil de sécurité doit se prendre au sérieux, doit sauvegarder sa crédibilité en y veillant. L’Union africaine ne doit pas se permettre d’entraver le processus par l’inaction, il est question de protéger les populations du Darfour et non le Chef de l’Etat soudanais, comme vous pouvez le constater vous-même. Je me permets de dire aussi que, il n’y a pas de paix durable sans justice. Comme le dit Hegel, un philosophe allemand, je cite : «  Que justice soit faite, sinon le monde périra ». Si les Etats et le conseil de sécurité ne coopèrent pas, la cour aurait été créée pour rien.           

Quelle perception avez-vous  personnellement de l’arrestation et l’inculpation d’un chef d’Etat en exercice.
L’article 27 du statut de Rome créant la Cpi mentionne clairement le défaut de pertinence de la qualité officielle. Cela veut dire simplement que, tout individu quel qu’il soit, est justiciable de la Cpi, s’il commet un crime de droit international relevant de sa compétence. La responsabilité pénale est individuelle, et c’est un principe consacré par le tribunal pénal international de Nuremberg et inscrit en bonne place dans le droit international contemporain. Il n’y a donc pas d’exception soudanaise. Vous convenez avec moi que ce que je dis est clair. Ce n’est pas la mer à boire.
 
Le Conseil de Sécurité peut-il adopter une résolution suspensive ?
L’article 16 du statut prévoit cette procédure tout à fait exceptionnelle. C’est certainement la Chine et la Russie qui vont initier cette résolution. Mais, il ne faut pas oublier un seul instant que le Royaume Uni et la France qui portent parfaitement la Cpi dans leur coeur disposent du droit de veto. Ecoutez, l’action de Luis Moreno, j’ai nommé le procureur, est à la fois légale et légitime. La procédure doit aboutir en principe si la chambre préliminaire confirme les charges retenues contre le Chef de l’Etat soudanais. Le Conseil de Sécurité doit tirer toutes les conséquences juridiques du renvoi du problème du Darfour devant la Cpi. Par ailleurs, le Chef de l’Etat n’a pas cru devoir exécuter le mandat d’arrêt émis contre deux personnalités soudanaises sur la base de certains faits extrêmement graves. Convenez tout de même avec moi qu’on ne peut pas lui permettre de défier à ce point la communauté internationale.    

La souveraineté du Soudan  ne pourrait-elle pas constituer une barrière ?
La procédure déclenchée met du baume au cœur. Je le dis franchement. Les actes macabres doivent disparaître complètement du Darfour. Force doit rester au droit international. Il est temps qu’en ce début de siècle, on mette fin à la culture de l’impunité conformément au principe juridique de l’individualisation de la responsabilité pénale.
Si un chef d’Etat n’assume pas la responsabilité qui lui incombe de protéger son peuple tout entier, la communauté internationale a le devoir d’intervenir de façon appropriée afin de le punir s’il se rend coupable de crimes odieux. La souveraineté n’est pas en rempart. Il faut une judiciarisation susceptible de mettre la société internationale sous l’empire du droit. Il convient  en ce moment d’orienter l’action pénale internationale vers trois axes : vérité, justice et réparation en vue de la paix.

Réalisé par Alain C. Assogba  

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