Laurent Gbagbo: après moi le rwanda…

Au nom de quoi Laurent Koudou Gbagbo  résiste-t-il encore? En foi de quoi le Président ivoirien sortant juge-t-il nécessaire d’appeler des milliers fanatiques réunis sous la bannière des jeunes patriotes à mener à ses côtés une lutte qui de toute évidence est sans espoir ? Que vise le martyr que Laurent Gbagbo s’en va faire de ses partisans et de sa propre personne ? Il semblerait que ces derniers jours au Palais présidentiel d’Abidjan Cocody, la raison ait déserté le forum. Un air de fanatisme souffle.

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Et prépare la rwandisation d’une situation explosive aggravée par les exactions des Forces républicaines mises à nu dans l’Ouest du pays. La Côte d’Ivoire sombre.

Il sera bientôt temps de conjuguer le régime de Laurent Koudou Gbagbo au passé. Cette certitude ne se dément pas en dépit de la résistance acharnée que les derniers fidèles, visiblement encore des milliers, motivés et surarmés, livrent aux Forces républicaines d’Alassane Dramane Ouattara autour des centres névralgiques du pouvoir à Abidjan. Le siège de ces hauts lieux comme le Palais présidentiel, la Radio-Télévision ivoirienne, les principaux camps militaires, prendra le temps qu’il prendra, mais il ne saura durer éternellement. En effet, privé de ressources, Laurent Gbagbo ne pourra de toute évidence par faire assurer le ravitaillement de ses forces, tant en vivres qu’en logistique pendant bien longtemps. Par ailleurs, les nombreuses défections d’officiers supérieurs naguère proches de lui, offre aux Forces républicaines une mine de renseignements susceptibles de servir lors de l’assaut final qui visiblement se prépare à être donné.

Et c’est fort de ce sort scellé et bien scellé qui est le sien, qu’il apparaît plus qu’indéniable aujourd’hui que le Chef de l’Etat ivoirien sortant, joue à fond la carte du pire. Comme un Slobodan Milosevic acculé dans ses derniers retranchements, pire, pris dans l’étau ennemi resserré autour de son bunker présidentiel, il appelle le peuple à s’offrir en martyr pour lui. A occuper les édifices publics susceptibles de servir de cible aux hommes d’Alassane Ouattara. Dont on a vu, à travers leurs exactions dans l’Ouest du pays, qu’ils ne sont pas des tendres. L’objectif étant de déplacer le champ de bataille du terrain politique au terrain identitaire ethno-religieux. Laurent Gbagbo veut montrer aux Ivoiriens et au reste du monde la « barbarie » de ceux qui ont décidé de le chasser du pouvoir. Peu importe qu’ils y réussissent, leur succès aura été éclaboussé par le sang des centaines, et peut-être même des milliers de victimes qu’ils auront faites dans cette lutte pour la conquête du pouvoir.

La stratégie est maligne. Elle a même quelque chose de diabolique. Le risque qu’elle fait peser sur un pays déchiré par plus d’une vingtaine d’année de rivalités ethniques et religieuses est immense. C’est en effet depuis la fin des années 1970 que le président Félix Houphouët-Boigny a, par sa décision d’accorder le droit de vote aux étrangers à toutes les élections, excité l’esprit nationaliste d’une partie de son propre peuple, soucieux alors de sauvegarder un certain nombre de privilèges. Le nationalisme n’a pas tardé à laisser place à de la xénophobie. Et même la révocation plus tard des droits civiques exorbitants accordés aux étrangers, n’a pas changé la stigmatisation dont ils étaient désormais l’objet. Historien bon teint, Laurent Gbagbo le sait. Et sait tout aussi bien quelle exploitation peut être faite de ce type de situation exacerbé depuis par le discours sur l’ « ivoirité » qu’il a repris à son compte et qui est le mot de ralliement des jeunes patriotes prêts à tout pour lui.

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Les récents événements de Duékoué ne laissent pas subsister le moindre doute, le spectre d’un génocide plane sur la Côte d’Ivoire. C’est la voie fatale de sortie qu’a choisi Laurent Gbagbo. A son adversaire, vainqueur reconnu de la présidentielle du 28 novembre 2010, il entend laisser des gants de sang, une armée génocidaire et un pays ingouvernable. J’avais pour ma part déjà dit qu’Alassane Ouattara n’avait aucun intérêt à arriver au pouvoir dans les fourgons d’une armée. Et surtout pas d’une armée coupable de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité. C’est pourtant ce qui est en passe de se produire. Dans le sang et dans les larmes. Avec pour lui, le risque d’être radicalement rejeté par une frange de la population.

L’ambiance qui règne ces derniers jours au palais présidentiel, marquée par les séances de prières enflammées du clan Gbagbo, les appels à la résistance envers et contre tout, la tranquillité débonnaire de Simone et Laurent Gbagbo, dévoilent l’irrationnel et l’ubuesque d’une marche macabre. Il est de moins en moins certain, de mon point de vue, que Laurent Koudou Gbagbo se rende vivant à l’issue de la bataille finale. Cela fait partie sans doute de la stratégie.

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