Affaire des machines agricoles: Comment le gouvernement brouille les pistes

« L’affaire des machines agricoles » n’en finit pas de rebondir. Après les nombreuses dénonciations de surfacturation du député Janvier Yahouédéhou, le gouvernement a semblé prendre le taureau par les cornes en prononçant des sanctions contre le régisseur du Projet de promotion de mécanisation de l’agriculture(Ppma) lors du conseil des ministres du 14 Avril 2010.

Bonne volonté du gouvernement, pourra-t-on dire mais en vérité, cette sanction isolée et « prompte » semble participer d’une stratégie pour brouiller les pistes d’une enquête sérieuse. Le conseil des ministres du 14 Avril dernier a livré à l’opinion une autre facette des cadres en charge  de la gestion du projet de promotion de la mécanisation agricole. Il s’agit des prévarications commises par le régisseur de ce projet Etienne Missinhoun. Selon l’enquête diligentée par l’inspection de ce ministère, 176 millions ont été détournés par ce monsieur au sujet de la rétrocession des frais d’amortissement des motos achetées par le gouvernement et octroyées aux encadreurs des producteurs agricoles recrutés en 2007. Le conseil des ministres a donc décidé d’accélérer la poursuite de l’enquête et d’engager contre lui les sanctions  disciplinaires immédiatement et les poursuites judiciaires en temps opportun. La décision est salutaire et montre la bonne volonté du gouvernement à mettre fin à l’impunité. Mais il y a là des indices de forte suspicion qui peuvent encore rallumer les griefs portés contre le gouvernement en ce moment. Au prime abord, la date où l’enquête est diligentée : janvier 2010, c’est-à-dire quelques jours après l’éclatement de l’affaire de surfacturation des machines agricoles. Secundo, la célérité avec laquelle le pouvoir a conduit cette enquête suscite des interrogations. C’est l’une des rares fois, sinon la première fois qu’une enquête ou une vérification aboutit à la poursuite des responsables dans un si bref délai. Pour une enquête entamée en Janvier, les résultats sont rendus disponibles et le Conseil des ministres en avise quatre mois après, soit en Avril. Or dans la plupart des cas, les enquêtes n’aboutissent à aucun  résultat probant.

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Et les responsabilités sont rarement situées. Si les enquêtes aboutissent, les résultats sont mis sous le boisseau. C’est le cas des nombreux audits commandités par le gouvernement dès 2006, au début du quinquennat et dont les résultats n’ont jamais été publiés. De même, on peut aussi se poser des questions sur la promptitude de cette action et la nature du mis en cause. En sa qualité de régisseur, Monsieur Etienne Missinhoun est l’un des dépositaires des secrets et des documents financiers et comptables et du Projet de promotion de la mécanisation agricole.

L’empressement avec lequel ce gouvernement qui a habitué les Béninois aux audits sans lendemain a ordonné la poursuite de sanctions contre ce régisseur laisse penser à un montage pour mettre hors d’état de nuire un homme dont la maîtrise des dossiers sensibles peut être à la longue une menace pour les autorités impliquées dans la surfacturation des machines agricoles. Enfin, le fait que ce régisseur soit accusé de malversations financières pour des projets autres que celui de l’achat des machines agricoles est un indice fort, qui pourrait confirmer les soupçons de détournement qui planent sur ce projet et qui alimentent actuellement les conversations parlementaires. L’honorable Janvier Yahouédéhou peut retenir son souffle et attendre que les faits lui donnent raison, au regard de l’allure que prend ce dossier qui n’a pas encore livré tous ses secrets.
Georges AKPO

Extrait du Communiqué du Conseil des Ministres du 14 avril

… Par ailleurs, le Ministre de l’Agriculture, de l’Elevage et de la Pêche a soumis au Conseil des Ministres, une communication relative au rapport de la mission de contrôle et de vérification de la gestion des frais d’amortissement des motocyclettes affectées aux Agents d’encadrement de son ministère.
Il faut rappeler que courant 2007, le Gouvernement a procédé au recrutement de 2201 Agents contractuels de différentes spécialités pour assurer l’encadrement des producteurs au profit des Centres Régionaux de Promotion Agricole (CeRP A) et favoriser l’atteinte de ses objectifs dans le domaine agricole.
Dans ce cadre, différents matériels de travail ont été mis à la disposition de ces Agents dont des motocyclettes. Des frais d’amortissement de ces motocyclettes qui, à terme, vont devenir la propriété de leurs bénéficiaires, devraient être prélevés lors du paiement de leurs salaires puis reversés par le Régisseur au Trésor Public.
Afin de faire le point du reversement desdits frais d’amortissement, le Ministre de l’Agriculture, de l’Elevage et de la Pêche a diligenté en janvier 2010, l’Inspection Générale de son Département aux fins de procéder au contrôle et à la vérification de la gestion desdits frais.
Des travaux de la Commission de Contrôle et de vérification créée à cet effet, il ressort que Monsieur Etienne MISSINHOUN, Régisseur du Programme de Promotion de la Mécanisation Agricole (PPMA) et du Recensement National Agricole (RNA) n’a pas reversé au Trésor Public, ni justifié la totalité des frais d’amortissement récupérés, soit la somme de cent soixante seize millions quatre cent dix huit mille neuf cent onze (176.418.911) francs.
En approuvant cette communication, le Conseil des Ministres a donné des instructions aux Ministres compétents aux fins :
– d’accélérer la poursuite de l’enquête confiée à la Brigade Economique et Financière;
– d’engager à l’encontre de Monsieur MISSINHOUN la procédure disciplinaire poursuites judiciaires en temps opportun ;
– de mettre immédiatement l’intéressé en débet pour la somme mise en cause.
A titre de mesure conservatoire et en attendant l’aboutissement des procédures enclenchées, Monsieur Etienne MISSINHOUN est relevé de ses fonctions de régisseur et suspendu de son emploi.

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