(Que cache le décret à venir ?)
Lors de son dernier conseil des ministres, le gouvernement a décidé que les opérateurs Gsm transmettent dorénavant la liste de leurs abonnés afin qu’ils soient identifiés. L’objectif est de mieux lutter contre les malfrats. Une décision qui tombe en dessous du sens et qui amène à se demander s’il n’y a pas anguille sous roche.
Le gouvernement béninois a trouvé une nouvelle arme contre le banditisme. L’identification des acheteurs de carte SIM. En effet, le gouvernement du Dr Boni Yayi estime que le téléphone portable est devenu un instrument dangereux entre les mains d’individus sans foi ni loi qui attentent à la vie des paisibles populations. Par conséquent, le recueillement de toutes les informations d’identification de toute personne désireuse de se procurer une SIM, facilitera le travail aux policiers béninois. Il en va de même pour ceux qui utilisent les numéros masqués. Pour ce dernier, reconnaissons que le problème ne devrait pas se poser. Car, pour bénéficier d’un pareil service, il y a normalement des formalités requises à remplir auprès de l’opérateur. Quand bien même, depuis quelques temps, il y a des codes qui permettent de masquer un numéro pour appeler son correspondant. Le bémol à ce niveau est de savoir comment régler le cas des téléphones fixes qui n’affichent pas forcément les numéros appelant. A moins qu’on ne remonte ici aussi à l’opérateur téléphonique.
En ce qui concerne l’identification en général, sans porter des gants, il faut dire qu’elle est une entreprise vouée d’office à l’échec. Et elle ne servira en aucune manière à régler le problème d’insécurité ou à aider à épingler un quelconque malfrat. Plusieurs raisons sous-tendent cette logique. Premièrement, si quelqu’un fait un achat multiple, il est le seul identifiable. Mais il lui est loisible d’en faire don à toute personne de son choix. Ce dernier peut le perdre. Du coup, cette carte SIM pourrait se trouver dans des mains dangereuses. Que faire ? Deuxièmement, les statistiques indiquent que seulement 10% des Béninois disposeraient d’une pièce d’état civil, donc identifiables sur pièce. Par conséquent, il est impossible d’identifier sur pièce d’identité plus d’un million d’individus sur une population d’à peine huit millions d’âmes. Le faire, reviendrait à réduire de façon drastique le marché du Gsm quand on sait qu’actuellement, les cinq réseaux opérant au Bénin cumulent environs cinq millions d’abonnés. Ce sont ces opérateurs qui en pâtiront.
Supposons également que tout ce monde soit identifiable. Les réseaux Gsm sont-ils en mesure par leurs propres services, de vendre directement à cette masse de clients ? Les distributeurs agréés non plus ne pourront relever le pari. Mais au cas ils le feront, la récupération et la conservation de ces données constituerait un travail fastidieux supplémentaire pour l’opérateur. Et ceci a un coût. D’où la question de savoir celui qui paiera la note. Le gouvernement ? Absolument pas. Dès lors, il ne reste que le pauvre consommateur pour endosser l’ardoise. Et bonjour la grogne sociale.
Que cache une telle décision ?
Au vu de tout ce qui précède, on ne saurait ne pas se demander s’il n’y a pas des raisons inavouées que cache une pareil projet. Surtout en ce moment de quasi-veille des élections législatives et présidentielle de 2011. Deux hypothèses s’offrent. Dans un premier temps, soit ces données serviront à pister les adversaires politiques. Puisque déjà, les libertés d’expression sont considérablement réduites. En témoigne le refus d’attribuer des fréquences pour les chaînes de télévision et les radios, le blocage des autorisations pour les promoteurs d’organes de presse écrite et bien d’autres.
La seconde hypothèse est que ceci constitue un prétexte pour créer une nouvelle crise du Gsm. Et ce à des fins inavouées. Puisqu’au cas où certains opérateurs ne pourront satisfaire à ces exigences, brandissant des dispositions légales qui protègent la communication et les données personnelles, le gouvernement du Dr Boni Yayi qui tient à restaurer l’autorité de l’Etat, va brandir le bâton. Ce sera donc parti pour un nouvel épisode de la crise du Gsm au Bénin.
Georges AKPO