Le dilemme d’une intervention en Libye : comment déloger le bourreau Kadhafi ?

La Libye à l’heure de la tragédie : Mouammar Kadhafi massacre son peuple. Et ne s’en cache pas. L’opération de « dératisation » que le Guide a lancé n’épargne ni les émeutiers révolutionnaires qui ont osé le défier, ni les populations en liesse qui ont eu l’outrecuidance de se réjouir de ce que les heures du régime s’égrenaient désormais à rebours. Peut-être ont-ils eu tort, tous autant qu’ils sont de penser qu’il serait facile de déboulonner l’homme. Facile et rapide. On se rend bien compte que non. Non content d’avoir conservé la haute main sur la capitale Tripoli et sa région où il se permet même de sortir à la rencontre de ses derniers partisans, le Colonel Kadhafi tente de reconquérir les zones dites libérées du pays. A coup de pilonnages, de bombardements, de massacres. Face auxquels la communauté internationale entend bien réagir. Mais comment ?

La situation militaro-humanitaire de la Libye est pour le moins préoccupante. Le monde n’a pas dû connaitre une situation de ce type depuis la disparition des Pol Pot, Mengistu Hailé Mariam, Idi Amin Dada, Augusto Pinochet… Un dirigeant confronté à la contestation de son pouvoir par la rue menace et décide d’en découdre avec des opposants par la force des armes. Tuer pour vivre. Tuer ? Pire, massacrer, exterminer, anéantir. Afin que ne subsiste nulle part en Libye la moindre poche de résistance, le moindre îlot de contestation. La ligue libyenne des droits de l’homme évoque déjà un bilan de six mille morts. En moins de trois semaines de contestation. C’est énorme. Et la communauté internationale, restée parfois trop souvent silencieuse, excessivement statique quand ses alliés en sont à se démener dans l’adversité, se doit de se démarquer et le fait. Hormis l’Afrique désespérante d’apathie, dont seuls trois chefs d’Etat et de gouvernement ont condamné le sort fait aux Libyens, le monde entier s’insurge. Et la controversée notion du droit ou du devoir d’ingérence refait surface et prend tout son sens. Au nom de quoi faut-il laisser un groupe d’émeutiers mal formés, portant les aspirations légitimes du peuple, résister tout seul aux assauts aériens et terrestres d’une puissante milice de mercenaires à la solde de Mouammar Kadhafi ? Mais comment alors les aider dans les circonstances qui sont non seulement celles de la Libye, mais plus globalement celles du monde arabe aujourd’hui en crise ?

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Premier élément, qui, pour aider les Libyens ? Les candidats ne manquent pas. Heureusement. Des Etats-Unis d’Amérique soucieux de sauvegarder des intérêts indéniables aux autres puissances internationales qui souhaiteraient avoir leur mot à dire. France, Grande-Bretagne, Italie… Seulement, la conviction des uns et des autres achoppe sur les moyens de cette assistance aux insurgés. Plusieurs propositions restent à l’étude dont celle de la mise en place d’une zone d’exclusion aérienne au-dessus du territoire libyen, qui empêcherait désormais l’aviation du Guide de poursuivre ses attaques aériennes contre les manifestants. Une autre option est celle de l’invasion systématique des derniers bastions du Colonel Kadhafi afin de le capturer et ainsi mettre fin aux exactions commises par ses troupes. Enfin, la troisième option est celle de l’assistance militaire logistique et en conseils aux insurgés pour leur faciliter la prise de Tripoli.

Chacune de ces solutions comporte ses risques. La moins recommandable sans doute est celle de l’intervention militaire directe d’une armée ou d’une coalition étrangère contre les forces du Guide. Les insurgés s’y opposent d’ailleurs. Ses effets seraient pour le moins contre-productifs. Le soulèvement populaire du monde arabe ne doit rien à une quelconque influence venue de l’ouest. Il n’est donc pas question pour les leaders de ces mouvements d’émancipation de laisser des donneurs de leçons que savent être les Français, les Américains et les autres venir leur voler leur action. Au surplus, quand on sait l’ampleur du sentiment antioccidental qui est profondément ancré dans l’opinion publique de ces pays en raison de l’éternel dossier israélo-palestinien, des alliés comme les Etats-Unis ne sauraient être qu’encombrants. Et d’ailleurs, les Etats-Unis ne le savent que trop bien, on est si vite passé du statut de libérateur et de protecteur à celui d’occupant.

Quant aux autres moyens d’accompagnement des rebelles libyens, il vaut mieux encore leur faciliter la prise de Tripoli en décrétant cette fameuse zone d’exclusion aérienne, voire même en participant à des attaques aériennes contre les forces fidèles au clan Kadhafi. Etant donné que les actuels ennemis du Guide ne sont pas formellement identifiés et leurs intentions claires, il serait dangereux de leur fournir des armes et des munitions dont l’usage final, la destination du terme n’est pas connue. Si les Etats-Unis d’Amérique avaient su ce que Saddam Hussein ou Oussama Ben Laden allaient faire des moyens logistiques mis à leur disposition lors de l’alliance stratégique contre l’Iran pour l’un et l’URSS pour l’autre…

Intervenir aujourd’hui en Libye est un impératif. Dans les formes exigées par la géopolitique et l’historiographie de la région dans son ensemble. Il faut pour commencer sauver les Libyens. Le reste viendra.

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