Bénin : ce que nous croyons

Comment définir le Bénin ? A l’heure où nous écrivons ces lignes, c’est le pays de 8 millions de Béninois. C’est cette portion de terre d’environ 112 000 Km2 située sur la côte du Golf de Guinée. C’est le pays des Amazones du Danhomê, le pays du guèlèdê dans l’aire culturelle nagot. C’est encore le pays du blolo ba dans l’aire culturelle mina, des tata somba de l’Attacora ou des cases sur pilotis des Aguégués. Le Bénin, comme on le voit, est un et multiple. Le Bénin est singulier et pluriel. On peut le conjuguer à tous les temps. On peut le décliner sur tous les tons. Aucune définition, aussi élaborée soit-elle, ne peut le déterminer complètement ni le caractériser précisément. Le Bénin devrait-on dire et pour faire court, c’est le Bénin.

Nous venons d’organiser une élection présidentielle. Le verdict de celle-ci est connu, validé et officialisé par les plus hautes instances de la République. Boni Yayi  rafle la mise. Il s’adjuge ainsi le trophée de la compétition. L’expérience démocratique en cours, chez nous, fait son petit bonhomme de chemin. Avec des hauts et des bas. C’est le bonheur de l’accouchement, mais dans les plus grandes douleurs. Il n’y a aucune illusion à se faire là-dessus.

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Mais comment justifier notre statut d’héritiers et de dépositaires d’un tel patrimoine de valeurs en nous contentant d’aller, chaque matin, nous rincer les yeux de nos trésors, pour traduire en français une expression bien de chez nous ? La démocratie que nous construisons n’est pas un musée. Elle est plutôt comparable à l’ouvrage de Boileau. A  mettre et à remettre vingt fois sur le métier.

S’il en est ainsi, nous devons nous décerner des satisfécits que justifient nos efforts et nos succès. Nous devons également  avoir le courage de nous regarder et de nous voir dans notre miroir. Histoire de savoir, en manière de diagnostic assumé, là où nous avons mal à notre pays, mal à notre démocratie. Beaumarchais condense, en ce mot, la subtile arithmétique de la démocratie : « Sans la liberté de blâmer, il n’est point d’éloge flatteur » (Fin de citation).

La question du jour, c’est bien de savoir l’état de santé de notre démocratie en général, de notre pays en particulier. Notre démocratie bégaye et titube. La Lépi bâclée et inachevée que nous avons mise en œuvre en est pour beaucoup. Le pays, par ailleurs, peine à retrouver un second souffle libérateur qui aide l’immense majorité de nos compatriotes  à  assurer aujourd’hui avant de regarder vers l’avenir avec foi et confiance.

Ce constat fait, comment prendre le chemin de la guérison ?  Nous n’aurons pas à jeter le bébé avec l’eau du bain. Parce que nous n’avons pas à inventer, pour illustrer notre renouveau démocratique, un nouveau Bénin. Nous devons assumer notre pays jusque dans ses tares les plus lourdes. La solution de la table rase nous semble aussi illusoire que dangereuse. Le combat pour la démocratie est à situer et à poursuivre sur le terrain de profondes réformes, autant que possible consensuelles. Plutôt que de faire durer la période d’incertitude que nous traversons, allons à marche forcée s’il le faut, vers une réflexion adulte et prospective. Tout mérite d’être passé au crible pour être revu et corrigé.

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Ce n’est pas en brisant la jarre trouée que nous nous rendrons plus aptes à en boucher tous les trous. Nous sommes en démocratie. Et le propre des démocraties, c’est de tenir pour une vérité que les solutions aux problèmes qu’elles ont à résoudre ne sont à trouver nulle part ailleurs qu’en elles-mêmes. Nous n’avons qu’un seul pays, qu’une seule vie. Chaque acte que nous posons témoigne pour nous, à charge et à décharge, au tribunal de l’histoire. Le Bénin doit retrouver le visage serein d’un pays qui sort d’une grande épreuve et qui a encore les ressources intérieures nécessaires pour écrire une nouvelle page de son histoire. A la condition expresse de comprendre que la priorité de l’heure, c’est de mobiliser nos intelligences pour construire l’avenir.

Au fait, nous qui disons toutes ces choses, qui sommes-nous ?   A peine une voix  solitaire qui a l’avantage et le privilège, à défaut de prêcher dans le désert,  de formuler un avis à l’adresse de l’opinion. Que nous soyons entendu ou non, il reste que ce que disons, c’est ce que nous croyons.

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