Une piquante Angélique

Angélique Kidjo dit ce qu'elle pense. Son audace l'a hissée parmi les plus grandes voix africaines.  Celle qui a conquis la scène internationale en partant de son Bénin natal sait ce qu'elle veut. Une famille cultivée et unie lui a inculqué des valeurs fortes. Depuis, la petite Angélique Kidjo est devenue plus qu'une grande artiste, une porte-parole pour la femme en Afrique. Enfance, Bénin, machisme, mariage et musique, elle passe tout au crible sans rien lâcher. Un entretien mordant.

« Sud Ouest ». Qui vous a sensibilisé à la musique ?

Angélique Kidjo. Mon père et ma mère étaient des fanatiques d'arts. Ma mère a d'ailleurs fondé le premier théâtre du Bénin. Mon père nous disait, voilà on n'est pas riche, vous ne pouvez pas voyager à travers le monde, mais je peux amener le monde à vous avec les disques. Mes frères ont écouté tout ce qui pouvait se faire en musique dans les années 70, les yéyés, le rock avec les Rolling Stones… et moi, j'ai absorbé toute cette musique avec celle du pays.  

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Vous semblez très attachée à votre famille…

Sans eux, je ne serais pas là aujourd'hui. Mon seul regret est d'avoir trop attendu pour enregistrer un duo avec mon père. Je pensais avoir le temps… Mon dernier album, c'est pour lui, pour le remercier d'avoir été un père si libéral. À la maison, c'était un va-et-vient incessant d'échanges.

Une volonté d'échanges que l'on retrouve sur vos albums.

J'ai besoin de rencontrer des gens différents. Mon père avait l'habitude de dire : « Écoutez, un être humain ce n'est pas sa couleur qui le définit. Si vous jugez quelqu'un sur son apparence ou sa couleur, alors vous êtes des idiots et, par ignorance, vous allez passer à côté de quelque chose d'important. »

Sur votre dernier album, pourquoi rendez-vous hommage à Aretha Franklin ?

C'est la première femme noire dont j'ai vu la tête sur une couverture d'album ! J'avais 7 ans et je n'écoutais que de la musique d'hommes noirs ou blancs ou de femmes blanches. J'ai découvert ce jour-là que des femmes noires pouvaient aussi faire de la musique. Deux ans plus tard, j'écoutais Miriam Makeba et je décidais que moi aussi je pouvais le faire !

Vous êtes une artiste engagée ?

Tous les artistes par définition s'engagent quand ils écrivent. Moi, je n'ai pas envie qu'on me mette dans un cercueil et qu'on m'enterre parce que je viens d'Afrique et qu'une femme africaine doit chanter ci ou ça. Pourquoi est-ce qu'un artiste africain doit se contenter de chanter tel genre alors que le reste du monde a le droit de faire ce qu'il veut ? Moi, je dis ce que je pense.

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Quelle cause défendez-vous ?

L'éducation des femmes africaines. Le futur de l'Afrique passera par elles. Ma mère avait compris ça et nous a bien éduqués, mes frères et moi. Il y a encore de gros effort à faire en Afrique.

Comment cela s'est passé pour vous, femme africaine décidée à faire carrière ?

Ma famille était la seule à me soutenir. Quand j'étais enfant, on trouvait ça mignon que je chante. Plus âgée, on me traitait de prostituée parce que je ne voulais pas me marier. Mon copain de l'époque m'a dit qu'il n'épouserait pas une chanteuse, je lui ai répondu, « tu vois le portail par où tu es passé. Tu le reprends vite fait ! » Et quand j'ai épousé un blanc, ça a dérangé aussi. L'homme noir n'aime pas qu'une Africaine épouse un blanc. Mais je le dis, une femme n'est pas une terroriste parce qu'elle revendique ses droits. Je ne suis pas une femme asexuée, je ne suis pas une femme qui veut prendre la place de l'homme, je demande juste à l'homme de discuter avec moi sur un même pied d'égalité.
(sudouest.fr)

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