Lépi: Quand l’instrument de développement se transforme en instrument d’exclusion

(sortie médiatique du chef de l’Etat) Clamée au début comme un instrument de développement, la Liste électorale permanente informatisée (Lépi)  s’est muée au fil du temps en un véritable instrument d’exclusion. Au terme d’un processus truffé d’imperfections, des milliers de Béninois n’ont pu être enrôlés. Depuis, ils attendent de se faire enregistrer dans le fichier électoral. Mais depuis hier, leurs espoirs se sont envolés. Le ministre Zakary Baba Body a simplement nié leur existence, les privant ainsi, pendant dix ans, de leurs droits d’électeurs mais aussi de tous les autres avantages annoncés par le gouvernement.

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Sur le petit écran hier, une image à couper le souffle à des milliers de Béninois n’ayant pu se faire enregistrer pour la Lepi. On y voit le ministre chargé des relations avec les institutions, Zachary Baba Body, aux côtés du Chef de l’Etat et du Superviseur général de la Commission Politique de Supervision de la Lépi, Arifari Bako. Répondant à une question du président Boni Yayi qui lui demandait comment compte-t-il faire pour intégrer les 1,3 millions de personnes non enrôlés, le Mcri, Baba Body, rejette l’existence de ce nombre. Dans un argumentaire à peine soutenable, il déclare que croire à l’existence de ce nombre, c’est dire qu’en plus des 3, 5 millions de personnes déjà enregistrées, il existe encore 1,3 million d’autres. Ce qui fait un peu plus de 5 millions de Béninois ayant au moins 18 ans. Le ministre ajoute que ‘’ceci fait plus de 60% de notre population’’. Or, selon la connaissance et la culture de ce ministre, cette proportion n’existe dans aucun pays du monde, encore moins en Afrique. Si cette thèse, subjective et dénuée de toute pertinence scientifique,  peine à convaincre tous les cadres présents au moment de la déclaration comme le montrent leur visage, elle semble recevoir l’assentiment du président de la république au regard de son rictus sarcastique. Le Chef de l’Etat ose même ridiculiser le fameux chiffre affirmant  qu’il faut aller chercher ce nombre de Béninois sur notre espace maritime, dans l’océan Atlantique plus précisément.

 

Ce genre de sortie médiatique du gouvernement, devenu presque un rituel, intervient quelques cinq jours après une adresse du Chef de l’Etat à la nation. Sortie au cours de laquelle, il est resté lui même, et de manière bien curieuse, muet sur sa volonté de corriger les imperfections et d’intégrer les milliers de Béninois, de l’intérieur comme de l’extérieur, écartés du processus. «Ma conviction est que ce processus est à ses débuts et qu’il se poursuivra dans le cadre des reformes annoncées au titre de la nouvelle gouvernance politique envisagée dans notre pays», affirmait le président Yayi.

Les exclus du développement

On se rappelle que la non prise en compte des milliers de Béninois dans le nouveau fichier électoral qu’est la Lepi était est la base de la crise pré-électorale très aiguë qu’on a connue pendant tout au long des mois de Février et de Mars 2011. La crise avait poussé les anciens présidents Emile Derlin Zinsou et Nicéphore Soglo à sortir de leur retraite politique. Aux termes d’une table ronde qu’ils ont initiée et à laquelle ont pris part tous les autres acteurs politiques de toutes les sensibilités, il a été retenu la prise en compte de tous les oubliés, par le truchement d’une loi d’habilitation spéciale et la mise en œuvre d’un audit de la Lepi. De ces deux grandes décisions, seule la première a été mise à exécution à moitié. En effet, au lieu de prendre en compte tout le monde, la Cps-Lépi l’a interprétée en lui apportant des restrictions qui limitent les personnes non enregistrées à celles qui ont participé au moins à une quelconque des étapes de la Lepi sans finalement pouvoir entrer en possession de leur carte d’électeur. Sur plus d’un million de personnes laissées pour compte par le processus, environ 88000 ont pu être enrôlées. Au moment où la contestation était à son comble, aucun membre du gouvernement, encore moins le Mcri, Baba Body, n’ont pu contester officiellement contesté ce chiffre. On les a entendu souvent dire que ces gens ont refusé eux-mêmes d’aller se faire enregistrer comme le leur ont demandé les partis de l’opposition. Aujourd’hui, c’est l’existence même du chiffre qui est contestée. On a pu comprendre pourquoi le Chef de l’Etat n’a, lui-même, dans son discours du vendredi dernier, rien dit sur les corrections et surtout sur l‘audit de la Lépi. Ceci dit, ces milliers de Béninois ne pourront pas voter jusqu’en 2021. Ils ne pourront pas aussi, comme on peut le croire maintenant, avoir des pièces d’identité. En effet, dans sa déclaration du vendredi, Boni Yayi annonce une bonne nouvelle: «En ce qui concerne en particulier la carte d’électeur, mon Gouvernement a déjà décidé de la transformer en carte nationale d’identité et de la mettre à la disposition de nos concitoyens». Si cette décision est salutaire, il faut au moins dénoncer le fait qu’elle exclut des milliers de nos compatriotes qui ont besoin de ce sésame pour leur épanouissement. Ils sont ainsi exclus du développement. Chose pourtant contraire à ce qui se dit dans la coterie politique du Chef de l’Etat. Le syndicaliste Pascal Todjinou n’avait-il pas raison en affirmant que: « La Lépi est faite seulement pour qu’on dise que quelqu’un a gagné par K.O».

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