Quel est le choix le plus judicieux pour les présidentielles de 2011 ? Cette question les Béninois se la posent, du moins ceux qui, pour la plupart, sont déçus par le régime de Boni YAYI. Pour l’instant, en ce qui concerne la réponse à cette question, deux (02) tendances se dégagent au sein de ces déçus du « Changement » : opter soit pour l’actuel Président de la BOAD, Bio TCHANE, soit pour le candidat unique de la coalition de l’Union fait la Nation (UN). Mais parmi ces deux (02) options, laquelle est en mesure de conduire le Bénin, d’une part, vers la consolidation de sa démocratie et d’autre part, vers le développement à la fois économique et humain ? Sans se lancer dans des analyses pseudo-scientifiques, on peut voir à la lumière des défis qui attendent le prochain président du Bénin le choix qui le mieux pourra sauver ce pays du désastre et du chaos.
Quels sont les arguments militant en la faveur de Bio TCHANE ?
Bio TCHANE, tout comme Boni YAYI, pourrait bénéficier du manque de crédit d’une large partie de la classe politique rejetée par le peuple à la fin du régime de KEREKOU. Il leur est reproché de s’être livrés sous le régime de KEREKOU à un pillage systématique des ressources nationales et de s’être enrichis sur le dos du peuple béninois. Les partisans de Bio TCHANE soutiennent qu’il peut mener une véritable lutte contre la corruption comme il l’avait fait quand il était le Ministre des Finances de Mathieu KEREKOU et appliquer un programme cohérent de gouvernement en évitant la navigation à vue constatée sous l’administration de Boni YAYI.
Quelle est la réalité de la démocratie ?
Que ce soit dans un régime parlementaire ou dans un régime présidentiel, le Chef de l’Exécutif a besoin d’une majorité stable pour réaliser son programme d’action. L’exemple actuel des Etats-Unis, où OBAMA est obligé, pour avoir perdu la majorité au Sénat, de faire des concessions considérables pour pouvoir faire passer sa réforme du système de santé, est édifiant. En effet, le régime politique américain est un régime présidentiel comme celui du Bénin.
Efficacité de l’action gouvernementale au Bénin
L’histoire politique récente du Bénin nous a permis de constater que depuis 1990, aucun des gouvernements (à l’exception de celui de Mathieu KEREKOU, qui, pour une période plus longue que les autres, a joui du soutien de l’Assemblée Nationale) n’a pu bénéficier d’une majorité nécessaire pour réaliser son programme d’actions. Et, la seule exception n’a été possible que grâce au laisser-aller permis par Mathieu KEREKOU qui ne s’occupait vraiment plus des affaires courantes. Pour mieux s’assure cette majorité, il a dû déléguer la gestion des affaires courantes aux partis alliés. Ce qui a expliqué la prolifération des cas de malversations et de scandales sous le régime de KEREKOU et qui a conduit à une désaffection des citoyens vis-à-vis de la classe politique. Mathieu KEREKOU a pu réaliser des taux de croissance acceptables durant son premier mandat avant que les indicateurs ne plongent pendant son second mandat. La corruption et la gabegie ont inhibé les efforts du gouvernement qui, pourtant ont montré leurs effets, dès qu’à la suite de l’ascension de Boni YAYI, il a pris les premières mesures contre la corruption.
On peut dire que si le Bénin avait un système politique normal dans lequel le Président Mathieu KEREKOU n’avait pas été obligé de livrer le pays au pillage des partis politiques pour s’assurer une majorité relative à l’Assemblée et que la corruption et la mauvaise gestion qui en ont résulté n’avaient pas affecté la croissance, le développement aurait été accentué et les résultats, plus décisifs sous son administration.
Par contre, le Président Nicéphore SOGLO, bien qu’ayant redressé l’économie béninoise d’une façon spectaculaire au cours de son premier et unique mandat n’a pas pu obtenir un second. Sous le Président SOGLO, la majorité à l’Assemblée pouvait changer pour un rien du tout. Des députés changeaient d’appartenance politique sur la base de considérations personnelles, égoïstes et immédiates. Ainsi à la suite d’un remaniement ministériel, la majorité peut changer de camp. SOGLO a voulu pallier à cela par la création d’un parti qu’il voulait fort. Ce qui suit, tout le monde le connaît. A en juger d’après les performances réalisées par l’économie béninoise à l’époque, on peut dire que si SOGLO avait bénéficié d’un second mandat, il aurait certainement réalisé mieux qu’au cours de son premier et seul mandat en termes de reconstruction économique.
Dans le cas du Président Boni YAYI, il avait plus que ces prédécesseurs la chance de réaliser de bonnes performances économiques tout en s’assurant une majorité largement stable et confortable à l’Assemblée afin de rendre son action gouvernementale efficace et de s’assurer facilement un second mandat si l’on devrait se référer à ses promesses d’unir les Béninois et de les remettre au travail. Mais la trop forte focalisation de Boni YAYI sur sa réélection a tôt fait de lui aliéner le soutien de ceux qui auraient pu lui accorder un appui déterminant, en occurrence la RB. Boni YAYI non seulement n’a pas pu faire mieux économiquement que KEREKOU et SOGLO mais aussi a été incapable de réaliser l’un des vœux chers à SOGLO : avoir une coalition large pour soutenir l’action gouvernementale. Nicéphore SOGLO, à la sortie d’une visite qu’il a rendue à Boni YAYI exprimait le souhait de voir mettre sur pied une coalition solide pour le soutenir dans sa lutte contre la corruption. Mais très tôt Boni YAYI s’est retourné contre ses alliés politiques parce qu’il entendait avoir sa propre formation politique. Tenant compte des 75% de votes dont il a bénéficié au second tour des élections de mars 2007 et enivré par les marches de soutien tout azimut, il espérait rééditer une percée assez significative avec la FCBE afin de se doter d’une majorité sûre à l’Assemblée Nationale. Mais n’ayant pas pu obtenir cette majorité, il aurait pu se tourner vers la RB pour réaliser une coalition. Il a préféré choisir le G13 qui, par la suite l’a lâché aussi. Durant les communales de 2008, il tenait à arracher la Mairie de Cotonou aux SOGLO. Les conséquences sont là.
Sous l’administration de Boni YAYI, la corruption supposée reculer est encore plus installée et rampante que jamais. La méfiance entre les acteurs politiques et les accusations de régionalisme de part et d’autre minent la vie politique. Ce constat a été fait aussi par les participants au Colloque tenu à Cotonou dans le cadre de la commémoration du 20ème anniversaire de la Conférence des Forces Vives de la Nation de Février 1990. En outre, l’action gouvernementale est difficile à être conduite efficacement à cause des choix faits dans la précipitation et à des fins électoralistes. Les choix, en matière de dépenses publiques, donnent l’impression que les priorités n’existent guère.
A l’analyse de ces trois cas de gestion politique, le constat qui se dégage est que l’inexistence d’une majorité gouvernementale du fait de l’émiettement des formations politiques constitue un obstacle à la consolidation de la démocratie et au développement.
A quoi s’attendre avec Bio TCHANE
Au cas où Bio TCHANE qui, comme KEREKOU, SOGLO et YAYI, ne dispose pas d’un parti politique pour soutenir son action gouvernementale, gagnera les élections de mars 2011, il va devoir soit faire comme KEREKOU en jetant les ressources publiques en pâture aux partis pour bénéficier de leur soutien soit créer son propre parti et connaître le même sort que SOGLO et YAYI. C’est un dilemme.
La meilleure alternative
Le Bénin n’est pas maudit et les Béninois ne sont pas plus difficiles à gouverner que les autres peuples. Les Béninois ne sont pas plus corrompus que les autres peuples en réalité. Mais, le Bénin et les Béninois, au lieu de mettre sur pied des institutions qui assureraient une régulation réaliste du pouvoir, préfèrent faire confiance à des personnalités messianiques supposées constituer de par leur seule personne la solution à tous les problèmes. Or, de telles personnes n’existent que dans le monde des rêves. « Africa doesn’t need strongmen, it needs strong institutions. », disait OBAMA. Ce qui veut dire littéralement : « L’Afrique n’a pas besoin d’hommes forts, il a besoin d’institutions fortes ». En effet, les hommes passent et disparaissent mais les institutions demeurent. L’homme est naturellement corrompu et corruptible. L’homme qu’il soit aux Etats-Unis, en France ou au Bénin constitue la même réalité. Cependant, les autres nations ont su trouver la solution à l’imperfection humaine par un système appelé la démocratie multipartiste.
Comment le multipartisme doit-il corriger l’imperfection humaine ?
Dans la démocratie multipartiste, les partis sont en compétition. Le parti X qui est au pouvoir aujourd’hui est supposé mieux faire que le parti Y qui était au pouvoir hier. Quant au parti Y, qui est dans l’opposition, il aura le temps de rechercher et de comprendre les raisons de son échec, de se remettre en cause, de changer de politique et d’améliorer son action. Ce qui pourrait lui permettre aux élections à venir de regagner la confiance des électeurs. Dans un tel système, un parti qui aura laissé la corruption se développer le payera cash et sera obligé de tirer leçon de ses déboires électoraux. La sanction des citoyens peut donc constituer un remède efficace à l’expansion de la corruption partout dans l’administration.
Le multipartisme béninois en panne
Mais, dans le cas du Bénin, les électeurs n’ont pas à élire des partis au cours des élections présidentielles puisque, depuis 1990, ce sont des personnalités sans partis qui ont été élues. Les partis, qui eux-mêmes participent aux gouvernements formés pas ses personnalités une fois élues, ne se reconnaissent pas responsables et comptables de leur gestion des affaires publiques. Et, quand bien même, ces partis sont mêlés à des cas de malversations, ils ne sont pas perçus comme responsables de cette gestion et donc méritant d’être sanctionnés par les urnes. D’ailleurs, ils se sentent intouchables puisque pour gouverner le Chef de l’Exécutif aura toujours besoin d’eux d’une façon ou d’une autre.
Quelle solution ?
La création de partis, ayant une large base électorale et ayant la force de gagner – pris individuellement, les élections présidentielles, contribuerait à rendre responsables les partis politiques de leur gestion. L’électeur n’aura pas qu’à élire une personnalité mais aussi un parti appelé à assumer avec cette personnalité les performances de sa gestion. En cas d’échec – quand cette personnalité voudra renouveler son mandat – ce ne sera pas un échec personnel mais un échec collectif. Le parti pourra durant son parcours de désert méditer sur ses erreurs et revenir au pouvoir plus tard. Cela peut constituer une solution efficace contre la corruption car en se laissant aller aux malversations, le parti au pouvoir en payera le prix.
De même, l’expérience accumulée par le parti en termes de l’exercice du pouvoir ne disparaît pas avec le départ de la personne qui avait été le Chef de l’Exécutif. Cette expérience est passée aux générations nouvelles au sein du parti parce qu’avec le temps une culture de parti naît et est transmise de génération en génération. Les nouvelles générations n’ont pas à recommencer l’apprentissage de l’exercice du pouvoir à partie de rien mais elles bénéficient de l’expérience des ainés, de leurs erreurs et de leurs réalisations.
C’est également par ce processus qu’un parti se construit une idéologie ou un modèle de société qui inspire son programme de gouvernement car un modèle de société ne se conçoit pas du jour au lendemain. C’est une œuvre de longue haleine forgée par l’histoire et le temps.
Par ailleurs, pour qu’un candidat d’un parti puisse gagner les élections, son parti doit avoir une large base électorale. La mise sur pied d’un tel parti à base électorale large exigera la fusion de plusieurs partis, qui, dans le cas actuel du Bénin, n’ont qu’une envergure régionale et ethnique. Des ethnies qui avaient l’habitude de se livrer à des rivalités par l’intermédiaire des partis politiques seraient obligées de nouer des alliances. Cela ne peut participer qu’à renforcer l’unité nationale. De même, des partis se rassembleraient et perdraient de leur affinité ethnique pour devenir des partis nationaux afin d’avoir une base électorale large, attirer plus d’électeurs et s’assurer la majorité au parlement. Les petits partis pour ne pas disparaitre seront obligés de s’unir aussi afin de former de grands ensembles. Ce qui entraînera une réduction de nombre de partis politiques, une clarification de la vie politique et la régulation ou l’alternance du pouvoir entre des formations politiques fortes.
En plus, du fait qu’il assure la régulation du système politique, l’existence de grands partis permettrait de disposer d’une majorité pouvant constituer un socle à l’action gouvernementale. La stabilité politique éviterait que le gouvernement soit distrait par des préoccupations politiques. Il pourra consacrer toutes ses énergies au développement de la nation. Le gouvernement pourra inscrire son action dans la durée puisqu’il est plus facile à un Président ayant la majorité à l’Assemblée de renouveler son mandat.
Toutefois, tout ceci ne sera possible que si la chance est donnée aux partis politiques d’apprendre et d’exercer le pouvoir et que la tendance actuelle caractérisée par l’ascension au pouvoir de personnalités messianiques est estompée. Dans cette perspective, la création de l’Union fait la Nation peut être considérée comme quelque chose qui doit être soutenu car il peut offrir une chance aux Béninois de se réconcilier avec eux-mêmes et gérer leur pays autrement.
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