Fin de mission pour le Proconsul de France

Les images du dîner d’adieu offert par Boni Yayi à l’ambassadeur de France en fin de mission largement diffusées par la télévision nationale de service public (l’Ortb) sont parlantes. Nassirou Arifari Bako, le nouveau chef de notre diplomatie qui n’arrive pas encore à rentrer dans le rôle qu’avait magistralement campé Jean-Marie Ehouzou, son prédécesseur, était perdu dans la salle du banquet tout comme le Premier ministre en bras de chemise, style Mandela, pendant que l’ambassadeur et son épouse trônaient à la table d’honneur du chef de l’Etat.

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En d’autres temps et, pour d’autres diplomates, c’est Arifari Bako,  entouré de quelques collègues du gouvernement qui aurait dû sacrifier à ce rite. Visiblement sur le cas Besancenot, le chef de l’Etat a voulu lui-même prendre les choses en main. «Hervé», comme il l‘appelait affectueusement est son «ami» et il tenait à le faire savoir «à la  face du monde», comme on le disait à une certaine époque. Justement en parlant d’époque, qu’elle est loin celle où l’on considérait que «la caractéristique fondamentale et la source première de l’arriération de notre pays est la domination étrangère», époque  où les ambassadeurs de France visés par ce bout de phrase du Discours Programme de l’homme du 26 octobre 1972, faisaient profil bas! Il est vrai  que l’anti-impérialisme n’est plus ce qu’il était ! La pseudo révolution est passée par-là et les héros sont fatigués!

A vrai dire, il n’y avait rien de nouveau dans le spectacle gracieusement offert aux téléspectateurs par l’Ortb. Le ton était donné, la veille, 14 juillet, quand Besancenot a été élevé au grade de commandeur -rien moins que cela- de l’ordre national du Bénin. Les relations très cordiales que Boni Yayi entretenait avec Hervé Besancenot sont en effet un secret de polichinelle. Le chef de l’Etat ne s’en est d’ailleurs jamais caché. Tout le monde sait qu’il ne se passe pas de jour ni de semaine où l’ambassadeur n’était pas consulté au téléphone ou reçu en audience  officielle sur tel ou tel sujet de l’actualité politique nationale. Sa silhouette longiligne et son visage de type extrême-oriental étaient plus que familières à la présidence de la République. Là n’est pas le problème. Le chef de l’Etat est libre d’avoir des amis y compris dans le monde diplomatique. Mais ce qui gêne dans le cas Besancenot, c’est le rôle central qu’il semble jouer dans les dossiers d’intérêt national. On sait la part importante qu’il a prise tout au long du processus controversé de l’élaboration de la fameuse Lepi. C’est Besancenot reconduit pour la cause, alors qu’il était en fin de mission qui a œuvré en sous main de concert avec ses autres collègues dont le truculent et affable ambassadeur d’Allemagne pour que la Lepi devienne réalité. Ensemble ils ont encouragé Yayi à tenir bon contre la bourrasque. Ils n’avaient de cesse de dénoncer en privé, comme en public ce qu’ils ont appelé «la surenchère de l’opposition». Cette dernière empêtrée dans ses contradictions a accumulé des erreurs, comme celle d’avoir déserté la Cps-Lepi avec les conséquences que l’on sait. Très malin, le diplomate français s’est bien gardé de se mettre en première ligne. Ce rôle était dévolu à la représentante résidente des Nations Unies qui, au nom de ce qu’on appelle pudiquement « la communauté internationale»,  poussait à la réalisation à pas forcés de la Lepi. Le prétexte était que les fonds débloqués par les fameux Ptf (Partenaires techniques et financiers) ne devraient  pas être dépensés pour rien. L’opposition et la société civile ont beau dénoncer une «Lepi bâclée», rien n’y fit. Besancenot et ses pairs ont choisi leur camp. Il l’a redit ouvertement l’autre soir, avant de féliciter Boni Yayi pour sa «brillante réélection». Lui et ses congénères avaient vu d’un mauvais œil l’alliance éphémère nouée, à l’occasion, par l’ensemble des partis politiques et la société civile pour protester contre les atteintes flagrantes à la démocratie. Ils ont accusé alors la société civile de rouler pour l’opposition. Ce faisant, ils ont semé le doute dans les esprits.  Ce qui n’a pas été pour peu dans l’échec de cette alliance qui aurait pu déboucher, avant la lettre, sur une résistance à la sénégalaise. On a vu pourtant Besancenot et ses collègues défenseurs de la neutralité aux premières loges, lors de l’entrée en fonction de l’ex-superviseur de la Cps Lépi, récompensé pour ses «bons et loyaux services» à la tête de cette structure controversée. Et on s’est brusquement souvenu de ce 4X4 rutilant à l’immatriculation diplomatique qui, le soir de la proclamation des grandes tendances de l’élection présidentielle à la Commission électorale nationale autonome (Cena) est reparti en trombe après y être venu chercher, on ne sait trop quoi.

Au total, Besancenot a  parfaitement joué son rôle, celui de  défenseur  des quelques intérêts français existant encore dans un pays considéré comme marginal –pas de pétrole, ni d’uranium…- dans la sphère d’influence de la France en Afrique et dans le monde. L’impérialisme français a fait sa mue depuis de nombreuses années et les nouveaux représentants de la France ont beau proclamer la fin de la «colonisation de papa», ils ne réussissent pas à  nous convaincre de ce que la France veuille véritablement lâcher l’Afrique ou que le Bénin –suprême outrage à notre peuple- ne représente rien pour la France. Sarkozy qui prétendait lors de son passage à Cotonou, peu avant son élection, ne rien craindre de l’influence grandissante de la Chine, a depuis fait son chemin de Damas. Son intervention musclée en Côte d‘Ivoire et les frappes aériennes en Libye en font foi. La toute fraîche mini-tournée en Afrique du Premier ministre Fillon est symptomatique du léger changement de cap de la diplomatie française. Mais rien n’a changé fondamentalement,  si ce n’est dans le style et la forme. Car aujourd’hui, c’est le pouvoir central français qui s’occupe directement des pays importants de l’ex-pré carré (Côte d’Ivoire, Gabon…). Les diplomates accrédités dans les autres pays et, parfois des ministres importants en visite, se chargent de renforcer les relations privilégiées avec la France y compris en nouant des relations personnelles avec les  dirigeants politiques au plus haut niveau, les acteurs de la classe politique, les médias -pour ne soigner que l’image de la France- et surtout la société civile. Certains pays comme la Côte d’Ivoire sous Gbagbo, le Mali, de Konaré à ATT, refusent le deal. Mais les pays comme le nôtre, dirigés par des présidents sans passé politique, se prêtent de bonne grâce au jeu et quémandent un traitement de faveur à coup de gestes peu patriotiques comme la délivrance de passeport diplomatique de notre pays à… Hortefeux… au plus fort de la controverse sur l’immigration dite choisie. C’est de ce point de vue qu’on peut dire que l’ambassadeur Besancenot a parfaitement joué son rôle de… Proconsul. Celui, entre autres, de faire du Bénin –depuis toujours insaisissable- un pays dit  de «démocratie apaisée» comme le Tchad, le Togo, la Centrafrique ou le Congo, où les résultats des élections sont connus, longtemps à l’avance.

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