Lampedusa : le chantage de Berlusconi à l’Europe sur le dos des immigrés africains

Lampedusa, le terminus ; Lampedusa, le commencement. Terminus d’un long périple qui va des côtes africaines et aboutit à l’accès à l’eldorado européen. Commencement d’un long périple qui, comme un ressac, rejette les plus malchanceux sur les plages de leur départ… parfois plus morts que vifs. L’île italienne est au centre de la guerre contre l’immigration clandestine en Europe depuis bien des années. Plus aujourd’hui qu’hier en raison du printemps arabe qui a ouvert les frontières tunisiennes et libéré les formidables énergies du départ que le Guide libyen étouffait sans faillir. Lampedusa engorgée. Saturée. Débordée. Lampedusa, île meurtrie. Silvio Berlusconi est appelé à prendre ses responsabilités. Et sans coup-férir, c’est toute l’Europe que Il cavaliere se décide à faire chanter, sur la misère et les vains espoirs des pauvres candidats à la vie en Europe.

Si Silvio Berlusconi promet de délivrer plus de 25.000 permis de séjours temporaires aux immigrés qui ne cessent de s’entasser sur l’île italienne de Lampedusa depuis que plus grand-chose n’empêche les réseaux de l’immigration clandestine de fonctionner au mieux de leurs capacités, ce n’est pas par philanthropie, vous vous en doutez bien. Le Président du Conseil italien n’a pas encore les coudées assez franches avec son allié d’extrême droite, le parti de la Ligue du Nord, pour se permettre un tel accès de prévenance. Et même sans les extrémistes de la Ligue du Nord pour lui rappeler les limites à ne pas franchir, il serait inintelligent d’attendre de Silvio Berlusconi une telle bonhomie. Sauf bien sûr si cela devait servir à masquer une de ses frasques à la tête de la République. Mais on sait bien sûr qu’aucun scandale comme en sait colporter Il cavaliere ne devrait pouvoir nécessiter l’attribution à ces dizaines de milliers d’étrangers de permis de séjour, pour le dissimuler. Le président du Conseil italien a dans le cas d’espèce besoin de marquer d’un acte décisif son mécontentement vis-à-vis de ses pairs européens qui, face à la déferlante clandestine, laissent l’Italie se débrouiller toute seule.

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En effet, la petite île italienne de Lampedusa est le point de convergence qu’ont choisi des milliers, voire des centaines de milliers de candidats à l’immigration clandestine en Europe depuis que les accès de Ceuta et Melilla en Espagne, via le Maroc sont restreints. La saison climatique favorable, la saison politique agitée et la saison économique perpétuellement morose ont accentué le phénomène ces dernières semaines. A telle enseigne que tous les vendeurs d’illusions d’extrême droite, tous les agitateurs du chiffon rouge de l’invasion des Africains en Europe, tournent leurs regards vers Silvio Berlusconi, dont la décision de légaliser temporairement la présence de ces voyageurs du désespoir en Europe, risque de créer bien des incidents. En France par exemple, il est évident que l’accès de fièvre d’extrême droite qui a fait perdre lourdement les dernières élections cantonales au Président Nicolas Sarkozy et à son parti, ne peut que se trouver renforcé par une telle situation. D’ailleurs le déplacement très médiatique de Marine Le Pen à Lampedusa il y a quelques jours en dit long. Ce n’est pas sans raison que le ministre français de l’intérieur, Claude Guéant a décidé de rencontrer dare-dare son homologue italien pour évoquer les menaces à peine voilées du Président du Conseil italien.

Pour l’instant, il faut admettre que Silvio Berlusconi n’a pas vraiment le choix. Lampedusa est saturée. Et l’Italie ne peut pas seule  supporter le poids de l’arrivée massive de tous ces immigrés en Europe. La responsabilité de cette invasion n’incombe pas qu’à l’Italie. Autant la France, la Grande Bretagne, que d’autres puissances européennes, ont soutenu l’affaiblissement des régimes nord-africains comme la Libye et la Tunisie. En conséquence, les solutions doivent être trouvées ensemble. Et elles doivent intégrer les Etats africains d’où partent ces clandestins. Car jamais les solutions pensées et élaborées outre-Méditerranée ne trouveront d’écho dans les Etats concernés et auprès des peuples en cause, si ces derniers ne sont associés à leur élaboration.

Pour l’instant en tout cas, Silvio Berlusconi ne fait que se servir de la misère et du nombre des clandestins pour faire pression sur ses homologues européens. La résolution de la question de l’immigration clandestine ne se fera pas au chevet  de Lampedusa.

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