Camille Azankpo, artiste plasticien togolais

«Il n’y a pas de différence entre les êtres humains malgré leur parcours»

Artiste plasticien togolais, Camille Azankpo présente depuis le 15 janvier 2010 au centre culturel français de Cotonou une exposition baptisée «Les Black Vip». A travers cette interview, il explique l’œuvre et sa technique.

Vous présentez des œuvres actuellement au centre culturel français de Cotonou. Quelle est votre particularité ?

Je n’ai pas une particularité en tant que tel. Je  suis un artiste qui évolue dans le temps, qui évolue avec le quotidien. Je fais ce qui est d’ordre quotidien. Ce qui fait que je suis avec des matériaux plus proches des êtres et qui se retrouvent dans mon travail par un travail chirurgical.

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On y retrouve de la ferraille, du bois, des couleurs qui frappent au premier regard. Comment est-ce que vous avez opéré ce choix ?

Il y a du métal émaillé qui est une cuvette utilisée dans plusieurs foyers qui se retrouve esthétiquement dans ce travail que je présente ici et lié par des agrafes. Le bois, en fait, est l’élément qui consiste à sortir de ce travail une technique chirurgicale, le fait de lier des cordes retaillés, agrafés avec le bois. Vous constaterez que des icônes portent des dessins. Ce sont des motifs, des dessins de bandes dessinées. Ces dessins de bandes dessinées concourent à rappeler l’histoire avec ces personnages, en même temps qu’ils contituent un travail d’esthétique par rapport à ces personnalités. Ils sont dans leurs apparats habituels dans lesquels on les connaît mais ils portent des motifs à peau de fleur. C’est ce qui concourt à faire ce travail.

Vous avez fait exprès de peindre ces personnalités parce qu’ils sont des personnalités qui portent une histoire du continent africain. Il y en a qui se sont illustrés négativement durant leur parcours. D’autres se sont montrés exemplaires. Est-ce que c’est une manière de réécrire l’histoire de l’Afrique ou bien parce qu’il y a des choses qui n’ont pas été dites sur eux que vous voulez ressusciter ?

Il n’y a pas de différence entre les êtres humains malgré leur parcours. Nous avons une histoire et cette histoire doit être connue. A travers ce travail, je fais tout ce lien. Vous avez Sékou Touré, Robert Mougabé, Bongo, Eyadéma, Thomas Sankara, Nelson Mandela, N’krumah, et tous ont une histoire. Nous Africains contemporains devrions connaître cette histoire. Les rehausser dans cette dimension, c’est leur donner une valeur dans ce travail classique que je fais. Ne cherchons pas à les dissocier, à dire que tel est mauvais. Qu’ils soient bons ou mauvais, ils se retrouvent sous mes lames et mes agrafes et reprennent forme.

A l’époque où le communisme étaient en vogue dans nos pays respectifs, il y a avait de ces portraits là que nous retrouvions sur les murs d’édifices publics et à de grands carrefours. Des portraits de grands penseurs socialistes comme vous en peignez. Socialistes. A l’avènement, de la démocratie tout cela a été effacé parce que le peuple n’en voulait plus. Le peuple ne voulait pas que leur histoire soit comptée aux générations futures, mais vous les représentez quand-même.

Je trouve que ce serait ignorant de faire ça. Je pense que c’est une histoire qui nous maintient parce que ces personnalités ont un poids sur la continuité de l’histoire. Qu’ils étaient communistes et maintenant nous sommes en démocratie, qu’on nous dise que nous parlons de démocratie et que nous devons effacer l’histoire, ils restent des personnalités qui ont fait le monde. Aujourd’hui nous avons d’autres présidents qui sont capitalistes ou qui sont démocrates, mais qui font aussi les mêmes erreurs qu’ont faites les hommes du passé. Pour moi, les décrire dans cette dimension, c’est  leur redonner une autre vie. Les portraits nous les avions vécus. Nous savons ce que c’est. Au-delà de cela, nous avons une histoire que nous devons sauvegardée. C’est ce que je suis en train de faire en les mettant dans une bande dessinée avec ce détournement d’idées.

Est-ce que l’exposition va se poursuivre dans d’autres villes d’Afrique et du monde ?

Bien sûr. Je travaille avec l’Allemagne, la Belgique et la Hollande. Je fais cette exposition préalablement ici. C’est un projet qui s’étend sur cinq ans. J’ai travaillé durant cinq ans et je faisais autre chose à côté. J’ai présenté ce projet pour faire une bonne scénographie et un projet de photographie de films: faire de ces personnalités des icônes qui puissent traverser aussi les continents. Après ici l’expo partira sûrement en Belgique, en France et si possible en Allemagne.

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Propos recueillis par Fortuné Sossa

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