Observateurs d’élections : témoins ou complices?

Bénin – Une fois n’est pas coutume : la présente chronique a cinq ans d’âge. Elle date du 17 mars 2006. Elle n’a pas pris cependant  des rides. Elle continue, nous semble-t-il, de s’inscrire dans la brûlante actualité des élections. Puisqu’elle pose la question de l’observation de nos élections, décrypte la mission des observateurs. Qui sont-ils, que veulent-ils, que peuvent-ils ces gens d’ici ou d’ailleurs qui, le temps d’une élection, sillonnent le pays, vont d’un bureau de vote à l’autre, précédés ou suivis de leur titre d’observateurs ? L’observation des élections part d’un bon sentiment, d’une bonne intention.  Il s’agit, dans le principe, d’aider à établir la vérité d’un scrutin, à évaluer la crédibilité d’un processus électoral, à inspirer  confiance aux électeurs et aux candidats, à rendre témoignage du déroulement du scrutin.

Ainsi définie, dans ses principes et à travers ses objectifs généraux, l’observation des élections s’est imposée depuis, notamment dans les jeunes démocraties comme les nôtres, comme un rituel incontournable. Un rituel qui accompagne toute élection et auquel sacrifient nombre d’organismes spécialisés, de fondations, voire de personnes ou de personnalités indépendantes.

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Dans une Afrique qui se fraye difficilement les chemins de la démocratie, les élections se succèdent sans que l’on puisse encore attester l’impact réel d’une observation sur un  processus électoral. Tout se passe, jusqu’ici, comme s’il s’agit  de remplir une formalité ou de s’adonner à un tourisme électoral de très mauvais aloi.

Il y a urgence à reposer le problème de l’observation des élections, en Afrique, en des termes nouveaux. Sous l’angle de son utilité, sous le rapport de son efficacité. Il nous faut sortir du dilemme suivant : l’observateur  électoral est-il un témoin gênant ou un complice complaisant ?

Tous ceux qui s’occupent d’observation électorale devraient être habités par au moins deux soucis. D’abord, un souci de  qualification, de compétence, en termes de savoir, de savoir-faire, d’expertise. Ensuite, un souci de vérité, en relation avec les conditions dans lesquelles se déroule toute observation électorale.

L’observation des élections, comme savoir et savoir-faire, ne s’accommode d’aucune forme d’amateurisme. Ce n’est pas compatible avec la complexité de la matière à observer. Il y a, aujourd’hui, derrière chaque élection, des enjeux tels qu’il peut être tout simplement irresponsable, voire criminel d’envoyer sur le terrain difficile des élections des blancs becs, des novices, des plaisantins. Ceux-ci n’ont pas qualité pour conduire et mener à bien une entreprise d’observation.

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Il importe d’arrêter, au plus tôt, une telle dérive. C’est de nature à dévaluer l’observation électorale, à jeter l’opprobre sur toute action d’observation, à brouiller l’image de tout observateur. Mais si l’expertise, la capacité technique d’un observateur étaient des atouts, seraient encore plus déterminants le profil moral de celui-ci,  son indépendance d’esprit, son impartialité, son objectivité ou simplement son honnêteté.

Quant aux conditions dans lesquelles se déroule l’observation des élections, elles varient d’un pays à l’autre. Il faut y voir  les limites objectives à toute action d’observation. Ces limites doivent forcer à nuancer les divers témoignages et rapports qui sanctionnent les observations électorales. Tant il vrai que les observateurs ne peuvent être partout présents. Tant il est vrai que les observateurs n’ont pas les moyens de contrôler toutes les étapes d’un processus électoral, de l’amont à l’aval.

S’il en est ainsi, il y a lieu de dénoncer une certaine comédie de l’observation des élections. Celle-ci a tendance à conclure trop vite et de manière quasi invariable par le même refrain menteur (Citation) « L’élection a été globalement libre, juste et transparente. Les écarts et les dysfonctionnements notés ne sont pas de nature à remettre fondamentalement en question le scrutin. » (Fin de citation). S’il est un observateur qui ne peut nous épargner un gros mensonge, qu’il garde au moins à l’esprit ce mot de Napoléon : « La plus grande immoralité, c’est faire un travail qu’on ne sait pas ».

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