La marche des journalistes : oui, mais…

Une marche suffirait-elle à faire marcher les choses ?  Les journalistes prennent la rue, ce mardi 12 avril 2011. Ils entendent ainsi attirer l’attention, aussi bien des autorités que du public, sur les menaces qui planent sur leur profession. Ils craignent, en effet, que nous ne participions à l’établissement du régime d’une presse aux ordres, au règne  de la pensée unique, à l’ère du tabassage des journalistes. La liberté est un bien précieux. Les journalistes qui marchent pour la défendre, cela ne peut être, a priori, qu’une bonne chose. Le terreau sur lequel pousse et prospère une bonne presse a nom liberté. Si le public devait faire les frais de sa mise sous tutelle, au mépris de tout droit de s’informer et d’être informé, c’est le journaliste qui serait pénalisé. Il ne vaudrait plus un sous.

Or, la liberté, à la fois quête et conquête, d’aussi loin que nous nous en souvenions, s’est révélée, au long de l’histoire, fille légitime des luttes qui l’ont engendrée. Des hommes et des femmes résolus, soudés dans l’action, ont dû faire, parfois, le sacrifice de leur vie pour que la liberté resplendisse, éclatante de beauté, au firmament des grands idéaux humains.

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Quand, à l’échelle modeste du Bénin, certains de nos compatriotes s’investissent dans la même quête et conquête, nous leur disons chapeau bas. C’est heureux qu’il reste chez quelques uns de ceux qui servent sous la bannière de notre profession un petit fond de révolte pour un sursaut salutaire. La liberté est exigence. Avec elle, la barre est à porter à une hauteur respectable. Avec elle, il y a des frontières  infranchissables. Avec elle, il y a des choses non négociables.

Voilà, dans le principe, pour la marche qu’organisent les journalistes ce mardi 12 avril 2011 dans les rues de Cotonou. Avec le regret que le mouvement, se limitant à la capitale économique de notre pays, n’aura pas une dimension nationale. Mais dans les faits, comment appréhender les choses ? La liberté, au centre des préoccupations des journalistes, est à défendre aussi bien contre diverses forces  que contre le pouvoir médiatique lui-même.

Quand l’autorité de tutelle, en l’occurrence la Haute Autorité de l’Audiovisuel et de la Communication (HAAC), dans sa mission de régulation, moralise à tout va et sanctionne à tout vent, elle peut être amenée à outrepasser les normes, à marcher sur les intérêts des médias, à piétiner la liberté. Tout dépend de quel côté l’on se situe. La HAAC, sauf son autorité, n’est pas infaillible. Il lui arrive d’être honnêtement injuste.

Quand l’administration, à travers ses agents, est prise dans la gaine de la culture du secret et de la confidentialité et se terre derrière l’absence d’une loi d’accès de la presse à l’information officielle, quel rôle, dans ces conditions, veut-on faire jouer au journaliste ?  Certainement et sans nul doute le rôle d’un témoin fort handicapé. Mais pour construire quelle démocratie, pour servir quelle vérité ?

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Quand les forces de sécurité, dans leurs efforts pour maîtriser des situations souvent  complexes, sont à côté de la plaque, que faire ? Jamais nous n’accepterons  que l’on confonde le journaliste et le manifestant, mêmement traités sous une pluie de coups de matraque, indistinctement bousculé comme des choses inutiles. Si l’un et l’autre sont sur les mêmes lieux, ce n’est pas pour les mêmes raisons.

Quand les journalistes eux-mêmes, oubliant leurs engagements contractuels, sur les plans éthique et déontologique, vont épouser les querelles qui ne sont pas les leurs, vont se faire enrôler comme agents de communication au service de diverses obédiences, vont jouer les griots de service pour des causes contestables, c’est toute une corporation qui a mal à sa crédibilité, qui a mal à sa fiabilité.

Comme on le voit, les problèmes qui assaillent la presse, ne sauraient avoir des réponses satisfaisantes au terme d’une marche. Il urge de trouver des espaces plus appropriés, d’inventer des formules plus adaptées de concertation, de collaboration, loin du tohubohu de la rue, loin de la démonstration tapageuse d’une marche. Donnons-nous alors de meilleures chances pour que ça marche. Et ça marchera.

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