La Chine, 2e puissance mondiale : l’émergence d’un colosse de paradoxes

« Tout empire périra ». Cette vérité d’évangile, c’est bien le cas de le dire, a traversé les siècles et les millénaires sans jamais avoir été démentie. Rome l’a éprouvé. Babylone l’a vécu. Le Songhaï en a été la preuve. Les Etats-Unis d’Amérique ne l’ignorent pas. Ce n’est pas sans raison que le petit Américain est éduqué à aimer son pays et à travailler à son rayonnement perpétuel sur le monde d’aujourd’hui et de demain.  Sauf que pour demain, c’est de moins en moins sûr. Une puissance émerge.

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Concurrente, puissante, peuplée et en expansion exponentielle fulgurante : la Chine s’en vient. De pays en voie de développement il y a seulement 40 années, elle vient de se hisser au second rang des puissances économiques mondiales devant le Japon, l’Allemagne, la Grande Bretagne, la France et juste à la suite des Etats-Unis.

Depuis ces dix dernières années, on ne parle que d’elle. De sa croissance pharamineuse à deux chiffres, de sa gourmandise extraordinaire en matières premières, de son influence sur tous les marchés internationaux, de son rôle de plus en plus prégnant au sein du Conseil de Sécurité des Nations Unies, bref, du réveil d’un grand. D’un très grand. D’une superpuissance en devenir. Et les chiffres parlent tous seuls : Un milliard trois cent millions d’habitants et donc un potentiel marché intérieur gigantesque ; un PIB annuel de 5.878,6 milliards de dollars en 2010, soit une croissance de 10,3%, contre 5.474,2 milliards pour le Japon désormais coiffé au poteau, 2.399,2 milliards de dollars de réserves de change qui servent à racheter en un tournemain les bons de trésor d’une économie américaine en délicatesse ; plus de 20,5% d’augmentation des volumes d’exportation au cours de la dernière décennie, dans l’industrie, le textile, la technologie ; des villes qui poussent de terre comme des champignons et qui défient de modernité les plus grandes capitales occidentales. Sans compter une puissance militaire affirmée avant tout par la possession depuis 1964 de l’arme nucléaire, et la modernisation progressive de la doctrine militaire qui fait passer l’armée chinoise d’une armée de masse (5,5 millions de soldats en 1940) à une armée de métier (un peu plus de deux millions de soldats aujourd’hui) dotée de moyens de plus en plus perfectionnés.

Il va sans dire, un géant est né. Qui inquiète voisins, partenaires et adversaires. Qui fait rêver par ses performances inédites. Qui attend de prendre la première place et qui y travaille. Mais le géant chinois est un géant de paradoxes. La puissance de la Chine, pour éblouissante qu’elle est, recèle de lacunes immenses qui ne peuvent qu’à terme lui éclater au visage. La Chine va vite, trop vite, et s’oublie.

En premier lieu, la croissance chinoise cache mal la réalité d’une population maintenue dans la misère et le sous-développement. Derrière les chiffres, se trouvent 1,3 milliards de Chinois qui doivent se contenter de salaires de misère afin que les produits chinois soient attractifs et que la Chine continue d’attirer les entreprises occidentales en quête de délocalisation au prix faible. Pour la majorité des 52% environ de la main d’œuvre chinoise qui travaille encore dans l’agriculture, pas grand-chose n’a changé. Il en est de même dans tous les secteurs d’activité de la vie économique de la Chine. La classe moyenne qui se révèle se garde bien de faciliter l’apparition d’une catégorie concurrente qui ne ferait que réduire revenus et main-d’œuvre. De fait, le PIB chinois ne correspond en termes de revenus par tête d’habitant qu’au dixième de ceux du Japon qu’elle vient de détrôner. 85% des Chinois ne peuvent pas s’acheter de logement, au coût prohibitif des centres urbains ; l’inflation reste importante, les produits « made in China » peinent à acquérir l’indispensable label qualité, même si le low-cost leur assure une large diffusion mondiale ; l’automobile, l’aéronautique, la technologie, avancent d’un grand pas mal assuré, la faiblesse du pouvoir d’achat local tourne inévitablement le pays vers l’extérieur.  Un peu trop.

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L’autre problème de la Chine, c’est sa démocratisation. Le débat est vaste. Mais je pense pour ma part que sans un système démocratique avéré, sans un minimum de respect des droits de l’homme et du droit des peuples à l’autodétermination, l’empire du milieu n’est pas encore en mesure de porter la tunique de leader  du monde qui devrait lui échoir à l’horizon 2025. Je vois déjà d’ici se dresser les adversaires de la standardisation du modèle démocratique à l’occidental, mais j’insiste. Justice et égalité de droits pour tous les Chinois avant un quelconque leadership international. Pour l’instant, c’est loin d’être le cas.

C’est cette Chine-là qui fait de plus en plus l’unanimité en Afrique. Admirée de nos dirigeants. Parce qu’elle ne condamne pas les accessions ou les conservations frauduleuses du pouvoir. Parce qu’elle ne s’érige pas en donneur de leçons. Parce qu’elle se développe sans démocratie. Elle est l’amie des Omar El-Béchir, Joseph Kabila, Robert Mugabe, Yoweri Museveni… Elle remet en cause la toute-puissance des Etats-Unis et du monde occidental trop ostensiblement opportunistes et arrogants.

La Chine, deuxième puissance économique mondiale ne l’a pas volé. Elle y a travaillé et y travaille. C’est le seul exemple qu’elle mérite de donner à l’Afrique. Pour le reste, on se ressemble.

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