Leçon du Nigeria, besoin de sérieux au Bénin

Le Bénin est un Etat indépendant depuis bientôt 50 ans, disons-nous. Ce Bénin, petit par la superficie, est grand par l’ambition et le savoir. Autrefois, c’est la qualité intrinsèque de ses ressources humaines qui était la principale source de sa fierté hors de ses frontières.

Ne le baptisa-t-on pas « Quartier latin de l’Afrique » en référence auxdites ressources humaines qui s’exportaient et faisaient le bonheur d’autres pays ? Aujourd’hui, c’est son ambition et son rêve, peut-être faudra-t-il dire maintenant ses rêvasseries d’émergence, tant les slogans et professions de foi sont en dissonance criarde par rapport aux actes, qui le singularisent dans la sous région ouest africaine. « La bonne gouvernance précède le développement » a dit l’emblématique Barack Obama à l’endroit de tous les dirigeants africains lors de sa visite à Accra l’année dernière. Mais la bonne gouvernance n’est pas encore la tasse de thé des dirigeants africains et surtout pas le plat d’igname pilée des responsables du Bénin où elle tarde à s’installer malgré la promesse de changement, il y a quatre ans, qui était censé la porter.

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L’une des conditions de l’émergence, c’est la réussite économique. Cela ne se décrète pas. La réussite économique ne peut surgir que de la production, de l’effort continu. Pas en se contentant d’importer et de réexporter comme nous le faisons du riz. Du riz il est vrai si consommé ici et à côté, que nous faisons venir d’Asie pour ensuite le convoyer vers le géant Nigeria voisin. Car, sitôt que le Nigeria hausse le ton, voilà notre économie qui tremble et chancelle. L’on comprend donc que Boni Yayi se transporte de l’autre côté de la frontière pour essayer d’attendrir les autorités et les amener à faire des concessions. Des concessions dans le sens d’accorder au Bénin un moratoire de six mois à un an, comme réclamé par certaines voix officielles, plutôt que de le sevrer d’un trait de la manne que génère la réexportation du riz vers ses marchés. Mais les arguments du Nigeria, en cette espèce, sont en béton armé surtout qu’il avait déjà averti il y a cinq ans, allant même jusqu’à fermer ses frontières communes avec notre pays. Ses officiels venus rencontrer les nôtres à l’effet de les sensibiliser ont clairement indiqué que cette activité de réexportation n’enrichit ni le Bénin, ni le Nigeria et pas l’Afrique, mais plutôt ceux auprès de qui nous achetons. J’ajoute qu’elle entretient la paresse chez nous.
Et quand ils précisent qu’ils sont prêts à acheter du riz produit au Bénin, ces Nigérians nous donnent une sérieuse leçon de nationalisme et de pragmatisme. Quels arguments irions-nous donc développer devant eux pour leur faire changer d’avis ? Devant la pertinence indiscutable de leur argumentaire, n’avons-nous pas à entrer en nous-mêmes, à faire notre autocritique et à constater que, jusqu’ici, nous n’avons vraiment jamais été dans le coup ? Nous irions verser des tonneaux de larmes qu’ils ne nous regarderaient même pas s’ils restent conséquents envers eux-mêmes. Il nous appartient maintenant de prendre des résolutions pour changer de fusil d’épaule, et nous mettre à l’oeuvre. C’est ainsi que nous assimilerons la leçon et que nous nous montrerons capables de changer. L’émergence viendra en partie de là, un jour qui n’est certainement plus dans le calendrier de nos "changementeurs". A moins qu’il se résume à aller faire du jogging à 9h du matin, en plein jour ouvrable et à un moment où l’on est censé être au travail, exactement comme le ferait un désoeuvré ou un retraité qui prend son temps.

Une telle attitude, pour être comprise, doit être vue sous le prisme d’un populisme mal pensé. Au-delà, elle doit être symptomatique de quelque chose de plus grave encore et donc forcément de plus préoccupant à exorciser au plus tôt pour sortir de cette banalisation inqualifiable de chose sérieuse. Quand nous comprendrons que nous devons entrer dans la matière, ne faire qu’un avec elle, que la souffrance est meilleure conseillère que la facilité, que l’émergence ne se décrète pas comme nous le faisons depuis quatre ans, nous aurons commencé à amorcer notre processus de changement. Alors seulement, nous pourrons espérer relever le défi que nous lance le Nigeria. Car c’en est un ! Et nous avons besoin de nous prendre au sérieux, de déclencher la révolution de nous-mêmes…

Par Wilfried Léandre HOUNGBEDJI (source : http/commentvalebenin.over-blog.com)

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