Lettre ouverte au Président Boni Yayi: des propositions concrètes pour sortir le football béninois de l’ornière

Dans une lettre ouverte adressée au Président de la République, Ambroise Zinsou, déçu par les piètres prestations de l’équipe nationale de football a proposé au Chef de l’Etat des mesures à adopter afin que le sport roi ne sombre dans le chaos. (Lire l’intégralité de la lettre)

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M. le Président de la République !

C’est le cœur meurtri et rempli de désespoir que je vous adresse cette lettre ouverte pour déplorer l’état dans lequel se trouve le football de mon pays, le Bénin. Monsieur le Président de la République, de ma position d’observateur du sport en général et du football en particulier, puisque c’est de cela qu’il s’agit, je ne suis pas fier d’être Béninois. Et c’est mon sens de patriotisme qui m’amène à rêver d’une nation prospère en matière de développement du sport de mon pays, notamment de son sport roi. Monsieur le Président de la République, vous êtes mieux avertis que quiconque de l’état de déliquescence du football béninois et des déboires qu’il a vécu ces derniers jours. Pour ce que vous avez apporté à cette discipline, depuis votre premier quinquennat afin qu’elle constitue notre deuxième plus value sur le plan international après la Démocratie, c’est sûr que vous êtes blessés dans votre amour propre. Il ne peut en être autrement puisque la majorité des Béninois souffrent aujourd’hui de l’état piteux de leur football. L’histoire du football au Bénin retiendra que sous votre premier mandat, le Bénin depuis les Indépendances s’est qualifié de façon consécutive pour deux Coupes d’Afrique des Nations (Ghana 2008 et Angola 2010) après la première qualification de Tunis 2004. Même si ces trois participations se sont soldées par des éliminations dès le premier tour, vous auriez en tant que premier footballeur du Bénin consenti des efforts énormes (plus de 16 milliards engloutis dans le football). Faut-il rappeler que vous êtes le seul Chef d’Etat du Bénin à monter sur le rectangle vert du stade de l’Amitié de Kouhounou pour marquer de façon magistrale un penalty au gardien titulaire d’alors de l’équipe nationale ? Un geste qui avait essentiellement pour but de galvaniser le moral de la troupe et lui montrer le chemin des filets. Faut-il encore rappeler combien vous aimez cette équipe nationale que vous avez reçue maintes fois à dîner ou à déjeuner ? Bref, nul ne peut douter de votre bonne foi et de votre disponibilité à l’égard des Ecureuils désormais abonnés à l’échec. Si on était dans un orchestre où chacun doit jouer sa partition afin que le son puisse être audible, vous avez déjà joué la vôtre. Alors, il reste que les autres vous accompagnent pour que le mélange soit parfait. Loin de moi l’idée que l’autre qualifie de la « Béninoiserie ». A-t-on encore besoin de dire que le football béninois est malade de ses dirigeants ? Ne pas le dire relève de l’hypocrisie et de la myopie intellectuelle. Oui, le football béninois est malade de ses dirigeants qui confondent le bénévolat et les prestations de service. Les dirigeants du football béninois sont devenus des prestataires de service et émargent au même titre que les joueurs qui dépensent de l’énergie sur le terrain. Devant ce triste constat qui me désespère, ma modeste personne vous propose à l’image de tant d’autres Citoyens quelques solutions pour sortir le football béninois des sentiers battus.

1°) Résoudre la crise au sein de la Famille du football béninois

En dehors de la mauvaise organisation qui avait toujours entouré les Ecureuils, la crise née de la démission de 12 membres des 15 du bureau exécutif de la Fédération béninoise de football le 20 décembre 2010 est l’une des causes des contre performances des Ecureuils du Bénin. Les deux dernières débâcles des Ecureuils seniors (6-2 face aux Eléphants de la Côte d’Ivoire) et Olympiques (5-1 face aux Bafana Bafana de l’Afrique du Sud) sont intervenues en pleine situation de crise. C’est d’ailleurs symptomatique de la crise puisque ces joueurs avaient besoin autour d’eux de la solidarité, de la cohésion et de la concentration en ces moments déterminants pour la suite dans les éliminatoires. Et pour régler cette crise, j’en appelle à votre clairvoyance. Je veux bien croire que vous êtes mieux informés que moi des éléments qui entrent en ligne de compte et qui malheureusement, jusqu’ici ne facilitent pas la paix entre les protagonistes. La goutte d’eau qui a fait déborder le vase en ce qui concerne la résolution de cette crise, c’est l’Assemblée générale extraordinaire du 15 avril 2011 demandée par la Caf et la Fifa. Plusieurs contestations ont été enregistrées puisque certains acteurs (33 Délégués) ont estimé être éconduits de cette Assemblée générale. D’autres ont estimé qu’ils ont été représentés par des individus non mandatés par qui de droit. Une situation qui a cristallisé davantage les positions. Saisi, votre ministre d’alors, Modeste Kérékou avait exigé du Président Anjorin Moucharafou, les procès verbaux et autres documents procéduraux qui ont abouti à l’organisation de cette Assemblée générale du 15 avril dernier. Ce qui n’a pas été fait, en tout cas à ma connaissance jusqu’à son remplacement par l’actuel ministre des sports, Didier Akplogan. Donc, la résolution de cette crise incombe à votre haute autorité afin que le ballon commence par rouler de plus belle dans mon pays, le Bénin.

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2°) Formation des Formateurs et des Apprenants

Monsieur le Président de la République, laissez-moi vous dire que, ce ne serait pas exagéré d’affirmer qu’au sein de l’équipe nationale senior, aucun joueur n’a été formé au Bénin. Notre pays ne dispose pas d’une politique rigoureuse et cohérente de formation alors que la formation reste la pierre angulaire de toute chose et surtout du football. En sport, c’est la formation qui est la vraie fondation sur laquelle on peut bâtir des châteaux.

Après la révolution née de la dissolution de la Fédération béninoise de football par l’ex ministre des sports, Christian Lagnidé, le bureau exécutif conduit par le Président Martin Adjagodo avait mis un accent particulier sur la formation des joueurs. Ainsi, l’Etat a gracieusement mis à la disposition de la Fédération béninoise de football des domaines à Abomey et à Missrété pour abriter des Centres de formation à travers les Projets Goal de la Fifa. Ces deux Centres de formation construits et équipés sont restés non fonctionnels jusqu’à ce jour. Ils n’ont jamais accueilli ne serait-ce qu’un seul regroupement de détection. A Missrété, non seulement le Centre n’est pas clôturé, mais aussi les aires de jeu sont envahies par des mauvaises herbes et constituent un « pâturage » par excellence pour les bœufs. Les dortoirs sont occupés par d’autres visiteurs indésirables, car la nature a horreur du vide. A Abomey, c’est le comble. Ce joyau destiné à accueillir de jeunes joueurs est abandonné aux intempéries et offre un aspect désolant. Si Clairefontaine est devenue le plus célèbres Centre de formation et de campement de toutes les équipes nationales du football français, c’est parce qu’elle a été mieux pensée afin de répondre à un besoin. La Fédération béninoise de football (Fbf), depuis 2005 que ces Centres ont été construits ne peut pas indexer un seul joueur formé dans l’un de ces Centres. Au contraire, ces centres sont aujourd’hui devenus des éléphants blancs.

Aussi, la Fbf ne fait-elle rien pour venir en aide aux Promoteurs privés qui possèdent des Centres de formation. Alors que le football de qualité prôné par chacun de nous devrait passer par la formation à la base. Il faut d’abord former avant d’attendre à la longue des résultats. L’improvisation et l’opportunisme doivent laisser place à un programme rigoureux et cohérent de formation. La Côte d’Ivoire, le Ghana, le Nigeria et le Mali dans la sous région, ont tous emprunté cette voie de formation. Aujourd’hui, les résultats suivent. Gervais Yao Kouassi Alias « Gervinho » qui a créé la vie dure aux Ecureuils à Cotonou, n’est pas sorti de nulle part. Il a été formé dans le célèbre centre d’Asec Mimosas à Abidjan. Il est vrai qu’il faut attendre des années avant de trouver des joueurs excellents à l’image des Zinedine Zidane, Lionel Messi, Samuel Eto’o et autres Didier Drogba. Mais, il y a toujours avec la formation, un bloc équipe puisque le football est avant tout un jeu collectif.

Tout comme les joueurs, la formation des formateurs est capitale. Le Bénin, pour n’avoir pas été une grande nation de football n’a pas connu de grandes stars. Les anciennes gloires qui sont encore au niveau de la formation ne constituent pas des références. Pour un football qui est longtemps resté sans archives, il serait difficile de montrer aux apprenants des archives qui constituent également des supports de formation. Toutefois, l’Institut National de la Jeunesse, d’Educations physiques et Sportives (INJEPS) ne cesse de former des Inspecteurs et autres Docteurs qui peuvent mettre à la disposition des jeunes, leurs compétences dans différentes disciplines sportives. Ceux-là peuvent former les encadreurs en leur inculquant les fondamentaux afin que les jeunes puissent avoir une formation de qualité pour constituer les élites de demain.

3°) Institution d’une Direction technique nationale de football

Pour qu’une formation soit de qualité, il faut qu’elle soit bien pensée suivant un programme bien établi. On ne peut pas parler de formation sans évoquer de l’institution d’une Direction technique nationale. Monsieur le Président de la République, je ne trahis aucun secret quand j’affirme que le Bénin n’a jamais disposé d’une Direction technique nationale. La Direction technique nationale, c’est cet organe qui s’occupe de la détection, de la formation et du suivi des jeunes joueurs selon les besoins exprimés par la Direction des sports d’élite du ministère de la jeunesse, des sports et des loisirs. Il est constitué d’encadreurs et d’entraîneurs et doit avoir des relais dans toutes les régions ou toutes les Communes du Bénin. Ainsi, le jeune talentueux de 8 ans qui réside à Materi, Gogounou, Bantè, Tchaourou, Azovè, Agbangnizoun et dans les tréfonds de Ouinhi peut être rapidement détecté. Monsieur le Président de la République, l’équipe des U-17 ans de la Côte d’Ivoire qui participe actuellement à la Coupe du monde au Mexique, avait joué les tours préliminaires contre celle du Bénin. Je vous jure que cette équipe n’a pas pu gagner l’équipe du Bénin. Elle s’est qualifiée à cause du seul but qu’elle a marqué à Cotonou. NB : (1-1) à Cotonou et (0-0) à Abidjan. Demandez aujourd’hui à revoir ces jeunes béninois qui ont joué ces deux matches, ils ne sont pas suivis. Alors qu’ils devraient constituer la relève pour pouvoir représenter dans deux ans le Bénin pour les Juniors.

4°) Revoir le fonctionnement au sein des différentes équipes nationales

Après la mise en place de la Direction technique nationale avec ses démembrements, il va falloir commencer le travail avec des Techniciens rompus à la tâche. De ce fait, certaines catégories d’entraîneurs sont à écarter des équipes nationales parce que leur crédibilité serait mise en doute. De la même manière, certains anciens joueurs béninois encadreurs et autres entraîneurs doivent être appelés pour servir de levier à la formation des jeunes et à l’exportation des talents détectés sur place. Il s’agit par exemple de Jean-Marc Adjovi Bocco qui est du côté du Sénégal avec un Centre de formation, de Moudachirou Amadou et de ceux qui sont déjà en fonction au Bénin (Moussa Latoundji et Alain Gaspoz). On pourra donc confier à ces acteurs, les projets et les évaluer à court, moyen et long terme. Ceci va permettre d’éviter les cafouillages qu’on observe autour des équipes nationales à la veille des différentes rencontres.

Il faut également créer un département de Marketing qui va se charger de chercher des sponsors pour les Ecureuils comme le Groupe Bolloré le fait en Côte d’Ivoire, Mtn au Ghana. Cela va éviter à l’Etat de trop dépenser lors des expéditions. Ainsi, les équipes seront bien gérées puisque le sponsor est exigeant.

Pour éviter la corruption au sein des équipes nationales, il faudra trouver un mécanisme qui va empêcher la manipulation des gros sous. Il faut donc systématiquement créer de comptes bancaires à tout joueur appelé en équipe nationale. Cette pratique va permettre d’éviter les arnaques dont sont victimes les joueurs qui perdent parfois la moitié de leurs primes de matches. Enfin, il faudrait que le gouvernement fixe les primes de toutes les équipes nationales.

Ainsi, Monsieur le Président de la République, notre football connaîtra à l’avenir de meilleurs jours. Telle est ma modeste contribution pour la refondation du football. Je vous prie de recevoir mes sentiments les plus patriotiques.

ZINSOU Ambroise Spéro
Journaliste/Reporter Sportif
vinandozinsou@yahoo.fr

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