La sainte église des pécheurs :

Des réactions de lecteurs

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Les commentaires pertinents qu’a suscités, de la part d’une dizaine de lecteurs, notre réflexion sur « l’Eglise, cette illustre méconnue » (lire l’article ici), nous donne l’occasion d’apporter d’abord quelques précisions. Comme le titre le laissait entrevoir, il s’agissait pour nous d’aider à mieux connaître l’Eglise aussi bien à l’intérieur d’elle-même que de l’extérieur. Car comme l’a écrit le prophète Osée : « Mon peuple sera réduit au silence faute de connaissance » (Osée 4,6)   Rappelons que le terme « mystère » ne signifie pas dans  le registre sémantique chrétien, énigme, absurdité, cachoterie, ésotérisme.

En prenant l’image de  « Pierres vivantes », manuel de catéchisme en France, comprenons que le mystère « n’est pas un mur contre lequel on bute mais un océan que l’on n’a jamais fini d’explorer ». En écrivant que le Concile Vatican II a défini l’Eglise comme mystère nous ne voulions pas laisser comprendre que l’Eglise s’entoure de mystères, entoure ses choses de mystères, a une pratique ésotérique. Certes il y a eu le roman « Da Vinci Code » de Don Brown, une vaste « supercherie ésotérique » qui n’a pas manqué de réponses catholiques pertinentes, péremptoires, disponibles du reste sur des sites web. Il est évident qu’il n’y a aucune place dans l’Eglise catholique pour des fonctionnements occultes, à caractère initiatique : ses célébrations, ses offices sont publics, les engagements de ses membres (baptême, mariage, ordination, profession de vœux etc) doivent être publics pour être valables ; publics ne voulant pas dire en présence d’une grande foule. Même ce qu’on appelle en catéchèse « l’initiation chrétienne » est marquée par des célébrations publiques d’étapes catéchuménales de préparation au baptême. Mais il demeure que, comme toute famille,  toute organisation,  tout Etat qui se respectent et respectent ses membres, l’Eglise sait garder des secrets, sait faire preuve de discrétion et de délicatesse envers ses membres, envers les personnes en général. Ne parle-t-on pas de secret d’Etat ?  Par ailleurs certaines personnes en sont restées au catéchisme de leur enfance, et d’autres ne comprennent pas que si la Bible se présente matériellement comme un (seul) livre que nous pouvons avoir en main, elle est une « bibliothèque », un ensemble de livres d’auteurs, d’époques, de genres d’écriture, de finalités divers. Relevons   comme illustration la fameuse question de la pomme, du péché originel en lien avec la sexualité, soulevée par un lecteur de « La Nouvelle Tribune », quotidien du Bénin. Je ne voudrais pas être plus long pour ses précisions.

 

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Venu pour les pécheurs

Portons maintenant notre regard sur l’Eglise dans son mystère de « Sainte Eglise des pécheurs ». C’est l’évidence que l’Eglise est composée de pécheurs et est servante des pécheurs puisqu’elle est aussi définie comme « sacrement du salut » non pas qu’elle soit un huitième sacrement. Mais elle est signe et moyen du salut.  Personnellement, je ne comprends pas que l’on ne comprenne pas ou que l’on ne veuille pas accepter que l’Eglise de la terre, l’Eglise visible soit composée de pécheurs, et que les membres de la hiérarchie aient aussi recours au sacrement de pénitence-réconciliation (confession). Chaque année, au Vatican, est organisée, au début carême, une semaine de retraite à laquelle participent le Pape et ses proches collaborateurs de la curie romaine. Quant à la conscience du péché dans l’Eglise je renvoie à la conclusion de la réflexion précédente relative à la liturgie : du début de la Messe jusqu’à la fin, le célébrant et les participants se reconnaissent pécheurs et se recommandent inlassablement à la miséricorde de Dieu qui est venu en ce monde non pas pour appeler les justes mais  les pécheurs (cf. Matthieu 9, 13). Tous, dans la prière du « Je vous salue Marie », nous disons « Prie pour nous pauvres pécheurs maintenant et à l’heure de notre mort »

J’ajouterai simplement cet autre  éclairage des évangiles pour inviter à nourrir notre foi de la Parole de Dieu. Certes Jésus a dit : « Malheur à celui par qui le scandale arrive. Mais il a d’abord dit : « Il est inévitable que le scandale arrive » (cf Luc 17,1_2). Comme aimait à le dire un brave laïc, grand homme de foi et d’humilité malgré son rang social,  tout n’était  pas saint et sain au sein du groupe des douze Apôtres : il y avait la cupidité, la course aux honneurs, la lâcheté, la trahison, la peur, la jalousie. L’Apôtre Pierre, malgré sa bonne volonté et son enthousiasme, a renié trois fois le Maître sans avoir désespéré de sa miséricorde. Nous connaissons le dialogue d’amour par lequel le Ressuscité l’a réhabilité et confirmé dans sa mission.

L’appel à la conversion et au salut

Jésus a commencé son ministère public par un appel solennel à la conversion pour la foi en la Bonne Nouvelle : «  Convertissez-vous et croyez à la Bonne Nouvelle »(Marc 1,15) Conversion toujours à poursuivre ! Foi toujours à consolider.  L’Eglise s’y exerce intensément pendant ce temps de carême. Si  Jésus a dénoncé  le péché, il n’a jamais condamné le pécheur. Mais il  lui ouvre la voie du salut. A Zachée converti le Sauveur dit : «« Aujourd’hui, le salut est venu pour cette maison, car lui aussi est un fils d’Abraham. En effet le Fils de l’homme est venu chercher et sauver ce qui était perdu » (Luc 19,9-10) .

Il  ne lui répugnait pas d’être invité à la table des publicains et des pécheurs. Et comment le Maître qui a demandé à ses disciples de pardonner soixante dix sept fois sept ne pardonnerait pas aux pécheurs repentants. En donnant à ses Apôtres le pouvoir de pardonner les péchés le soir de sa résurrection le Seigneur n’a certainement pas voulu fonder une Eglise d’hommes et de femmes sans défaut, sans péché mais bien une « Eglise de pécheurs pour les pécheurs » pour reprendre l’expression de Maurice Vidal.

L’appel à la sainteté dans la Bible et an Concile Vatican II

Ce que nous venons de dégager rapidement des Evangiles relève déjà de l’appel à la sainteté. Mais cet appel remonte à l’Ancienne Alliance, à la partie de la Bible appelée l’Ancien Testament. Qu’il nous suffise d’en citer ce commandement de Yahvé : « Soyez saints, car moi, le Seigneur votre Dieu, je suis saint » (Lévitique 19,2). Dans son discours sur la montagne, Jésus développa longuement et très concrètement cet appel, l’exigence de la sainteté de ses disciples. Cette sainteté n’est pas  de l’ordre de la perfection morale. Elle consiste dans la tension vers la perfection de la charité de Dieu dont le Christ est la manifestation et le modèle. Autrement dit, il s’agit d’être parfaits (en charité, en miséricorde) comme le Père céleste est parfait, d’être vraiment les fils de notre Père qui est dans les cieux.(Cf. Matthieu 5, 45 et 48). Par deux fois, au baptême et à la transfiguration  le Père a témoigné en faveur de Jésus le Christ : «  Celui-ci est mon Fils bien aimé, en qui j’ai mis tout mon amour. Ecoutez-vous » (Matthieu 17,5 ; 3,17). Aussi, de la montagne des béatitudes, Jésus a-t-il affirmé solennellement et à plusieurs reprises : « Vous avez appris qu’il a été dit(….) Eh bien moi, je vous dis… ». Et il conclut son sermon par la nécessité de mettre en pratique la Parole de Dieu. Car il ne suffira pas de dire Seigneur, Seigneur pour entrer dans le royaume des cieux mais il faudra faire la volonté de mon Père qui est dans les cieux »( Matthieu 7,21). Lui-même en a fait sa nourriture.

Quant au Concile Vatican II , l’appel à la sainteté  y a retenti très fort. Tout un chapitre de la constitution dogmatique sur l’Eglise, Lumen gentium, y est consacré, C’est le chapitre VIII qui a pour titre : l’appel universel à la sainteté dans l’Eglise. Personne, dans l’Eglise catholique, n’est dispensé de tendre vers la sainteté ou la perfection dans la charité. Mais les voies et moyens pour y parvenir sont variés. Ecoutons les Pères du Concile : « Il est (…) bien évident pour tous que l’appel à la plénitude de la vie chrétienne et à la perfection de la charité s’adresse à tous ceux qui croient au Christ, quels que soient leur état ou leur rang ; dans la société terrestre elle-même cette sainteté contribue à promouvoir plus d’humanité dans les conditions d’existence. Les fidèles doivent appliquer les forces qu’ils ont reçues selon la mesure du don du Christ, à obtenir cette perfection, afin que marchant sur ses traces et devenus conformes à son image, accomplissant en tout la volonté du Père, ils soient avec toute leur âme voués à la gloire de Dieu et au service du prochain. Ainsi la sainteté du peuple s’épanouira en fruits abondants, comme en témoigne avec éclat l’histoire de l’Eglise par la vie de tant de saints » (Lumen Gentium n°40).

La foi en la sainte Eglise

Il serait intéressant d’étudier la richesse et l’évolution sémantique du vocable « saint » à l’origine un adjectif, et que Saint Paul a utilisé comme un substantif pour désigner les chrétiens. (cf. Romains1,7 ; Philippiens 4,21 ; 1Corinthiens14,37 etc).Nous avons par ailleurs, les expressions : « l’Ecriture Sainte » « le Saint Concile », le Saint-Père », le « Saint-Siège, les « huiles saintes » « la fête de tous les saints »  etc.

Qu’en est-il donc de « l’Eglise sainte », de la « sainte Eglise catholique » ? Rappelons d’abord qu’il s’agit d’un article de foi du symbole des Apôtres. Ensuite la sainteté de l’Eglise ne résulte pas de ses membres. Nous l’avons expliqué.  La sainteté de l’Eglise est donc à chercher ailleurs. L’Eglise tient ontologiquement sa sainteté de « l’unique et indivisible Trinité qui dans le Christ et par le Christ est la source et l’origine de toute sainteté » (Lumen Gentium n° 47). Ecoutons à présent le grand théologien allemand Joseph Ratzinger, devenu Benoît XVI : « La sainteté de l’Eglise consiste dans cette puissance de sanctification que Dieu y exerce malgré les péchés des hommes. Nous rencontrons ici la véritable caractéristique de la « Nouvelle Alliance » : dans le Christ, Dieu s’est lui-même lié aux hommes, il s’est laissé lier par eux. La nouvelle Alliance n’est plus fondée sur le respect réciproque des clauses fixées ; elle est donnée par Dieu comme une grâce qui demeure en dépit de l’infidélité de l’homme, qui se montre malgré tout et toujours à nouveau favorable à l’homme (…)

Grâce au don du Seigneur, qui s’est livré sans plus  se reprendre, l’Eglise est pour toujours la communauté sanctifiée par lui, celle en qui la sainteté du Seigneur est rendue présente au milieu des hommes. Mais c’est vraiment la sainteté du Seigneur qui y est présente et qui, dans un amour paradoxal, choisit sans se lasser, comme réceptacle de sa présence, les mains sales des hommes. C’est une sainteté qui éclate et se manifeste comme sainteté du Christ au milieu du péché de l’Eglise. » ( La foi chrétienne hier et aujourd’hui. Paris. Cerf. 2005, 3e édition p. 245-246)

En conclusion signalons cet autre article du Credo « Je crois à la communion des saints » L’histoire de l’Eglise et sa liturgie nous enseignent que l’Eglise pécheresse a donné des saints à la gloire de Dieu et à l’imitation des hommes. Ce sont des pécheurs qui ont persévéré jusqu’au bout dans leur réponse à l’appel à la perfection dans la charité. Nous en connaissons, Mère Teresa de Calcuta, Jean-Paul II même si l’Eglise en est à l’étape de leur béatification. Notre pays en a ; nos familles en ont : les heureux du ciel.

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