La crise électorale qui sévit au Bénin suscite bien des débats et je ne crois que cette crise soit liée à des convictions régionalistes de certains de nos compatriotes. D’autres personnes ont largement démontré, dans bien de démocratie, les candidats ont toujours une base électorale indéfectible qui, contre vents et marrées leur accorde un soutien aveugle. La crise actuelle ne trouve pas sa source dans un clivage nord-sud mais liée à la personnalité de Boni Yayi, à son action à la tête de l’état et aux institutions. Même si on peut toujours se demander pourquoi le candidat du nord a toujours eu plus de 90% des voix à toutes les élections présidentielles et les voix partagées au Sud.
La crise actuelle peut laisser certains indifférents ou même certains peuvent estimer que les résultats proclamés reflètent une réalité sociopolitique de notre pays. Ce qui totalement aberrant : depuis que la Cour constitutionnelle a programmé les résultats, j’ai cherché en vain dans l’histoire moderne de l’Afrique ou du monde, s’il y a des pays démocratiques, dont la constitution prévoit une élection à deux tours et un candidat aurait remporté dès le premier tour. Il est évident qu’avec ces élections, le Bénin a basculé dans la norme africaine (Gabon, Centrafrique, Congo, Tchad, Togo…). Ces pays dont le président est désigné par les institutions. Ces résultats viennent confirmer les dires d’un certain président français qui avait déclaré que le peuple africain n’est pas mûr pour la démocratie. Parce que le dernier verrou en Afrique noire-francophone, qu’est le Bénin vient de sauter, le Sénégal ayant tourné la page démocratique avec l’arrivée de Wade.
Les signes précurseurs que Boni Yayi n’aura pas le courage d’organiser des élections transparentes remontent aux premiers mois de sa mandature. Lorsqu’un régime se salit les mains avec du sang humain, il est difficile pour ce président de quitter le pouvoir. On se rappelle que la garde présidentielle a abattu pêle-mêle des citoyens de notre pays sans que ces assassins ne soient inquiétés jusqu’à ce jour. Ce fut le cas le 31 mai 2007 à Ouidah (2 morts), le mardi 17 février 2009 (1 mort). A cela, il faut ajouter le massacre de cinq paysans non armés des palmeraies de l’Urcar du Grand- Agonvi à Logou-Djidagba (Adja-Ouèrè) par des gendarmes, et à Karimama où les forces de l’ordre ont supprimé froidement la vie d’un militant du G13.
Des prémices d’une dictature annoncée
Dans l’histoire de notre pays, même sous les régimes les plus féroces comme celui de Mathieu Kérékou, la garde présidentielle n’a pas si souvent eu la gâchette facile. Je ne suis nullement étonné par ces résultats, parce que pour moi, Boni Yayi n’a pas gouverné comme un président qui pourra être sanctionné par des élections démocratiques. Le Bénin a perdu avec lui la réputation qu’il s’est établi au fil des ans: Amnesty internationale, Reporters sans Frontière ont tous donné un carton rouge au Bénin. Les arrestations arbitraires sans procès légal dans un pays de droit, la confiscation des organes de presse d’état, la coupure des émissions de Rfi, les procès ridicules comme celui en France contre un bloggeur ont fini par donner du Bénin une image de pays fantoche ou de pacotille.
Le peuple aurait choisi de plébisciter un régime qui a végété dans le musellement de la presse, le plumage économique, l’asphyxie sociale et le dépérissement politique nonobstant tous les scandales (avion présidentiel, CENSAD, machines agricoles, affaire ICC Service). Il faut l’accepter même si c’est plus facile pour moi que pour les vrais acteurs politiques.
Le peuple choisit toujours son destin et quand l’heure sonnera ce ne sont pas les dizaines de chars positionnés à tous les carrefours de Porto-Novo qui empêcheront les populations de reprendre leur dignité et leur liberté à un régime illégitime qui manque d’autorité. Quelqu’un aurait écrit que les forces de l’ordre sont à Porto Novo pour maintenir l’ordre républicain. Je ne sais de quelle République on parle (puisqu’elle n’existe plus à mon avis). Mais pour tous ceux qui ont versé une goutte de leur sueur et de leur sang pour l’avènement de la démocratie, ils savent bien que « la force ne créé pas un chef mais un adversaire à abattreʺ. Dans quel Bénin sommes-nous, quand les militants de la mouvance manifestent à Parakou et qu’on maltraite ceux de l’opposition qui s’adonnent au même exercice à Cotonou?
Un jour où l’autre…
Boni Yayi peut prêter serment devant le Pape, il ne sera plus dans le cœur de ces millions de Béninois qui, après 20 ans de sacrifice, de combat politique se sont retrouvés à la case de départ. Il est très facile de venir demander pardon lorsqu’on prive des milliers de nos citoyens de leur droit fondamental. C’est aussi de la naïveté politique que de se faire donner des injonctions par un chef d’Etat étranger. Le Bénin existe-t-il encore ?
Pour terminer, je voudrais dire à Me Adrien Houngbédji que -même s’il y a peu de chance- de me lire, et de savoir que ce combat n’est plus le sien; de laisser ça au peuple. Je connais votre amour pour le pays et je loue votre loyauté. Je sais que le combat que vous menez n’est pas une lutte personnelle mais que vous poursuivez un idéal, celui de ne pas laisser notre pays replonger dans la haine et la chasse aux démons. Au temps de la révolution, nous connaissons nos ennemis mais le combat d’aujourd’hui est contre une force invisible qui se cache derrière les institutions voyous.
Nous ne voulons pas gagner aujourd’hui et perdre demain mais nous serons toujours derrière vous pour remettre notre démocratie sur le droit chemin. Les peuples arabes ont mis cinq décennies avant de mettre dehors leurs dictateurs. Le peuple Béninois a bien l’expérience de ces régimes et ce combat lui revient. Cela peut mettre 5, 10 ou 20 ans, mais la vérité triomphera. Pour paraphraser Seydou Badian, Boni Yayi est une grosse pierre qui barre une piste, les Béninois l’évitent, la contournent mais un jour, ils s’apercevront que le chemin sera moins loin s’il n’y avait pas la pierre. Alors, ils viendront en grand nombre pour la déplacer.
C’est dommage!
Jules Djossou Bonou, MSc
Ingénieur Agronome
Québec, Canada