Zinzindohoué, la farine et la pâte

S’il s’est rendu célèbre, ce n’est pas parce que son passage au ministère des transports aura été particulièrement remarquable en termes de résultats. C’est plutôt pour sa propension à réciter, tel un chapelet, les titres du docteur-président, Boni Yayi à qui il semble vouer un culte particulier, si ce n’est que ce dernier exerce sur lui une fascination ensorcelante, envoûtante.

Un des grains de ce chapelet était précisément la formule « La Haute Autorité » prononcée avec une emphase singulière. Quand il la prononce, on sent visiblement Armand Zinzindohoué vivre, on le sent vibrer, le tout dans un élan jouissif. Peut-être s’est-il aperçu que cela avait quelque effet sur son leader, que cela lui plaisait. En tout cas, à ce rythme, Armand Zinzindohoué a semblé devenir un des maillons-clé du système Yayi. Il parle au nom du chef, il conduit des délégations ministérielles en tant que représentant du chef de l’Etat. Armand Zinzindohoué, apparemment, est dans les petits papiers du chef.  Avouez que cela donne des ailes et des airs. Et ce n’est pas seulement la formule qui retenait l’attention. Il fallait aussi entendre l’intonation dans la voix de stentor du ministre, la gestuelle robotique, le balancement frénétique de la tête, le tout sous des airs de sermon, et vous comprendrez qu’il y avait vraiment plus que les mots. Les imitations et les critiques se sont multipliées. La formule a été rangée.

Depuis, Armand Zinzindohoué  a changé de portefeuille ministériel. Et de formule aussi. Il est passé ministre de l’Intérieur et de la Sécurité publique. Lui-même se plaît à ajouter « ministre des cultes ». Cela explique peut-être qu’il écume, assez souvent, les salles et lieux de cultes pour y porter la voix de son chef, ou sa générosité. Le tout avec pour objectif inavoué mais perceptible sans microscope à ses lèvres, le recrutement d’électeurs ou, à tout le moins, de nouveaux partisans. Les formules alambiquées qu’il emploie ne laissent, en effet, pas de place au moindre doute quant aux intentions. Désormais, Armand Zinzindohoué, certainement parce qu’il a fini de convaincre le chef de son utilité à ses côtés, s’emploie à mobiliser des électeurs potentiels. Après avoir chanté aux populations qu’elles sont « dans le cœur du docteur Yayi Boni », lequel « souffre quand un seul Béninois souffre », il y va maintenant de son « Mè é do linfin ô wè kpachè nou wô », entendez « C’est celui qui a la farine qui a autorité sur la pâte ». Une bien curieuse façon de dire aux populations, qu’elles ont intérêt à suivre celui qui est en place car c’est celui-là qui a une capacité dispensatrice de biens dont elles peuvent profiter.

Le drame ici réside, à mon avis, dans ce qu’en langage subliminal, le slogan d’Armand Zinzindohoué fait l’apologie de la politique de la bouffe, de la politique bassement ventrale. Celle qui n’élève pas. Or, c’est connu, on ne peut prétendre aider quelqu’un en lui donnant indéfiniment du poisson au lieu de lui apprendre à pêcher. Et le choix de cet aliment est évocateur de cette volonté d’allécher les électeurs par l’odeur de la bouffe publique. La pâte de maïs, n’est-elle pas, dans la partie méridionale du pays, le plat de base ? Par extension, ce message ne postule-t-il pas que le régime s’empiffre de pâte ? Car il faut sûrement en avoir assez pour soi-même pour prétendre en déverser sur les autres.

Et dire que nous pensions et croyions que Boni Yayi nous aurait fait passer un cap en matière de gouvernance publique. Un cap dans le sens de l’élévation. Or donc, voici l’allégorie de la farine et de la pâte d’Armand Zinzindohoué qui nous fait nous réveiller à la triste réalité. Rien n’a donc encore changé sous cet angle-là. Et si les choses devraient continuer ainsi, il ne faut pas vendre cher notre avenir… Car alors les choses ne devraient aller que de mal en pis. Entre-temps, le ministre de l’Intérieur aurait gagné à s’occuper réellement de notre sécurité que de traverser le pays de part en part, à la recherche d’électeurs qui boudent de plus en plus son écurie.

Par Wilfried Léandre HOUNGBEDJI (source : http:/commentvalebenin.over-blog.com)

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