Trois chantiers de paix pour ADO

Alassane  Dramane  Ouattara dit ADO. Voilà l’homme qui tient désormais en ses mains les destinées de la Côte d’Ivoire. C’est au terme de dix-huit ans d’un parcours du combattant ardu et éprouvant qu’il a réussi à se hisser là où il est aujourd’hui. Le nouveau Chef de l’Etat ivoirien aurait souhaité accéder au pouvoir dans des conditions autres que celles que connaît, aujourd’hui, le pays de Félix Houphouët-Boigny. Il doit faire avec une Côte d’Ivoire qui mettra du temps à panser ses nombreuses plaies. Il doit se faire porteur de lumière et d’espérance dans les ténèbres d’un pays encore travaillé par des sentiments de vengeance et de revanche. Appeler au sursaut, mettre au travail des hommes et des femmes encore traumatisés, le mental en lambeaux : voilà l’axe prioritaire de sa prime action.

Le fait de prendre la mesure du chantier ivoirien qui ouvre l’ère ADO, a valeur d’un appel. Appel à la mobilisation des intelligences et des volontés. Les Ivoiriens doivent se donner la main, dans un élan sincère de solidarité. Appel à l’action. Les Ivoiriens doivent se ceindre les reins pour bâtir le nouveau temple de vie que ne devrait plus déserter la paix.

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Oui, la paix. Les Ivoiriens ont gagné le droit d’en parler. Ils en connaissent le prix. Ils savent, mieux que quiconque, ce qu’il en coûte d’en être privé. « Le singe qui a retiré sa queue de la gueule d’un chien, nous apprennent les sages malinké, ne court plus de la même manière que les autres. » (Fin de citation). Et c’est parce qu’il en est ainsi que, en dehors des initiatives qui seront prises dans les jours prochains pour relancer la Côte d’Ivoire, sur tous les plans, il est trois chantiers qui mériteraient qu’on s’y attarde. Ces chantiers sont déterminants pour l’avenir proche et lointain du pays.

Le premier chantier se situe au sommet de l’Etat. Il concerne la gestion intelligente du nouveau pouvoir. Ce pouvoir ne sera vraiment stable qu’en se reposant sur les quatre pieds ci-après. Un : le Parti d’Alassane Dramane Ouattara, le Rassemblement des Démocrates Républicains (RDR). Deux : le Parti de Konan Bédié, le Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI). Trois : la composante militaire des Forces nouvelles de Guillaume Soro. Quatre : tous les autres, dont le Front populaire ivoirien (FPI), le parti de Laurent Gbagbo. Ceci dans la perspective de la formation d’un gouvernement de large ouverture. Nous l’avons écrit, Laurent Gbagbo, même voué aux gémonies, est, à terme, directement ou indirectement, partie à la solution du drame ivoirien.

C’est au prix d’un dosage savant que devra être formé le premier gouvernement de l’ère ADO. Il ne faut pas rater ce rendez-vous marqué à l’avance par l’inévitable et par l’importante question, celle de savoir quel sort réserver, quel rôle faire jouer à Guillaume Soro ?

Le second chantier se situe à la base. Il engage les rapports, au quotidien, entre tous ceux qui, habitants de la Côte d’Ivoire, Ivoiriens ou étrangers, ont appris, par la force des choses, à se mépriser, à se haïr, à se tuer. Il y a, partout dans le pays, dans les quartiers de villes comme dans les villages, un solde solide de rancœur et de ressentiment. Cela  pourrait mettre à mal la coexistence entre des hommes et des femmes condamnés, pourtant,  à construire, ensemble, la nouvelle Côte d’Ivoire.

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Le troisième et dernier chantier se situe au niveau de l’armée. Comment construire la nouvelle armée nationale ivoirienne ? Comment intégrer, en un corps homogène et équilibré, des éléments plutôt épars et hétéroclites ? Grosso  modo, il y a d’un côté les éléments de l’ancienne armée, alors qualifiés de « loyalistes ». Il y a de l’autre les éléments des Forces nouvelles à qui colle à la peau le qualificatif de « Rebelles ». Les premiers ont été défaits. Ils ont dû faire allégeance, forcés et contraints, au nouveau pouvoir. Les seconds ont gagné la bataille d’Abidjan et ont fait gagner les nouvelles autorités. Qu’en sera-t-il de l’ordre, de la discipline dans une l’Armée  qui fait cohabiter un caporal vainqueur et un officier supérieur vaincu ? Comment réagirait le premier placé en situation  d’exécuter les ordres du second ? Ce n’est qu’un exemple. Bien sûr, l’idéal eut été que le seul et unique  vainqueur soit et reste la Côte d’Ivoire.

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