Je ne suis pas un partisan aveugle de Gbagbo, mais…

Je ne suis pas un partisan aveugle de Laurent Gbagbo. J’ai vécu plusieurs années en Côte d’Ivoire à partir de 1988, j’y retourne régulièrement depuis pour des séjours plus ou moins longs, de deux ou trois mois à une année entière parfois. Je connais le profond désir de changement des Ivoiriens qui aspirent plus que tout à la paix et au bonheur.

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Je connais bien le sentiment de lassitude qui règne dans le pays, lassitude vis à vis de l’état de « drôle de guerre » qui règne dans ce pays toujours coupé en deux dans les faits, lassitude vis à vis de tous ceux qui ont été incapables de trouver une solution à ce problème, lassitude qui se cristallise sur le nom de Laurent Gbagbo, de Ouattara, des forces nouvelles et sur celui de la communauté internationale et de la France. Mais je continue à rêver pour ce pays que j’aime d’un avenir meilleur que celui que la France-afrique lui réserve.

Après avoir regardé jeudi soir le premier volet de l’enquête consacrée à cinquante ans de Françafrique, sur France 2, je reste stupéfait ! 
Stupéfait que le parallèle qui existe entre ce qui s’est déroulé par le passé dans d’autres pays africains et ce qui se déroule depuis 2002 en Côte d’Ivoire ne saute pas aux yeux des commentateurs et journalistes qui connaissent parfaitement ce jeu trouble que la France joue depuis 1960 sur ce continent.

Je suis persuadé de deux choses. La première est que si Mr Ouattara accède au pouvoir en Côte d’Ivoire, il n’apportera pas le bonheur et la paix tant attendue, il n’améliorera pas la condition des citoyens ivoiriens et encore moins celle des habitants du nord du pays (ses plus fervents partisans). Le nord de la Côte d’Ivoire n’a aucun potentiel économique. La seule priorité économique qui concerne le nord de la CI est l’amélioration des voies de communications vers les pays voisins (Burkina Faso et Mali au premier chef et ensuite un axe vers la Guinée).

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La seconde est que dans quelques années, ou plus vraisemblablement dans une à deux décennies, d’autres journalistes nous raconterons comment l’Elysée à tenter de renverser Laurent Gbagbo en septembre 2002 et comment après l’échec de cette tentative il a créé une situation de partition de fait du pays qui aurait du amener à un effondrement économique de la Côte d’Ivoire et à une chute du régime.

Tous les éléments qui démontrent l’implication de l’Elysée dans la crise ivoirienne et sa volonté manifeste de ne pas laisser gouverner Laurent Gbagbo depuis septembre 2002 sont là sous nos yeux. L’Elysée est parvenu en partie à ses fins, Laurent Gbagbo n’a été réellement en capacité d’exercer sereinement le pouvoir que 18 mois. Depuis 2003, il partage même officiellement ce pouvoir avec les rebelles (accords de Marcoussis) et au final ces dernières années son premier ministre, Guillaume Soro, n’est autre que l’ancien chef des rebelles.

Aujourd’hui, on va même essayer de nous convaincre que c’est l’intervention militaire de la France qui a sauvé la présidence de Laurent Gbagbo en 2002. La vérité est pourtant toute autre et est très facile à vérifier. Le 19 septembre 2002 éclate la tentative de coup d’état, des combats ont lieu dans de nombreuses localités du pays et à Abidjan. Laurent Gbagbo se trouve à Rome, il fait appel à la France et demande que soient activés les accords de défense qui lient la Côte d’Ivoire et la France. L’Elysée refuse, arguant qu’il s’agit d’une affaire ivoiro-ivoirienne et propose à Gbagbo un asile doré en France.

Contre toute attente Gbagbo regagne immédiatement Abidjan, il y est accueilli dès sa descente d’avion par de très nombreux habitants d’Abidjan et aussi par des militaires et des policiers fidèles. Son retour à Abidjan fait basculer la partie des militaires indécis dans le camp de la loyauté à la république.

Ce n’est que plusieurs jours plus tard, alors que les rebelles ont échoué dans la prise de contrôle d’Abidjan et qu’ils se replient vers le nord du pays que la France interviendra au motif d’éviter des massacres inutiles, créant ainsi une ligne de front et aussi les conditions de la partition de fait du pays.

Les accords de défense qui lient la France à ses anciennes colonies africaines ne se limitent pas aux agressions venues de l’extérieur de ces pays, ils peuvent aussi être activés pour défendre les gouvernements légalement élus contre des tentatives de renversement. 
Les interventions militaires de la France au Tchad sont là pour l’attester.

Il est de notoriété publique que Chirac n’a pas accueilli l’élection de Gbagbo en 2000 avec joie. Les premières décisions de Gbagbo en tant que président n’ont pas amélioré les relations entre l’Elysée et Abidjan et les relations entre Gbagbo et Chirac ont viré à la franche détestation. Mais en France, c’était alors l’époque de la cohabitation Chirac Jospin. A partir de mai 2002, fini la cohabitation, l’Elysée et Chirac ont les mains libres.

Comme d’autres observateurs, je ne peux m’empêcher de penser que le déclenchement de la tentative de coup d’état en Côte d’Ivoire moins de 5 mois après la réélection de Chirac n’est pas fortuite. Peut-être va on tenter de nous faire croire qu’il n’y a plus de cellule africaine à l’Elysée et que, sous le règne de Sarkozy, les relations de la France avec ses anciennes colonies devenues des pays indépendants sont enfin normalisées. Si cela était vrai, pourquoi ce domaine échappe toujours au ministère des affaires étrangères et au regard de l’assemblée nationale?

La Françafrique existe toujours, elle ne poursuit plus l’unique but de l’indépendance énergétique de la France. Quels sont ses buts? Empêcher un véritable démarrage économique de ces pays qui les mettrait en position de force dans la commercialisation de leurs ressources pétrolières, minières, etc. Pour cela il est impératif d’avoir des gouvernants africains dociles.

Laurent Gbagbo a des qualités et des défauts mais la docilité n’est assurément pas ce qui le caractérise, alors que Ouattara !!!

La CI possède un réel potentiel économique qui reste inexploité. Le potentiel économique dont je parle ne consiste pas à céder son pétrole contre quelques compensations financières ni à continuer à écouler sa production de cacao à vil prix (prix fixé à Londres à la bourse du café-cacao qui est complètement déconnecté du marché de ces matières premières). L’expression du potentiel économique de la CI passe par la transformation et la valorisation d’une partie de ses productions, cela implique de sortir ce pays de l’influence de la France (influence qui s’exerce avec la bénédiction des USA).

Normalement, la France aurait du être la première à aider la CI dans cette voie car la CI en se développant aurait apporté du travail à un bien plus grand nombre d’habitants de la sous-région comme elle le fait déjà depuis longtemps. Cela aurait diminué la pression migratoire vers la France de pays comme le Mali, le Niger, le Burkina Faso et d’autres. Mais force est de constater que si l’immigration est un argument souvent brandi à des fins électoralistes et de politique intérieure, quand se présentent de réelles opportunités pour palier à ce problème d’immigration, nos dirigeants semblent beaucoup moins intéressés. 
Je suis arrivé depuis longtemps à la conclusion que l’immigration régulière autant qu’irrégulière a un double rôle : c’est une nécessité pour notre économie qui est régit par le capitalisme et c’est un formidable outil politique et électoraliste mais cela ne constitue en aucune façon un réel problème pour nos gouvernants !

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