L’Afrique noire francophone de la loi cadre à l’indépendance

Au lendemain de la deuxième guerre mondiale, les colonies françaises d’Afrique noire pouvaient se faire représenter au palais Bourbon par des députés, mandatés pour oeuvrer dans l’intérêt des populations.

L’avènement de la loi cadre

L’aspiration réelle du continent noir francophone à la liberté non édulcorée, la guerre d’Indochine et celle d’Algérie ont contraint le gouvernement français à envisager des réformes, de peur de se retrouver sur plusieurs fronts à la fois. D’où la nécessité d’adopter en 1956 une loi, dite loi cadre, au profit des populations africaines, initiée par Gaston Deferre, député maire de Marseille, et qui,  sommairement, se présente comme suit :
En dehors des domaines, comme la défense, la politique extérieure et la  monnaie, les autres affaires relèvent de la compétence des territoires d’outre-mer. Elles sont gérées par un conseil de gouvernement dont la vice présidence est assurée par le leader de la majorité parlementaire, et la présidence par le gouverneur, chef du territoire. Mais très tôt, suite à un amendement de la loi, cette dernière charge est revenue au leader du parti majoritaire, faisant ainsi du gouverneur une personnalité purement et simplement emblématique de la métropole. Nous étions là, dans une période d’apprentissage, d’initiation à la prise en charge de soi-même, la prise en charge de la plupart de ses propres affaires, une période dont l importance a été mal cernée  un peu partout   par les hommes politiques de l’époque. La conscience de l’intérêt vital de la nation était loin de prendre corps dans ce système de home rule. Les partis politiques n’étaient rien d’autre que des clubs électoraux qui s’affrontaient. Les sections locales du rassemblement démocratique africain (RDA), un parti d’envergure continentale, étaient âprement combattues par les autres partis. Les premières élections aux assemblées territoriales, en vue de dégager un conseil de gouvernement en application de la loi cadre, ont eu lieu presque partout dans l’espace francophone du continent noir au cours de l’année 1957. En tout cas, au Dahomey, c’était le 31 Mars 1957. A l’issue de ce scrutin, Sourou Migan APITHY, leader du parti majoritaire, le parti républicain du Dahomey (PRD), avait la responsabilité de former le premier conseil de gouvernement , d’en assurer la vice présidence, puis peu après la présidence. Le même processus a été suivi aussi dans les autres territoires, évidemment dans un contexte empreint de soubresauts comme au Dahomey, puisqu’il fallait mettre tout en œuvre pour conquérir le nouveau pouvoir. Un zèle de néophyte débridé était un obstacle à la perception des différents enjeux.

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L’instauration de la communauté

Le vent nationaliste qui soufflait  fortement dans les milieux intellectuels d’Afrique noire francophone, ainsi que certains événements au sein de l’hexagone, ont porté le Général de GAULLE au pouvoir en 1958. la cinquième république devait naître sur la base d’une constitution d’un genre nouveau. Celle-ci prévoit entre autres la transformation de l’Union française en communauté dont le domaine comprend : la politique étrangère, la défense, la monnaie, la politique économique et financière commune, ainsi que la politique des matières stratégiques. La communauté, présidée et représentée par le président de la République française, comprend les organes suivants : un conseil exécutif, un sénat et une cour arbitrale. Dans les territoires d’Afrique noire francophone, les gouverneurs représentent le président de la communauté. L’adoption du projet de constitution par voie référendaire était tout indiquée pour faire de la communauté une réalité, une procédure qui a été mise en œuvre partout y compris les territoires d’outre mer le 28 Septembre 1958. Ce projet ne prévoit que deux solutions possibles pour l’Afrique noire francophone ; l’indépendance sécession par un vote négatif ou l’autonomie collaboration par le vote contraire. A l’exception de la Guinée de Sékou Touré, cette deuxième option a été préférée par les territoires d’outre mer, puisqu’elle écartait, selon eux évidemment, une indépendance brutale sans transition qui comportait de sérieux risques, une conception vigoureusement battue en brèche par les intellectuels, regroupés pour la plupart au sein du mouvement africain de libération nationale MIN dont la section dahoméenne était animée par Jean Pliya, Albert TEVOEDJRE, Pierre AKEKE, MENSAH Saturnin et votre serviteur, pour ne citer que quelques uns. Les territoires d’outre mer qui avaient opté pour l’autonomie collaboration, avaient le droit de se donner le statut de Républiques autonomes membres de la communauté. La proclamation de cette République a eu lieu au Dahomey le 4 Décembre 1958, et c’est le lieu de stigmatiser l’erreur gravissime que commettent nos dirigeants en passant chaque année cette proclamation sous silence, alors que l’évènement est de taille dans l’évolution politique de notre pays.

Chaque territoire membre de la communauté, étant devenu une république autonome, son Assemblée territoriale devait être remplacée par une Assemblée législative, et le leader du parti majoritaire, devenait premier ministre et formait son gouvernement. Les premières élections législatives ont eu lieu au Dahomey le 2 Avril 1959. C’était un scrutin de liste majoritaire à un tour, suite auquel le parti de Sourou Migan Apithy a obtenu la majorité, dont malheureusement il n’a pas joui, puisque des tractations malsaines et très basses ont conduit à son éviction au profit de Monsieur Hubert Maga. C’était le point de départ de l’instabilité politique chez nous au Dahomey jusqu’à un moment donné en raison de la persistance des rancoeurs engendrées par ces manœuvres dégradantes. A travers l’Afrique noire francophone, notamment en AOF, la scène politique était très mouvementée, caractérisée par des joutes oratoires çà et là, des affrontements verbaux puisqu’il  y avait d’un côté, les fédéralistes, et de l’autre, le RDA qui, pour des raisons qui lui sont propres, ne tenait pas exactement le même langage. Du 28 Septembre 1958 au mois de Juillet 1960, l’Afrique noire francophone n’a fait que chercher sa voie en matière d’initiation à la gestion de ses propres affaires, et de plus, certains événements aussi bien internes qu’externes l’ont amenée à se frayer la voie vers l’indépendance et la souveraineté internationale, suivie de l’admission à l’ONU et à la conclusion d’accords de coopération avec la France.
Voilà en bref, le cheminement de l’Afrique noire francophone, de la loi cadre à l’indépendance, une période d’apprentissage, d’initiation, qui n’a pas été mise à profit. De sérieux points seront soulevés le moment venu quant à la gestion de ces indépendances intervenues en cascade en 1960.

Par Jean Baptiste GNONHOUE
Président de la Coalition Béninoise pour la Cour Pénale Internationale (CPI)

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