(D’autres hôpitaux de l’intérieur du pays «cadenassés»)
Les perturbations se poursuivent et s’aggravent dans les hôpitaux et autres centres de santé du secteur public. Au Cnhu Hubert Maga et à l’Homel, deux grands hôpitaux du Bénin, les services tournent presque tous au ralenti. Les agents paramédicaux qui orchestrent ainsi ces paralysies ne sont pas toujours prêts à démordre…
(…)tant que la question des primes de risque ne soit pas réglée à leur niveau. Bien au contraire, ils menacent de passer à la vitesse supérieure dès la semaine prochaine.
Le spectacle est horrifiant, pas plus que celui de cet homme allongé à même le sol à l’entrée principale du Smau. Lui aussi se torde de douleurs sous l’effet de ses nombreuses blessures. A quelques pas de là, c’est un presque fou qui s’offre en spectacle. Assis tout nu, à même le sol, sous le hall qui fait face à l’entrée principale du Cnhu, il devise dans le vide. Il est également transporté ici par des sapeurs pompiers, à la suite d’un accident dont il a été victime lundi dernier. Son tibia gauche est cassé et enflé. Selon une source proche de la Direction générale du Cnhu, il a reçu un début de soins, mais s’est évadé pour venir s’installer dans la cour.
Des lamentations incessantes
D’autres gardes malades assis sur des bancs en face du Smau se lamentent sans cesse. « J’ai un accidenté grave ici, mais la lenteur des soins qu’on lui administre en ce moment m’inquiète » confie une femme, la voix sanglotante. Le service minimum est –t-il au moins bien assuré pour le seul cas du Smau en ces périodes de perturbations ? Question bien difficile. Les agents réquisitionnés pour le faire ont dû travailler ce mardi grâce à la présence des forces de l’ordre appelées à leur rescousse ; pour s’opposer aux syndicalistes des paramédicaux qui tentaient de les répudier tous. D’autres, par peur, d’être battus auraient disparu malgré le dispositif sécuritaire. Le surveillant général du Smau, Justin Ahomlato ne cache plus son désarroi face à ce qui arrive. « Les autorités ont intérêt à aller vite, si non, le pire surviendra. Le cas du service des urgents est encore plus alarmant en ce moment » s’inquiète-t-il. Les médecins de service, qui ne sont pas eux autres en grève auraient « curieusement » déserté les lieux, laissant leur tâche aux étudiants stagiaires. D’autres services sensibles du Cnhu vivent aussi le même danger. Entre autres, la réanimation, les salles d’accouchement, la crèche, la banque de sang, etc. Tout est bloqué. Les patients qui s’y amènent encore sont automatiquement renvoyés, ou abandonnés surplace. « Il y a des morts fatales dans presque tous les services depuis peu » s’enflamme, E. Aliha, agent administratif au Cnhu
Une « Grève sauvage » s’annonce
La menace de l’Intersyndicale des ressources humaines du secteur de la santé va en grandissant. Le sit-in organisé hier dans l’enceinte du Cnhu annonce des mesures encore plus sévères . L’on parle d’une « grève sauvage » en préparation. . « Si rien n’est fait d’ici à là par les autorités, nous allons répudier tous les malades de l’hôpital dès la semaine prochaine et fermer toutes les portes » menace gravement un agent gréviste. Les syndicats maison ne sont pas loin de mettre cette menace en application. Théophile Dossou, secrétaire général du Syndicat des taravailleurs du Cnhu, se dit déterminé à aller jusqu’au bout. Sa colère est montée d’un cran à la suite de la dernière réunion avortée par le gouvernement qui les y aurait pourtant invités tous .Ils ont dû rebrousser chemin après deux heures d’attente vaine. Les ministres qui devraient discuter avec eux seraient plutôt conviés par le Chef de l’Etat à la cérémonie de la pose de la pose de la première pierre de l’échangeur de Godomey, organisée ce mardi matin. « Pour une fois encore, le gouvernement vient de se moquer de nous et du peuple, car la santé devrait être d’abord la première préoccupation en ces moments de crise » s’insurge un autre agent, tout courroucé.
Si certains se disent prêts à tout bloquer dans les prochains jours, d’autres agents et responsables syndicaux se veulent plus modérés dans leur revanche. Ils pensent plutôt à d’autres mesures comme celles consistant à ne plus enregistrer toutes les prises en charge provenant de l’Etat.
La prime de risque à l’origine de tout.
La fameuse prime de risque maintenue à 6000Cfa pour les paramédicaux, alors qu’un récent arrêté interministériel a décidé de payer pour la même prime, 100.000Fcfa aux médecins, pharmaciens et ordontosmatologues, est l’acte qui semble avoir tout gâté. Les nombreuses négociations entamées depuis le début de ce mouvement de grève demeurent infructueuses. Les deux parties, paramédicaux et gouvernement, peinent toujours à s’entendre. Si les premiers n’exigent pas d’être payés forcement au même montant que les médecins pour la prime de risque, (Ils ont révisé leur position initiale) ils réclament toutefois une nette augmentation des 6000F Cfa. Entre 50.000Fcfa et 75.000Cfa pour toutes les catégories confondues. Le gouvernement dit niet. Les capacités financières actuelles ne lui permettraient guère de s’aventurier sur un tel chemin. Et préconise plutôt la catégorisation de la prime. Citant d’autres pays africains ou le même taux est payé du professeur magistral à l’aide soignante, à 40.000Fcfa pour le cas du Sénégal, la position de Mme Montéro, Secrétaire général du Syndicat des sages femmes du Bénin reste, en tout cas intransigeante : « Jamais la catégorisation ». Un autre agent du Cnhu va même plus loin, en dénonçant la « part belle » faite aux médecins, qui, fustige-t-il, bénéficient non seulement d’une « mirobolante prime de risque », mais perçoivent d’autres primes comme celles de gardes d’astreintes « sans fournir le service inhérent » ; au point où ils toucheraient désormais près de 350.000Fcfa, par mois, toutes indemnités hospitalières confondues.
Le Dga/ Cnhu très inquiet
«Ce qui se passe actuellement au Cnhu et dans plusieurs autres hôpitaux du pays est très inquiétant », s’enflamme le Directeur général adjoint du Cnhu, Mr Djènontin. « Nous sommes peinés de voir les cas de décès augmenter au sein de notre hôpital à cause de la paralysie actuelle » ajoute-t-il sur un ton amer. Si la loi autorise les responsables administratifs de réquisitionner jusqu’à hauteur de 20% pour assurer le service minimum en cas de grève, le Cnhu, à le croire vit toute une autre réalité en ce moment. « Non seulement les travailleurs ont corsé le mouvement, ils font aussi la chasse aux agents réquisitionnés » déplore le Dga Cnhu, qui avoue cependant, que la Direction ne saurait se mettre au travers de la présente grève. « Le gouvernement doit faire l’effort de les écouter, car la maison ne tient plus. Nous sommes tous malades. C’est vraiment triste » lâche désespérément le Dga-Cnhu.
Baisse drastique des recettes du Cnhu
« C’est une situation insupportable, mais nous ne pouvons rien faire pour empêcher les grévistes d’agir.» affirme avec désolation, le Directeur général du Cnhu, le colonel . Abdoulaye. Les conséquences sur la maison sont nombreuses. Les recettes de l’hôpital ont drastiquement baissé. De 3500.000 Fcfa environ, il y a quelques semaines, elles ne dépassent guère 500.000 Cfa depuis peu, à le croire. Avec déjà les grands problèmes financiers, auxquels l’hôpital fait face depuis des années, le blocage actuel demeure un « drame ». Pour une maison dont la charge salariale et autres dépenses mensuelles avoisinent 350.000.000, pendant que les recettes tournaient avant la grève au tour de 170.000.000 Cfa, les difficultés de fonctionnement ne peuvent que s’aggraver davantage en ce moment. Le Dg Cnhu en est tout chagriné. « Dans cette situation financière difficile, nous n’avons pas encore réglé à ce jour le dernier salaire aux 90% des agents contractuels locaux qui sont directement payés sur le budget de la maison ». Les 10 % d’agents payés par l’Etat sont, eux autres, déjà servis. Et c’est là où le Directeur se dit préoccupé par la grève actuelle, car il aura à faire face à ces 90% d’agents locaux si leur dernier salaire et les autres à venir ne sont pas payés à temps. Comme on le constate, la grave paralysie qui ébranle le Cnhu et beaucoup d’autres hôpitaux publics qu Bénin annonce des lendemains encore plus catastrophiques. Si elle n’est pas vite débloquée.
L’Homel bloqué depuis des jours
L’Hôpital de la mer et de l’enfant Lagune (Homel) de Cotonou vit la même situation depuis des semaines. Tout tourne au ralenti et plusieurs services gardent leurs portes clauses. Faute d’agents. Ceux réquisitionnés sont également pourchassés par les autres travailleurs, « parfois avec violence en cas de récidive », selon une source de cet hôpital. Les accouchements sont très rares. L’habituelle affluence a cédé désormais la place à un silence de cimetière. A la Direction générale, les soucis se sont accrus, de toute évidence. « Les recettes ont nettement chuté » se plaint le Directeur général de l’Homel, Michel Gozo qui reste depuis peu très longtemps au bureau. Pour, dit-il, mieux superviser les quelques rares travaux qui se font en ce moment.
Même chaos dans les autres hôpitaux publics de l’intérieur du pays. Certains auraient même été cadenassés par des agents grévistes. Et plus rien n’y bouge. Dans des zones, où il n’y a que le centre de santé de l’Etat pour assurer les soins aux populations locales, les cas de décès auraient nettement augmenté. L’heure est bien grave à l’hôpital public.
Enquête : Christian Tchanou
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