Tsunami politique en Tunisie : Précoce, mais indispensable révolution

Qui l’eut cru ? Qui l’aurait osé rêver ? Comment a-ton pu en arriver là ? Si vite ? Si aisément ? Si facilement ? Comment ? L’histoire vient de chavirer en Tunisie. Le tout-puissant Zine El-Abidine Ben Ali a pris la clé des champs. Le régime politique maghrébin le plus stable, le plus prospère, le plus féroce aussi, n’a pas que vacillé. Il a titubé, flanché et  s’est écroulé. Désagrégé.

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Sans le gourou Ben Ali, la caste des apparatchiks qui se gorgeaient de richesse et d’opulence insolente sur le dos de la population tunisienne meurtrie et humiliée, n’aura pas d’autre choix que de disparaître avec lui. Déjà, l’ensemble du gouvernement a été dissout et l’on signale la fuite de plusieurs dignitaires du régime. Les résidences de la « dame de Tunis », la très influente première dame Leïla Trabelsi, sont mises à sac. Sans qu’il ne soit possible pour l’instant de déterminer avec certitude la destination choisie par le couple présidentiel dans sa débandade précipitée.

 

Mais je continue de demander  et de me demander comment quelques jours seulement de soulèvement, trois semaines à peine de manifestations, ont pu suffire à faire effondrer un régime que tout le monde croyait plus que solidement implanté. Et pourtant, les signes avant-coureurs n’ont pas manqué. Et c’est le Président Ben Ali lui-même qui les a alignés. Dans sa fébrilité des derniers jours, ses actes, ses discours.

Tant que les manifestations se déroulaient à Sidi Bouzid, Tipaza, Sfax, Gafsa, loin en tout cas de Tunis, loin des centres de pouvoir, tout allait bien. Les forces de l’ordre pouvaient encore donner l’impression d’avoir la situation sous contrôle. Et le Président pouvait encore accuser les émeutiers d’être instrumentalisés et à la solde du terrorisme. Il pouvait encore leur promettre 300.000 emplois douteux et espérer les calmer. Il pouvait faire déchoir le gouverneur de Sidi Bouzid, l’homme par qui le ‘‘malheur’’ arriva, sans craindre de mettre à mal son pouvoir. Mais les émeutiers n’étaient pas dupes. Ils ont continué et même accéléré le mouvement. En investissant les quartiers de la banlieue de Tunis, ils font sortir à nouveau le Chef de l’Etat de sa réserve. Deuxième apparition télévisée en quelques jours. Ben Ali promet tout et n’importe quoi. La tête du Ministre de l’intérieur est offerte aux émeutiers. Elle n’aura pas suffi. Les émeutes gagnent le cœur de la capitale. La police et les forces spéciales n’en finissent plus de mater. Elles répriment. Emprisonnent. Tirent. Tuent. Rien n’y fait. Cette génération d’émeutiers est tenace. Même les leaders de l’opposition en sont dépassés. Ben Ali doit encore s’exprimer. Et là, il cède sur presque toutes les revendications. Il offre  de libéraliser la vie politique et rétablir une totale liberté d’expression. Mieux, il s’engage à quitter le pouvoir à la fin de son mandat en 2014. Son Ministre des Affaires étrangères annonce dans la foulée qu’un gouvernement d’union nationale était « faisable ». Les restrictions imposées aux sites internet sont levées. La libération des manifestants arrêtés est instruite.

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Il faut croire que c’était trop tard. Trop peu. Ou plutôt trop. Tout simplement trop de concessions. Qui ne pouvaient signifier que deux choses : la première, le clan Ben Ali, au pouvoir depuis 23ans, usé et sclérosé, mentait délibérément pour conserver encore le pouvoir, quitte à se dédire plus tard. La seconde, le régime était à bout de souffle, en bout de course. Et un peu plus de pression suffirait à le faire basculer. C’est ce qui est arrivé finalement. Les manifestations du 14 janvier 2011 ont eu raison de Zine El-Abidine Ben Ali. Comme son rêve de finir ses jours au pouvoir, son régime s’écroule comme un château de cartes.

Mais même s’il convient de s’en réjouir, force est de constater que Ben Ali est tombé trop tôt. Pendant son règne au long cours, il s’est employé à disloquer et à museler toute forme d’expression dissidente. Peut-être même est-ce la raison pour laquelle le caractère inédit de la révolte des jeunes tunisiens a si rapidement eu raison de lui. L’opposition tunisienne se réduit à quelques rares partis autorisés dont la capacité de mobilisation est quasi-nulle. C’est seulement au sein de la société civile que l’on peut retrouver un certain nombre de leaders d’opinion qui durant de nombreuses années, ont donné de leur personne et de leur sang pour les libertés en Tunisie. Mais cela suffit-il pour assurer une relève politique de la nature de celle qui attend la Tunisie ?

Assurément, personne n’était préparé à ce que Ben Ali tombe. Mais maintenant que c’est fait, vivement que la Tunisie ne bascule pas dans les incertitudes des heures de braises. Et surtout pas que l’armée, qui reste l’unique institution de l’Etat parfaitement structurée, ne vienne pas s’accaparer du combat révolutionnaire pour lequel Mohamed Bouazizi, premier martyr et tous les autres sont passés de vie à trépas.

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