Révolution égyptienne : après le faux-départ, l’épilogue.

C’était attendu, c’est arrivé. Hosni Moubarak a été démissionné. Comme son homologue Zine El-Abidine Ben Ali, il a finalement tiré sa révérence. Il aurait voulu le faire autrement que l’ex-président tunisien. Plus tard, bien plus tard en gardant la main jusqu’au bout. C’est ce qu’il a dit au peuple égyptien au 17e jour de la révolte.

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Le jour où tout le monde attendait de le voir se retirer dans la dignité. En homme. En soldat. Regardant bien droit dans les yeux les Egyptiens à l’heure du départ. Mais il avait choisi le pied de nez à la nation et à la communauté internationale. Il a donc fallu que les militaires lui forcent quelque peu la main. Et ainsi, le Raïs a été lâché devant le risque de bain de sang.

 

C’est l’insurrection des consciences qui a été écouté. C’est le cri de tout un peuple qui a été entendu. C’est la révolte d’une nation qui a payé. Le régime du raïs égyptien, aussi puissant fut-il et aussi puissant a-t-il voulu paraître, ne pouvait tenir guère plus longtemps. Trop de gens dans les rues : des millions. Furieux après le dernier discours. Trop de pressions, internes et internationales. De la part des alliés traditionnels américain et européens.  Et un socle qui n’a pas souhaité en rester un : le dernier rempart, l’armée, avait choisi le peuple. Son soutien n’avait plus rien de celui inconditionnel que les officiers supérieurs et les soldats du rang vouaient au Raïs il y a quelques semaines encore. Depuis que quelques milliers, dizaines de milliers, centaines de milliers d’Egyptiens ont commencé à se déverser dans les rues, il a paru urgent pour les soldats de définir leurs priorités. Auréolée depuis toujours d’une grande respectabilité due à ses guerres contre Israël, l’armée  n’a pas voulu prendre part à la répression contre les manifestants de Suez, Alexandrie, Le Caire… Si la police avait su rétablir l’ordre, on n’en serait jamais arrivé là. Mais l’école de la rue tunisienne avait déjà formé les émeutiers. Et la police a bien vite disparu, submergée. Depuis lors, il était attendu que le régime chute. Dans les formes requises pour un Etat aussi important du point de vue géostratégique international que l’Egypte. C’est ce que les 17 jours+1 de la révolution égyptienne ont provoqué. C’est ce que le dernier discours du Président Moubarak, à contre-courant de l’histoire, a accéléré. C’est ce pourquoi des millions de gens ont bravé le couvre-feu et l’état d’urgence. C’est ce à quoi des centaines de gens ont sacrifié leur vie et des milliers étaient encore prêts à le faire après la fameuse adresse à la nation du Raïs.

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Hosni Moubarak débarqué, c’est une nouvelle aube qui se lève sur le pays des Pharaons. C’est tout un ensemble de barons du régime qui vont devoir plier bagages. Les nombreux signes avant-coureurs de ces derniers jours leur ayant sans aucun doute déjà permis de préparer leur escapade dorée hors d’Egypte. Mal en a pris à ceux qui ont pensé que le Raïs garderait le pouvoir en dépit de tout. Moubarak parti, c’est l’état d’urgence en vigueur depuis une trentaine d’années et qui a permis le musèlement de toute forme de contestation depuis lors qui doit incessamment être levé. Cela fait partie en tout cas des revendications de la rue. Moubarak parti, c’est la porte ouverte à un certain nombre de réformes, dont celle cruciale de la constitution. Le besoin de liberté et de dignité exprimé par les Egyptiens devant guider chacun des acteurs de la transition qui commence dès maintenant.

Mais Moubarak parti, c’est aussi une période d’incertitude qui s’ouvre en Egypte. Avec une grande question dont la rue n’a pas apporté la réponse : Qui, pour diriger l’Egypte de demain ?  Ces militaires qui ont fait tomber le système ? Cette opposition qui a tenu la rue aux cotés des jeunes ? Les radicaux tapis dans les rangs des Frères Musulmans ? Moi, en tout cas, je sais qui ne la dirigera pas. Après la chute du Raïs dans les conditions vues et vécues, il est probable que l’armée, qui a su garder la haute main dans la crise, a un plan bien peaufiné. Il ne faut certes pas s’attendre à ce que les appels des manifestants à plus de démocratie restent lettre morte, mais pas plus à de l’anarchie dans la gestion future des affaires publiques et des relations extérieures de l’Egypte. Les très nombreuses consultations entre l’état-major militaire et le département américain de la défense n’ont sûrement pas abouti à l’écroulement d’un régime ami pour qu’un pouvoir hostile vienne prendre sa succession. Un pouvoir hostile aux Etats-Unis et hostile à Israël, suivez mon regard. Le Conseil suprême de l’armée, dirigé par le Maréchal Mohamed Tantaoui, peut d’ailleurs prendre exemple sur la Turquie où depuis le début des années 1980, l’armée, sans interférer dans la vie politique, s’assure de garantir le respect strict du caractère démocratique et laïc de la république.

De fait, on ne peut parler de révolution dans le sens plein du terme, au regard des intérêts stratégiques en jeu, au regard des inavouables interférences extérieures, au regard de la sortie plus ou moins honorable aménagée au Président Moubarak. Une vraie révolution aurait dû s’ensuivre d’un balayage systématique suite auquel de nouveaux acteurs auraient engagé l’Etat dans un nouvel ordre interne et international. Ce n’est pas la voie suivie, nous l’avons tous vu. L’Egypte vient néanmoins, à la suite de la Tunisie, de laisser s’abattre le tsunami démocratique sur le Maghreb en crise. Reste à savoir si les autres pays pris dans la tourmente, Algérie, Yémen, Jordanie, Syrie… et peut-être d’autres à venir, connaîtront un sort similaire. Dans ce monde arabe où les régimes politiques n’ont jamais connu ce type de situations et où le mythe de l’omerta ne vient que de commencer à être brisé, rien n’est moins sûr. Vous attendrez de voir, moi aussi.

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