Des communicateurs dévoilent les maux qui minent toujours le Bénin
Me Robert Dossou évoque la psychologie du Béninois. Le Professeur Géro Amoussouga fait le bilan critique des politiques de développement, son collègue Bio Bigou, s’intéresse au bilan de la souveraineté du Bénin, cinquante ans après l’indépendance… Bref, les communicateurs qui planchent au colloque du cinquantenaire qu’organise le Conseil économique et social (Ces) depuis mardi relèvent plusieurs maux qui empêchent toujours le Bénin de se développer. Les débats sont riches et bien fructueux.
Développement et prospérité ne tombent pas du ciel. Ils sont l’oeuvre des hommes. Mais l’homme également agit, construit et détruit selon la tournure de sa mentalité : une mentalité de progrès crée le progrès, une mentalité de vandale détruit, une mentalité de paresseux fait piétiner la société et une mentalité de mafieux embrouille complètement la société dans des affaires les plus scabreuses…. ». L’homme qui a inventé le mot « Béninoiserie » a largement défendu ce concept hier au cours de sa communication. Me Robert Dossou, actuel président de la Cour constitutionnelle, pense que tout se repose autour du type d’homme que représente le Béninois. « Il est important de saisir les grands traits de la psychologie du Béninois pour appréhender et expliquer les tendances qui orientent la vie sociale et en déterminer les perspectives » affirme-t-il. Les travaux du colloque sur le cinquantenaire qu’organise depuis mardi dernier le Conseil économique et social se poursuivent ainsi avec des communicateurs émérites comme Me Dossou dont l’exposé a retenu grande attention dans la salle bleue du Palais des congrès de Cotonou.
Entre autres communicateurs, le Professeur Géro Amoussouga , a quant à lui, fait le bilan critique des politiques de développement et exposé les perspectives envisagées. Lorsque le Bénin a obtenu son indépendance politique en 1960, rappelle-t-il, ses dirigeants d’alors ont fait de l’éradication de la pauvreté l’objectif primordial du développement. Le niveau élevé de pauvreté, de mortalité, d’analphabétisme, de la malnutrition de la population ainsi que l’inadéquation des systèmes médicaux et scolaires supportaient cet objectif que la dénomination coloniale n’a pas pris en compte. Cinquante ans après, selon le Professeur Amoussouga, on en est encore à se demander où allons nous ? De façon générale sur les cinquante ans, fait-il observer, la croissance économique au Bénin a été irrégulière et vulnérable aux chocs exogènes et autres catastrophes naturelles.
Comme facteurs expliquant les contre performances notées, il cite un système fiscal générateur de distorsions et mal géré avec des procédures commerciales et douanières longues et complexes ; une administration peu efficace, beaucoup plus soucieuse d’utiliser le secteur public pour placer des alliés politiques et pour rechercher la rente. Une autre étude, selon le communicateur, a révélé que la forte contrainte à la croissance économique du Bénin est liée à une mauvaise réallocation du facteur travail. Le Professeur Amoussouga fait remarquer également que si le Bénin a été l’un des rares pays africains à réussir le passage à la démocratie, il est admis que le système politique échoue dans la prise d’engagement et la mise en œuvre de mesures permettant d’élaborer et d’appliquer des politiques de croissance.
De la souveraineté à l’unité nationale !!
« Cinquante ans d’indépendance : Quel bilan pour la souveraineté au Bénin ». C’est le thème d’une autre communication présentée par le Professeur Bio Bigou Bani Léon, ancien député à l’Assemblée nationale. Le Bénin, souligne-t-il, présente des faiblesses par une certaine négligence de ses frontières. A titre d’exemple : le Nigéria, vers les années 80 a fait déplacer les bornes de 4 Km à l’intérieur du territoire béninois et a implanté son drapeau dans certains villages dans l’actuelle commune de Malanville. Du côté nord ouest, le Burkina a déplacé aussi la grande plaque et fait goudronner 8km sur le territoire béninois, un contentieux non encore résolu. Au plan économique, rapporte le communicateur, des spécialistes estiment que 95% de l’économie béninoise demeure informelle et les recettes fiscales de l’Etat sont donc maigres malgré une fiscalité lourde pour les entreprises formelles de la place. La non prise en compte de l’organisation sociale ancienne comme source d’inspiration ; une forte croissance démographique, la recrudescence du régionalisme ; la question de pouvoir personnel transformée en opposition du Nord contre le Sud ; un grave mépris de l’intérêt général. Ce sont également autant de maux qui remettent permanemment en cause la question de la souveraineté nationale et par-delà celle de l’unité nationale, selon le Professeur Bio Bigou qui en conclura que l’unité nationale commence par l’amitié des peuples et par le respect des différences irréductibles.
Portant sur le thème « Cinquante ans d’indépendance : Quel bilan pour la souveraineté au Bénin », les travaux du présent colloque officiellement lancés lundi dernier par le Chef de l’Etat Boni Yayi s’achèvent ce jeudi 29 juillet 2010.
Christian Tchanou
Des participants au colloque réagissent
Emmanuel Zounon, Sg Unstb : « Nous devons continuer à réfléchir »
« 50 ans dans la vie d’un homme ou d’une nation, ne peuvent pas passer inaperçus. Si l’on devait s’en tenir aux philosophes qui disent que tout est déjà fait dans le monde et que l’homme ne fait que les transformer, on n’aurait pas inventé le discours-programme et on n’aurait pas organisé une conférence nationale. Cela voudrait dire que chaque jour que Dieu fait, nous devons continuer à réfléchir. Et c’est l’esprit du présent colloque à mon avis. Je dois aussi dire que c’est ceux qui ne connaissent pas son statut qui pense que le Conseil économique et social ne bouge pas, mais dans la réalité, cette institution travaille beaucoup dans l’ombre pour le développement de ce pays. Nous pensons que si les résolutions des travaux du présent colloque peuvent avoir de réels échos auprès des politiciens, les cinquante prochaines années seraient très prospères pour notre pays »
Laurent Métognon, Sg/Fésyntra-Finances : « La médiocrité s’est installée partout dans le pays »
« Depuis 50 ans, les politiques de développement élaborées jusque-là ne sont pas déclinées en des programmes adéquats, en une vision claire. Et c’est là l’un des grands échecs de nos 50 ans d’indépendance. Le développement, c’est d’abord l’homme, c’est le capital humain, et tel que celui-ci est utilisé aujourd’hui au Bénin ne permet pas de conduire le pays vers la prospérité. La médiocrité s’est installée partout. Les choix de développement et l’appel au patriotisme déjà évoqués par l’Abbé Gilbert Dagnon, compositeur de l’hymne national ont été royalement bafoués durant ces cinquante dernières années. En tout cas, en bons docteurs nous allons poser les diagnostics au cours de ce colloque, et il revient aux politiciens, comme je le dis souvent, de les mettre en application. J’en appelle surtout à la vigilance des jeunes, car dans cinquante ans, nous ne serions plus certainement de ce monde et c’est à eux de faire un nouveau bilan. La jeunesse doit se battre aujourd’hui plus qu’hier pour défendre ses droits et obtenir ce qui lui appartient. »
Claude Balogoun, Membre Ces/Rpt des artistes : « Que les recommandations soient réellement prises en compte par l’exécutif »
« Dans le cadre de ce colloque, nous devons déjà nous réjouir que ce soit le Président de la République qui est venu lui-même lancer les travaux et a promis à la face du monde que les résultats qui en seront issus seront pris en compte et mis en application. Cela nous rappelle la Conférence nationale des forces vives de la Nation de 1990 dont les recommandations, comme vous le savez, n’ont pas été classées dans les armoires. Ce qui me réjouit par ailleurs est que les gens disent souvent qu’ils ne savent pas ce que le Conseil économique et social fait, mais subitement, il organise un colloque scientifique international qui attire en ce moment tous les regards. Nous souhaitons donc que les recommandations qui seront issues de ce colloque soient vraiment prises en compte par l’exécutif pour qu’au bout des cinquante prochaines années, nous puissions enfin pousser un ouf de soulagement devant un Bénin nouveau et véritablement prospère »
Tibou Telly, Ces Mali : « Ce colloque est une initiative louable »
Répondant à l’invitation du Conseil économique et social du Bénin, nous pouvons dire combien nous sommes heureux de prendre part à ce colloque consacré au bilan des 50 ans d’indépendance du Bénin. L’initiative est louable et à saluer. Cela prouve la volonté de cette institution de faire le point pour voir ce qui a marché, qui a bien marché et qui a aussi moins marché au Bénin depuis 50 ans. Je ne pense pas que ce colloque soit une rencontre de plus parce que la Conférence nationale organisée en 1990 au Bénin a été une grande réussite qui sert d’exemple dans la sous-région et dans l’Afrique toute entière.
Propos recueillis par C.T.
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