La drôle de négociation

De longs mois, semaines ou jours durant, le gouvernement béninois, par ses officiels interposés et les travailleurs de l’administration publique, par le biais de leurs représentants dument mandatés, se sont mis autour d’une table. A se regarder, non en chiens de faïence, mais droit dans les yeux, à discuter. La tension sociale, de ces derniers temps, marquée par des mouvements de débrayage ayant paralysé les services, offices et sociétés d’État, était au centre des pourparlers engagés par les deux parties. A la recherche de la trêve sociale nécessaire au bon fonctionnement de l’État et à l’accomplissement des activités de développement du pays -suite à la levée de boucliers des syndicats en lutte pour un mieux-être de leurs membres- les deux pôles du dialogue social national tiennent tout un peuple en haleine. Aussi longtemps que le leur recommandent leurs intérêts. Et le suspense est maintenu, hélas, jusqu’à demain encore.

Plusieurs fois de suite pourtant, la fausse alerte de l’aboutissement des accords noués a été signalée un jour pour faire place, le lendemain, à l’annonce d’un défaut de signature des documents contractuels, préalablement bien établis entre les parties. Les uns et les autres ont, pour ainsi dire, abondamment usé de dilatoire. Le plus ahurissant demeure celui du chef de l’Etat. Dans une sorte de fuite en avant, Boni Yayi, pourtant absent des négociations menées de mains de maitre par son premier ministre, Iréné Koupaki, exige en dernier ressort une trêve sociale -tenez-vous bien dans vos bottes- de… 4 ou 5 ans. Les travailleurs devraient accepter, par la signature d’un tel acte, de se la boucler et de se croiser les bras face à tous les probables abus de la part du plus important employeur au Bénin. Quel cynisme! Cette exigence relève d’autant plus du dilatoire que son auteur insiste pour «que cela soit écrit» noir sur blanc, comme l’a dit le Pharaon, dans les documents de l’accord en préparation. A ce propos, on imagine les responsables syndicaux se murmurer: «Quatre ou cinq ans? C’est quand même toute une mandature!». «A quoi le chef du gouvernement voudrait-il jouer?», devaient-ils, par ailleurs se demander. La question persiste dans les esprits et sur toutes les lèvres. Sans réponse. Chacun estimant que, soit le président Boni Yayi voudrait habilement rejeter ses responsabilités sur quelqu’un d’autre en cherchant à différer les solutions déjà envisagées, pour finalement se débiner quant à leur mise en œuvre concrète. Conséquemment et, dans une large mesure, il aura réussi le cas échéant, pense-t-on, à engager son successeur, l’État étant une continuité. Enfin, Boni Yayi pourrait avoir peut être ainsi trahi les impensées lâchées par le subconscient de celui qui prévoit de manœuvrer pour rester au pouvoir. Le contenu non entier et au contour flou, de l’incantation fumeuse de la nouvelle philosophie politique dite de refondation, distillé par petites doses, ici et là, par des thuriféraires en mal d’imagination zélée, n’est en effet pas transparent dans son énoncé. Et donc rien de rassurant pour les syndicats.

Publicité

Au sein de l’opinion même, on reste impatient de savoir ce à quoi aboutiraient les difficiles, et parfois impossibles, négociations entamées pour désamorcer la crise née de l’attribution par le gouvernement des avantages corporatistes à une seule catégorie des agents de l’État. De sorte qu’à l’annonce du dernier consensus finalement obtenu autour des accords négociés, les uns et les autres ont pu pouffer d’un «ouf!» de soulagement pour avoir aperçu une éclaircie se dégager dans le ciel resté longtemps brumeux du paysage socio politique du pays. Le bout du tunnel est perceptible croit-on. Mais on peut compter sur les irréductibles secrétaires généraux des centrales et confédérations syndicales pour repousser la menace subtile de caporalisation de leurs libertés fondamentales à laquelle «Sa plus Haute Autorité» voudrait par machiavélisme les associer. Sans véritablement en refuser le principe, les partenaires sociaux semblent faire du dilatoire, eux aussi, en indiquant que la mise en œuvre de la trêve sociale de 4 ou 5 ans «nécessite des conditions particulières qui ne sauraient être débattues au cours de la présente session». Le sujet ainsi contourné pourrait avoir été renvoyé aux calendres grecs, y compris la pose des signatures au bas des accords savamment conclus. Et le dégel de la crise sociale tant souhaité ne serait pas pour demain…

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Publicité