12 avril 1961-12 avril 2011, il y a cinquante ans un homme s’arrachait de l’attraction terrestre.

Introduction

En 1865, l’écrivain français Jules VERNE (1828-1905), initiateur du roman scientifique d’anticipation publia son œuvre « De la Terre à la Lune ». Quelques décennies plus tard, le physicien russe Constantin TSIOLKOVSKI (1857-1935) écrivit que la « la Terre est le berceau de l’humanité, mais on ne passe pas sa vie entière dans son berceau ». Ainsi le grand savant entrevoyait la possibilité et même la nécessité pour l’homme de sortir et d’aller un jour ailleurs dans l’Univers, hors de son « berceau », pour l’explorer.

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Il énonça alors en 1903 les lois du mouvement d’une fusée (théorie du mouvement des corps à masse variable) devenant ainsi le théoricien et le précurseur de ce qui sera plus tard et est aujourd’hui l’astronautique c’est-à-dire l’ensemble des sciences et techniques qui permettent à des engins propulsés de sortir de l’atmosphère. Ainsi se sont mises progressivement en place et en marche les idées qui permirent le 12 avril 1961 de lancer et de mettre sur orbite le vaisseau spatial soviétique Vostok 1 avec à son bord un jeune cosmonaute de 27 ans, Youri GAGARINE, voyageant sous le nom de code de « Cèdre ». Moi j’étais un petit élève au Collège Père AUPIAIS de Cotonou commençant à peine à me familiariser avec les premières notions de la science PHYSIQUE. Je me souviens bien que notre professeur, Monsieur VESCOVI, un Italien, nous avait brièvement parlé de l’exploit qui venait ainsi d’être réalisé. Bien entendu, mes camarades de classe et moi, nous en étions tombés muets d’admiration mais nous ne pouvions pas y comprendre grand’chose. Depuis lors, quelques 522 citoyens de 38 différentes nationalités (dont 467 hommes et 55 femmes) ont voyagé dans l’Espace dans différents vaisseaux spatiaux. A quoi, on peut ajouter qu’avant eux, le 3 Novembre 1957, la chienne russe Laïka les y avait précédés à bord de Spoutnik 2 en tant que premier être vivant, et après le bip-bip émis de l’Espace un mois plus tôt, le 4 Octobre 1957 par Spoutnik 1, le premier objet mis sur orbite spatiale par l’homme.

 

1. Quatre appellations pour désigner les voyageurs de l’Espace et quelques définitions

Jusqu’à ce jour, seulement trois Etats au monde ont maitrisé et mis en œuvre les techniques, les technologies et les coûts qui leur ont permis de construire des engins volants (appelés vaisseaux spatiaux ou astronefs) grâce auxquels ils ont pu faire voyager leurs citoyens (et/ou citoyennes) associés ou non à des étrangers. Il s’agit des Etats-Unis d’Amérique, de l’ex-URSS (Union des Républiques Socialistes Soviétiques, réduite aujourd’hui à la seule Russie) et de la République Populaire de Chine. D’où trois appellations différentes pour désigner les passagers de l’Espace de ces pays. Ce sont : ASTRONAUTE (pour désigner le passager d’un vaisseau spatial américain, comme les Mercury, Gémini, Columbia, Apollo-le plus populairement connu-etc…), COSMONAUTE  (pour désigner le passager d’un vaisseau spatial soviétique/russe comme les Vostok, Voskhod , Soyouz-le plus populairement connu-etc…) et TAÏKONAUTE (pour désigner le passager d’un vaisseau spatial chinois comme le Shenzhou). A cela il faut ajouter l’appellation SPATIONAUTE que les pays européens utilisent pour désigner leurs citoyens qui font le voyage dans l’Espace dans les vaisseaux d’autrui. Généralement et en particulier depuis que ceux-ci ont, entre autres missions, d’exécuter des tâches scientifiques et techniques complexes, le métier et l’activité de voyageur professionnel de l’Espace requièrent des connaissances, des aptitudes et des qualités intellectuelles, morales, physiques de haut niveau couplées à un entrainement spécifique rude et contraignant. En astronautique, on appelle vaisseau spatial (ou astronef) un véhicule (habité) destiné aux vols dans l’Espace. Nous l’avons déjà dit : il s’agit des Vostok, Voskhod, Soyouz ex-soviétique/russes, des Gémini, Mercury, Appolo, Columbia américains, des Shenzhou chinois. On entend par fusée, un engin spatial mû par un moteur à réaction et pouvant s’élever et évoluer hors atmosphère. Ce sont les Sémiorka ex-soviétiques/russes, Saturne américaines, « Longue Marche » (LM) chinoises, Ariane européennes, etc…On appelle station spatiale, un ensemble complexe constitué de plusieurs éléments que sont notamment les pièces d’arrimage pour les vaisseaux de transport de voyageurs spatiaux et de ravitaillement, les sas pour le transfert des équipages et des équipements, les zones d’habitation et de travail. Ce sont les Saliout et Mir soviétiques/russes, Skylab américains. On appelle propulsion à réaction, la mise en mouvement d’un engin basée sur l’éjection de matière qui génère une poussée dans le sens opposé au déplacement de ladite matière. C’est sur ce principe que fonctionnent les fusées qui transportent les vaisseaux spatiaux. Elles sont munies de moteurs à réaction.

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2. Youri GAGARINE (1934-1968), premier homme dans l’Espace.

Le 12 Avril 1961, le vaisseau spatial Vostok 1 est lancé et mis en orbite par la fusée Sémiorka. Cette prouesse scientifique et technique est l’œuvre d’une équipe d’ingénieurs et de techniciens de diverses spécialisations dirigée par le savant soviétique Serguéi KOROLEV (1906-1966), ingénieur physicien. Il est le mentor d’un duo de jeunes pilotes Youri GAGARINE et Guerman TITOV et est considéré comme le père de l’astronautique soviétique/russe. Le lancement de la fusée a lieu sur la plate-forme de lancement (appelé aussi « pas de tir ») située sur la base secrète de Tiouratam, rebaptisée Baïkonour (du nom d’une ville éloignée de la région), située au Kazakhstan, alors république fédérée soviétique (la Russie continue d’utiliser encore aujourd’hui le pas de tir de Baïkonour grâce à un accord entre les deux Etats désormais indépendants !). Quatre jours plus tôt, la Commission d’Etat avait porté son choix sur GAGARINE pour effectuer le voyage spatial du 12 Avril. Il dure 108 minutes. La trajectoire de Vostok 1 est une ellipse dont l’apogée (le point le plus éloigné de la Terre), est de 327km et le périgée (point le plus proche) est de 181 km. Cette orbite est nettement trop haute par rapport au plan de vol prévu et cela a failli faire échouer la mission. En outre Vostok 1 est carbonisé à son entrée dans l’atmosphère et GAGARINE a dû s’éjecter en parachute pour atterrir en catastrophe, sain et sauf. Et c’est l’exploit. En ces années-là de guerre froide Est (monde communiste)-Ouest (monde capitaliste), c’est une grande gifle que l’Union Soviétique vient de porter aux Etats-Unis d’Amérique. Ceux-ci relèveront le défi moins d’un mois plus tard le 5 Mai 1961 avec le voyage spatial qu’effectue Alan SHEPARD à bord du vaisseau Gémini 3. Ils remettent ça le 21 Juillet 1961 avec le voyage de Virgil GRISSOM à bord de Gémini 4. L’URSS reprend la main par le voyage de Guerman TITOV le 6 Août 1961 sur Vostok 2. Une folle « course aux étoiles » (au regard des moyens qu’elle requiert) est ainsi lancée entre ces deux pays. Le 16 Juin 1963, l’URSS marque un nouveau point en envoyant la première femme dans l’Espace, Valentina TERECHKOVA sous le nom de code de « la Mouette ». C’est en personne Nikita KHROUTCHEV (1894-1971), le dirigeant soviétique de l’époque, qui a porté son choix sur la jeune femme. A bord de son Vostok 6, elle va réaliser un vol jumelé avec Valéry BYKOVSKI parti deux jours plus tôt dans l’Espace à bord de Vostok 5. Une grande première aussi ! Mais le voyage a été très difficile pour la jeune cosmonaute (26ans) : fatigues et divers malaises l’empêchent surtout de réaliser certains exercices et manœuvres à bord de son vaisseau. Elle ne volera pas une seconde fois. Vingt ans plus tard, c’est sa compatriote Svetlana SAVITSKAYA qui voyagera à bord de Soyouz 7 et de Soyouz 12. Lors de son second voyage, celle-ci deviendra la première femme à sortir dans l’Espace. A l’occasion, lesdits vaisseaux spatiaux s’arriment à la station orbitale Saliout.

3. Neil ARMSTRONG, premier homme à marcher sur la Lune.

Le 21 Juillet 1969, pour la première fois au monde un homme foule le sol d’un autre objet céleste du système solaire. C’est un citoyen américain de 38 ans, Neil ARMSTRONG qui vient de poser ses pas sur la Lune. La mission spatiale qui a commencé et à laquelle participent lui et ses deux coéquipiers Buzz ALDRIN et Michael COLLINS porte le nom d’Apollo 11 et a été lancée de Cape Canaveral par la fusée Saturne V. Il leur a fallu quatre jours pour parcourir les 384.000km (soit un peu plus de 1 seconde-lumière) qui séparent la Terre de son satellite naturel. Et à ses premiers pas sur le sol gris de la région lunaire baptisée « mer de la Tranquillité », il prononce la célèbre phrase « C’est un petit pas pour l’Homme et un grand bond pour l’Humanité ». Il sera rejoint quelques instants plus tard par ALDRIN, leur coéquipier COLLINS étant resté lui, en orbite lunaire à bord de leur vaisseau spatial Columbia. Une épopée vient de commencer qui va durer jusqu’en décembre 1972 avec Apollo 17, dernière mission aller-retour sur la Lune du programme américain qui porte le célèbre nom. L’artisan de ce succès spatial américain est un citoyen allemand naturalisé américain du nom de Wemher von  BRAUN (1912-1977). Cet ingénieur de grand talent est à l’origine des fusées allemandes V2 de la Wehrmacht (armée nazie de la Seconde guerre mondiale). La fusée Saturne V est son œuvre. Elle a 110m de hauteur, 10m de diamètre et peut propulser une charge de 118 tonnes. L’appareil qui se dépose sur la Lune et dont émergent, l’un après l’autre, les deux astronautes (ARMSTRONG et ALDRIN) est le LEM (Lunar Excursion Module). Il ressemble à une araignée géante de 7m de haut et fera cinq fois le voyage Terre-Lune-Terre. Les deux hommes passent deux heures et demie sur la Lune, y déposent une plaque commémorative, y plantent la « bannière étoilée » (drapeau américain), échangent quelques mots avec Richard NIXON 1913-1994, alors chef de l’Etat américain et ramassent 22 kilos de roches qu’ils ramènent sur la Terre.

Mais leur retour connaît quelques difficultés, le commutateur pour l’allumage du LEM est cassé. Et seule une ingénieuse petite astuce permet d’éviter le pire. Là aussi, comme au retour de Vostok 1 quelques années plus tôt, on est passé à côté de la catastrophe, même s’il ne s’agit pas de problèmes de même nature. Quoiqu’il en soit, l’Amérique vient de prendre une revanche spectaculaire sur le 12 Avril 1961 soviétique et de coiffer (définitivement ?) au poteau l’URSS dans la « course aux étoiles ». Et ce, d’autant plus que vingt heures après le retour de l’équipage d’Apollo 11 sur la Terre, la mission automatique soviétique Luna 15 lancée sur orbite autour de notre satellite naturel s’écrase sur le sol lunaire. Le sort ne pouvait mieux rallier le camp du champion du moment. Bien entendu, tout cela montre surtout que l’aventure spatiale n’est pas sans risques et dangers pour l’homme. Mais comme dit l’adage, « qui ne risque rien, n’a rien » et l’histoire des progrès et du développement de l’humanité dans tous les domaines (notamment dans ceux des sciences physiques et naturelles, des techniques et des technologies) l’a déjà amplement démontré. Ce que corrobore d’ailleurs un proverbe fon selon lequel « la peur de la mort n’empêche pas les hommes de dormir ».

Sur le moment, l’Amérique triomphe et efface totalement la honte qu’elle a subie le 6 Décembre 1957 lorsque explose en vol, deux mois après le succès du Spoutnik 1 soviétique, sa fusée Vanguard qui devait mettre un minisatellite  sur orbite. Aussi son président John KENNEDY (1917-1963) en lançant le 25 Mai 1961 le programme Apollo devant le Congrès des Etats-Unis, demande-t-il solennellement à son pays de « …se vouer tout entier à cette entreprise : faire atterrir un homme sur la Lune et le ramener sain et sauf sur la Terre avant la fin de la décennie… » Son appel aura été entièrement entendu et réalisé six ans après son assassinat.

L’exploit américain relance, pourrait-on dire, la course et d’autres nations rentrent dans le peloton : le 15 Octobre 2003 un jeune chinois de 37 ans Yang LIWEI, à bord du vaisseau spatial Shenzhou 5, refait l’exploit réalisé par Youri GAGARINE quarante ans plus tôt.

Alors l’aventure spatiale continue avec ses hauts et ses bas. Le principe même des vols habités fait débat. Mais il est certain que l’aventure continuera. Et désormais Mars, la planète rouge, semble être la nouvelle et prochaine frontière de l’exploration spatiale humaine.

 

Fait à Cotonou, le 4 Avril 2011

par Joseph Marcellin DEGBE

Ingénieur physicien à la retraite

Directeur Exécutif de Enerdas Ingénierie

Références bibliographiques

  1. 1. S.P. STRELKOV, Mekhanika, Editions Naouka, Moscou 1975
  2. 2. Revue Sciences et Avenir, Les héros de l’espace, N°166 Avril/Mai 2011
  3. 3. Espace, Les Encyclopédies Hachette, 1996.

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