Me Joseph Djogbénou à propos de la décision Dcc 08-072

/food/djogbenou.jpg » hspace= »6″ alt= »Me Djogbénou » title= »Me Djogbénou »  » /> « La Cour constitutionnelle doit encore  fournir des preuves de son impartialité et de son indépendance »

Avocat à la Cour d’appel de Cotonou et responsable d’organisation de la société civile, Me Joseph Djogbénou a accepté d’apprécier avec nous la décision Dcc 08-072 rendue par la Cour constitutionnelle sur le refus des députés de légiférer à la demande du gouvernement sur des projets de ratification

d’accords de prêts puis de modification du code des investissements. Aussi a-t-il analysé au cours de cet entretien qu’il nous a accordé hier après-midi dans son cabinet à Cotonou, la prise de deux ordonnances par le chef de l’Etat.

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Quelle est votre appréciation de la décision de la Cour relative au refus des députés de procéder à l’examen et à l’adoption de certains projets de lois ?

Me Joseph Djogbénou : Cette décision pose un problème fondamental relatif au pouvoir de l’Assemblée nationale et des députés dans  un régime démocratique tel que le nôtre et particulièrement le système présidentiel. La décision en terme clair consiste simplement à dire au parlement ce qu’il doit, comment il doit le faire et pour quelle fin il doit le faire. Or au plan historique, le principe est à la liberté de l’institution parlementaire dans sa mission consistant au vote des lois et consistant au contrôle de l’action du gouvernement. Il semble là quelles que soient les raisons évoquées que nous constatons une régression démocratique. Même si on peut s’émouvoir des résultats auxquels conduit la position des députés.
  Cela donne à penser pour certains que la Cour constitutionnelle a encore à fournir des preuves de son impartialité et de son indépendance.

Quel commentaire faites-vous alors des ordonnances auxquels a recouru le chef de l’Etat dans le cadre de la ratification d’accords de prêts relatifs à la protection de la côte est de Cotonou contre l’érosion côtière puis des modifications apportées au code des investissements en République du Bénin ?

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Me Djogbénou : Les ordonnances dans leur esprit sont justifiées même si on peut s’interroger sur leur conformité quant aux moyens exprimés par le chef de l’Etat à l’article 68 de la Constitution béninoise.
   En premier lieu, les ordonnances sont justifiées en raison de ce que nous sommes dans un régime présidentiel et les positions politiques des animateurs de la vie publique ne sauraient constituer un obstacle à la mise en œuvre de l’action du chef de l’Etat. En second lieu il est seul à assumer la responsabilité politique quant au succès ou à l’échec de ses actions. Or la situation au parlement donne à penser qu’il n’y a plus d’issue en l’état pour la prise de décisions importantes telles que la lutte contre l’érosion côtière.

Je considère personnellement que le chef de l’Etat n’est même pas allé loin dans la prise de ses ordonnances. Je me serais réjouit davantage si le projet de procédure pénale, le code de procédure civile, administrative, commerciale et sociale et pourquoi pas si tel est son intérêt, la loi sur la médiature avaient été accrochées à cette série de mesures.
  Il faut ajouter à ces textes, le projet de loi sur l’organisation du barreau béninois qui intéresse le droit d’accès à la justice.
J’en conclus que c’est donc une occasion puissante de réformes en profondeur de nos textes que j’ignore d’autant plus curieuse que nombre de ces texte sont liés à la poursuite de l’exécution du programme du Millenium challenge account (Mca).

Existe-t-il suffisamment d’éléments juridiques qui fondent le recours du chef de l’Etat à l’article 68 de la Constitution ?

Sur les moyens juridiques, l’article 68 de la Constitution situe la prise de l’ordonnance à la menace de manière grave et immédiate des institutions de la République, l’indépendance du territoire national, l’exécution des engagements internationaux ainsi que la menace ou l’interruption du fonctionnement régulier des institutions et pouvoirs constitutionnels.
  En l’espèce, les institutions de la République et l’indépendance de la Nation ne sont nullement menacées, le fonctionnement régulier des pouvoirs publics et constitutionnels n’est pas non plus menacé.
  Puisque ces institutions ne sont pas dans l’impossibilité de tenir leur session. On peut cependant se demander si  l’intégrité du territoire ou l’exécution des engagements internationaux sont menacées de manière  grave et immédiate  ou si le fonctionnement des pouvoirs publics est interrompu notamment l’Assemblée nationale.
  S’agissant de l’intégrité nationale, la question se pose évidemment par rapport à l’érosion côtière mais il faut bien s’entendre sur le fait que dans l’esprit de la Constitution, les problèmes écologiques ou naturels ne constituent pas des menaces pressenties par la Constitution en ce qui concerne l’intégrité du territoire national.
  En ce qui concerne l’exécution des engagements internationaux, il faut bien comprendre que l’exécution s’entend d’abord de la ratification et qu’on ne saurait parler de la menace d’un engagement qui n’a pas encore été ratifié.
  On ne pourrait finalement soutenir la prise des ordonnances que sur l’interruption du fonctionnement des pouvoirs publics. Mais là encore, l’Assemblée nationale n’a pas été empêchée de tenir session. Elle a pris sa décision compte tenu de ses objectifs et de sa configuration politique et ses membres en répondront par la voie également politique.
  Finalement on voit bien que l’article 68 qui met en œuvre après consultation des présidents de l’Assemblée nationale et de la Cour constitutionnelle est une survivance du pouvoir monarchique du chef de l’Etat qui le met en œuvre en tant que de besoin pour réaliser ses objectifs politiques.
  En dépit donc de ces irrégularités, il serait vain de s’attendre à une sanction juridique de ces ordonnances.

Propos recueillis par Ludovic D. Guédénon

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