Un an après, « Ayiti pral pi byen » (« Haïti ira mieux »)

C’est dit au futur. Ce ne pouvait être dit qu’au futur : Haïti ira mieux ! Car on ne peut aller plus mal. Dictatures, misère, insécurité, instabilité politique, guerre civile, catastrophes climatiques… La terre d’Haïti croyait avoir déjà tout connu, tout vu, tout subi. Le 12 janvier 2010, elle a su que non. Le pire restait à venir. La plus meurtrière secousse tellurique de son histoire, l’une des plus dramatique de celle de l’humanité, allait frapper. De plein fouet. Presque 250.000 morts en quelques secondes, des centaines de milliers d’habitations rasées, des milliers d’hectares de récoltes enterrées… Haïti a basculé en enfer.

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Un an plus tard, regardez la télé. On eut dit que tout cela est arrivé hier. Haïti va mal. 800.000 sans-abri désespèrent de l’aide internationale. Les maisons de bois sont luxe. Les camps de tentes sont richesse. Les abris de bâche donnent contentement. C’est encore mieux que la belle étoile. Un jeune assistant humanitaire canadien, après une éreintante journée de travail, décide de manger quelque chose. Il sort de son sac une barre chocolatée, regarde autour de lui et écrase une larme. Les milliers d’enfants dans les camps de déplacés n’auront peut-être même pas la moitié d’un bol de riz à se mettre sous la dent avant d’aller se coucher.

 

Un an plus tard, c’est cela la vraie couleur de Haïti. Celle qu’une presse étrangère, soucieuse de valoriser l’impressionnant déploiement de la communauté humanitaire et le travail des ONG, présente sous ses meilleurs atours. Or, 2010 restera dans la mémoire de la plupart des Haïtiens comme la plus funeste année jamais vécue. Aux ravages du séisme s’est ajoutée une vaste épidémie de choléra, qui a déjà tué plus de 3 600 personnes. Puis sont venues les violences d’une crise électorale dont personne n’entrevoit la solution. Sans compter le retour de l’insécurité sur les routes et dans les camps de déplacés où vols, viols et gangstérisme font loi.

Un an plus tard, parler Haïti, c’est encore parler malheurs, drames, désordres. Parler Haïti, c’est encore parler absence d’écoles, d’universités, d’hôpitaux, de banques… Parler Haïti, c’est parler déficience d’Etat et hyper-assistance humanitaire. Le mandat du président René Préval, déjà bien sonné et désorienté par la crise sismique, échoit le 7 février 2011.  L’administration publique haïtienne est en deuil de leadership. Décimée comme elle l’a été, du point de vue matériel  et humain, elle ne parvient pas, en dépit de la participation de la communauté internationale, à coordonner l’afflux d’aide internationale.

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L’aide internationale, parlons-en ! Promise pour atteindre 10 milliards de dollars, elle a fait penser aux survivants haïtiens que quelque chose de positif était enfin possible pour leur pays. La grande catastrophe allait peut-être permettre de voir surgir une nouvelle république d’Haïti. Mieux construite, urbanisée, décentralisée, refondée. Douze mois plus tard, les Haïtiens sont désillusionnés. Les atermoiements et les échecs se multiplient dans l’action d’une Commission intérimaire pour la reconstruction d’Haïti (CIRH) co-présidée par le premier Ministre Jean-Max Bellerive et l’ancien président américain Bill Clinton. Moins de la moitié des 2,1 milliards de dollars promis pour 2010 au bénéfice commun de cette commission et des ONG internationales, a été décaissée. Enfin, les Casques bleus de l’ONU, venus apporter un peu de paix et de sécurité se retrouvent accusés d’avoir introduit le choléra dans l’île. Peut-être pas à tort.

Et pourtant, un an après, c’est un message d’espoir et d’espérance qui s’élève des cœurs vaillants haïtiens. Haïti n’ira pas plus mal. Il est vrai, rien ne permet de l’assurer. Mais les manifestations officielles entrant dans le cadre de l’an 1 du drame, la communion dont ont fait preuve les survivants et l’abnégation de ce peuple meurtri méritent qu’on lui donne sa chance, qu’on cesse enfin de penser que l’anathème est haïtien.  Avec moins de la moitié de l’aide promise débloquée, bien de maux ont été soignés. Les abris même provisoires en matériaux solides, prennent forme. L’eau potable coule. Pas assez, mais mieux que par le passé. L’épidémie de choléra est circonscrite et en train d’être jugulée. La vie dans les camps s’est organisée tant bien que mal. Moins bien que mal, mais c’est une base de départ. De nombreux diplômés qui avaient fui le pays reviennent. Parmi eux, quelques dizaines de boursiers ayant récemment achevé leur cursus universitaire au Bénin.

Dans l’espoir que la communauté internationale saura tenir ses promesses, Haïti ira mieux. Et il me plait de rapporter les mots de la jeune capitaine de l’équipe nationale haïtienne de football des moins de 17 ans à l’occasion de la remise du trophée FIFA du fair-play 2010 : « Ayiti pral pi byen » !

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