Soutenir la mobilisation juvénile
« Ainsi disparurent tous les êtres qui étaient à la surface du sol, depuis l'homme jusqu'aux bêtes, aux bestioles et aux oiseaux du ciel; ils furent effacés de la terre et il ne resta que Noé et ce qui était avec lui dans l'arche. »
Genèse 7, 24. Amincissement de la couche d’ozone, réchauffement de la terre, bouleversements climatiques, pénurie alimentaire… Qui donc, mieux que les populations d’Afrique au Sud du Sahara, fatalement accrochées à l’archaïsme des méthodes de production comme à celui de la pensée, tétanisées par le mirage des artifices d’ailleurs, désoeuvrées par les fautes de gouvernants sans éthique, sans perspective et sans conscience citoyenne, qui, mieux qu’un peuple célébré uniquement pour son indigence et son « retard » supposé, peut ressentir à un niveau si élevé, les corollaires de l’insouciance et de la pagaille humaine sur l’environnement ?
Pourtant, il y a ceux qui en ont vaguement entendu parler. Il y a ceux qui en parlent sans que forcément tous sachent de quoi ils parlent. Et puis, il y les autres. Les plus nombreux. Ceux qui n’en savent rien, n’en soupçonnent que dalle et qui, par conséquent, ne semblent pas être intéressés par ce qu’ils considèrent comme des slogans barbares. Pour nombre de cadres africains, l’environnement, c’est comme la culture : un machin à créer dans le gouvernement, parce que toutes les grandes puissances en font ainsi.
Pourtant, la crise alimentaire actuelle, que même les docteurs et les économistes n’ont pu anticiper dans nos pays, interpelle chacun sur ses rapports avec les autres, sa culture, et sur ses rapports avec la nature, son environnement. Si elle n’est pas capable d’induire en nous une prise de conscience de ces deux catégories de notre existant, elle nous aura fait souffrir inutilement. Cette prise de conscience, chacun l’approche selon ses ambitions et ses idéaux.
Ainsi, tandis que dans la semaine du 25 août, notre ministre de l’environnement recevait dans le luxe ronflant de Cotonou ses collègues de la région pour concevoir des stratégies de dépense du Fonds mondial, cinquante jeunes étudiants des lycées et universités de tout le Bénin, eux, se réunissaient au Refuge des Papillons dans le petit village de Camaté, à Glazoué. Sans fonds du gouvernement, dans une ambiance studieuse et grave, ces jeunes qui prennent cette question très au sérieux, comme ils se prennent eux-mêmes au sérieux, ont décidé de réfléchir à comment la crise alimentaire peut constituer un motif de prise de conscience pour orienter l’agriculture vers une meilleure protection de l’environnement et pour amener les acteurs ruraux à s’adapter aux changements climatiques.
Plusieurs contributions ont été écrites à cette occasion. Certains des jeunes avaient déposé les leurs avant le démarrage des travaux, d’autres ont continué à travailler sur place. De manière générale, tous les participants ont discuté respectivement des facteurs exogènes et endogènes de la crise alimentaire, des innovations paysannes à promouvoir comme remèdes, des savoirs faire locaux à valoriser face à la crise. Ils ont ensuite conçu des recommandations en direction des autorités administratives, des acteurs du domaine de la recherche, des producteurs agricoles et de la jeunesse béninoise.
Au-delà du contenu de ces contributions, souvent très professionnelles, que je vous recommande, c’est l’initiative et l’ambiance militante de ces rencontres solidaires qui ont enregistré la présence effective du maire de Glazoué et du directeur départemental de l’environnement et de la protection de la nature, qui m’ont le plus ému. Je me suis rapproché d’une jeune élève venue de Cotonou, je lui ai demandé : c’est quoi la couche d’ozone ? Elle a écarquillé des yeux pleins de pitié et m’a répondu : « vous ne regardez pas la télé ? »
Tout ceci pour dire que le gouvernement n’a pas, seul, vocation à toutes les initiatives et qu’il importe, à l’instar de ce coup de maître de CPN Les Papillons, de mobiliser les énergies jeunes et disponibles, si nous voulons effectivement faire passer le message de l’espérance. Ceci, évidemment, ne devrait pas dispenser l’administration de son rôle.
Camille Amouro
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