Sortie des G4, G13 et Force Clé

Danse autour d’un cadavre!
Galvanisés par le slogan « l’union fait la Nation », les responsables des groupes politiques G4, G13 et Force Clé se sont retrouvés, le week-end écoulé, à Abomey et Bohicon, pour célébrer une messe grandiose, au cours de laquelle on a presque chanté le requiem du régime dit du Changement et de son meneur, le président Boni Yayi.

Si cette rencontre a permis de démontrer les vertus du dialogue entre gens qu’on croyait, depuis mars 2006 et surtout pour leur passé parfois tumultueux, incapables de parler d’une seule voix pendant longtemps malgré leur sortie du 12 mars 2008, si elle leur a permis de s’entendre sur ce qu’ils ont de commun aujourd’hui : le nom de leur adversaire pour ne pas dire de leur ennemi, à l’arrivée, elle semble n’avoir pas abordé tous les sujets, surtout ceux qui préoccupent au plus haut point les populations. Ces leaders et leur séminaire auront donc fonctionné à minima. Comme ces sorciers du conte qui dansent sans cesse autour d’un cadavre sans qu’aucun d’eux n’ait le courage de le toucher.

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C’est un euphémisme aujourd’hui, sans doute, d’affirmer que le pays va mal, qu’il est en panne. Ainsi, au-delà de la démocratie dont personne ne doute plus des coups violents que le pouvoir Yayi lui inflige, c’est le pays lui-même qui est malade du fait de ce même pouvoir.

Ainsi entendu, c’est précisément faire le travail à moitié voire au tiers ou au quart, que de concentrer les efforts sur le sort de la démocratie qui, en définitive, n’est qu’un moyen. Dans la situation que nous venons de décrire, s’occuper prioritairement de la démocratie qui appelle à laisser couler le temps pour peut-être corriger la situation en 2011, c’est exactement refuser de traiter une blessure infectée en pensant qu’on a le temps de s’en occuper, lui permettant alors, sans forcément le penser, de se muer en gangrène. Il est des situations parfois, ainsi, où il vaut mieux appliquer une thérapie brute pour espérer sauver ce qui peut encore l’être.

Or, que nous donne à voir la situation du pays depuis quelque temps ? Le chef de l’Etat, soumis aux assauts répétés de ses adversaires, semble désemparé et multiplie les manœuvres pour reprendre la main. S’ils veulent l’en empêcher, ses adversaires pourraient l’acculer davantage en prenant des décisions hardies, en indiquant par exemple qu’ils ne participeront pas au dialogue national dont il ne faut rien attendre de substantiel, que leur objectif est de l’évincer du pouvoir et qu’ils ne sauraient plus jouer à faire semblant avec lui. Cela, ils ne l’ont pas fait comme il se devait. La preuve, la résolution finale publiée par la presse hier évoque l’alternance en 2011 « au besoin ». Le « au besoin » par exemple, selon les spécialistes de la mystique des mots et de leur charge, apportent des bémols à la volonté proclamée. Il ne faudrait donc pas être surpris demain, si le « besoin » ne se faisait plus pressant, de voir certains de ceux-là même aujourd’hui engagés, retourner casaque ! Voilà pourquoi il nous semble que les prêtres d’Abomey et de Bohicon, auraient dû affirmer clairement qu’ils s’engageaient à prendre le pouvoir, sans ambages. Ne pas l’avoir fait dans les circonstances actuelles où leur adversaire commun du moment est, on peut dire, aux abois, c’est comme le disait en substance le journaliste et analyste politique, Wilfried Léandre HOUNGBEDJI , sur l’émission « Actu matin » de Canal 3 hier, « … conduire votre adversaire sur un ring de boxe, dans les cordes et, au moment de lui porter le coup de grâce, vous prendre subitement de pitié pour lui et vous retourner, le laissant là. Or, chacun sait que rassemblant ce qui lui reste encore d’énergie et de force, cet adversaire peut vous porter un coup fatal… ». Les leaders du G4, du G13 et de Force Clé ne s’exposent-ils pas à cela ?

2011 : Une fin en soi ?
En réalité, s’ils semblent s’entendre aujourd’hui, c’est précisément parce que tous envisagent 2011 comme le moment où le requiem de leur adversaire commun sera chanté. Personne n’a semblé envisager un scenario qui pourrait changer fondamentalement la donne. En effet, puisque nous sommes sur la Terre des humains et des mortels, et puisque le champ des possibles doit être étendu aussi loin que possible, nous pourrons envisager des hypothèses, fussent-elles extrêmes. Lorsque le député Rachidi Gbadamassi dit qu’il y a aujourd’hui toutes les preuves pour traduire le chef de l’Etat devant la Haute Cour de Justice, que se passerait-il entre ces leaders si, effectivement, cela advenait (quoique ce ne soit pas gagné par avance) et qu’il y avait des élections anticipées ? Les ambitions des uns et des autres, qu’ils semblent mettre entre parenthèses pour parler d’une seule voix, ne reprendraient-elles pas le dessus ? Si le chef de l’Etat en arrivait à démissionner par exemple (ce qui paraît ridicule mais pas impossible) ou si tout autre accident naturel ou autre obligeait le pays à anticiper sur 2011, quel sera le sort de l’alliance ? De même, si par extraordinaire, Boni Yayi décidait, par machiavélisme outré (parce que se sachant condamné et voulant compliquer la tâche à ses adversaires) de ne pas se présenter en 2011 au cas où l’échéance serait respectée, quelle alternative appliqueraient les G et F pour ne pas se déchirer au dernier moment ? Par ailleurs, tout le monde sait déjà qu’en 2011, il devrait y avoir non seulement la présidentielle, mais aussi les législatives. Si par calcul, le pouvoir décidait de les coupler ou d’organiser stratégiquement l’une avant l’autre, les enjeux pourraient être différents et ébranler toutes les certitudes d’aujourd’hui. Pour toutes ces raisons, les leaders des G et F n’auraient-ils pas dû, fondamentalement, penser à ces hypothèses qui appellent des solutions immédiates ou pour le moyen terme ? Cela, apparemment, aurait mieux valu que tout le chapelet de récriminations qu’ils ont récité, toutes les insuffisances du pouvoir en place qu’ils ont relevées et qui, du reste, sont sues de tous, y compris de ceux qui en profitent. Cela se savait donc déjà et, c’est de ne l’avoir pas fait, qui fait penser à une danse de sorciers autour d’un cadavre. Tout a été dit sauf l’essentiel qui urge. Et c’est peut-être ce que résumait encore le journaliste et analyste politique Wilfried Léandre HOUNGBEDJI quand il puise dans la sagesse des connaisseurs pour exposer en substance, au cours de la même émission citée plus haut, que « … Au cours d’une battue, les chasseurs ont tiré et abattu un gibier. Les grands chasseurs se demandent si c’est à eux de se baisser pour le ramasser. Les jeunes chasseurs, quant à eux, se demandent si c’est à eux d’aller le chercher, si le gibier n’est pas trop gros pour eux. Pendant leurs tergiversations, peut surgir un chien de chasse dont tout le monde sait qu’il doit forcément avoir un maître, ou encore un chien errant, pour s’emparer du gibier ». A l’évidence, cette sagesse illustre bien la situation que vit le pays et que les prêtres qui ont dit les messes d’Abomey et de Bohicon, n’ont pas su appréhender comme il fallait. En somme, si une situation quelconque devait les amener à se décider daredare aujourd’hui, il ne semble pas évident que les uns et les autres aient la solution.

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Enfin, lorsqu’on sait que leur regroupement est plus conjoncturel que structurel (il est surtout guidé par l’instinct de préservation devant la férocité du pouvoir en place qui donnerait tout pour les liquider tous), qu’il n’est sous-tendu par aucune idéologie qui fédère, il y a effectivement lieu de se demander ce qu’il en adviendra à terme. De se demander si toutes les zones d’ombre qui ont, par le passé, existé entre ces leaders, ont été revisitées sans passion pour être éclairées d’un jour nouveau. En clair, le problème, c’est aujourd’hui !
Fifamen HONTONNOU

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