Syndicats: le gouvernement se contredit et ridiculise la Cour constitutionnelle

Un accord pointe à l’horizon entre le gouvernement béninois et les différents syndicats du pays quant au bras de fer dans lequel les deux partis se sont engagés, depuis plus d’un mois. Mais avant même la signature, son contenu laisse à désirer, notamment en ce qui concerne sa conformité avec la Constitution du pays.

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Le futur accord –qui reste à signer- entre le gouvernement béninois et les centrales syndicales est aux antipodes de la Constitution béninoise du 11 décembre 1990. Dans le fond, il est à un double niveau en déphasage avec des dispositions de la loi fondamentale. L’accord viole le principe de l’égalité de tous les citoyens devant la loi et celui des libertés syndicales. De nature discriminatoire, il porte entorse au droit de grève des organisations syndicales. Selon le relevé des conclusions des différentes concertations entre les deux parties, il est convenu entre eux que le principe de la revalorisation de l’indice de traitement au profit de tous les agents de l’Etat est acquis pour compter du 1er Janvier 2011.

Se faisant, les acteurs la crise, le gouvernement en tête, semblent ainsi donner suite à la position de la Cour constitutionnelle sur l’affaire. Cette Cour, on se rappelle, venait de casser le décret instituant la revalorisation de 1,25 du point d’indice des salaires, aux seuls agents du ministère des Finances. Le motif évoqué par les «sept sages» en est que la revalorisation n’a pas été étendue à tous les agents de l’Administration publique. En son temps, le gouvernement et son chef n’ont pas attendu que le jour se soit suffisamment levé avant d’abroger ledit décret, comme pour marquer leur soulagement. Ils avaient, semble-t-il, besoin de souffler. L’élection présidentielle controversée et les législatives assez mouvementées étaient passées par là. Et «la Cour de Dossou de voler au secours de Boni Yayi», avions-nous titré à l’occasion.

En voulant, aujourd’hui, réparer le tort commis, après le durcissement de ton des travailleurs, le pouvoir réédite l’exploit de piétiner la Constitution et de tordre le cou à la décision irréversible de la Cour constitutionnelle. Le hic dans les accords récemment négociés, et dont la signature est à venir, se situe au niveau des conditions de la mise en application du même acquis, hier accordé et, remis en cause par le gouvernement suite à la décision de la Cour constitutionnelle. Aux agents des finances, le relèvement du point de l’indice de traitement est chose effective depuis Janvier 2011. Quant aux agents des autres ministères et institutions, le même relèvement, selon les termes de l’accord en cours, devrait se faire progressivement à compter de cette année pour boucler les 25% en 2014. Soit 5% les trois premières années et 10% la dernière. Et selon des sources proches des différentes parties, elles s’y sont déjà accordées. Pourtant cette résolution a des insuffisances au regard de la Constitution. La discrimination ici c’est que tout en étant des fonctionnaires du même statut, les agents du ministère des finances ont un traitement favorable au détriment des agents des autres secteurs de l’administration.

Vers un cercle vicieux

Dans les faits, même si les agents des autres ministères verront progressivement leur point indiciaire relevé, le mal est déjà fait. Et le mal est l’écart pendant trois ans entre le salaire de base d’un agent de l’administration des finances et celui de son collègue de la même catégorie d’un autre secteur. En prenant à nouveau un tel engagement, au forceps, le gouvernement se contredit et tourne la Cour constitutionnelle en dérision.

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L’autre pan de la question, c’est la condition même posée par le chef de l’Etat avant de prendre son décret. Le président de la République exige d’insérer à l’accord un engagement des syndicats à sursoir à tout mouvement de grève pendant les quatre prochaines années. Cette exigence du meneur de la Refondation est une entrave au droit de grève pourtant évoqué dans la Constitution.

Après des mois de tiraillements, tout ce que le gouvernement et les syndicats offrent au peuple est un ensemble de résolutions constitutionnellement hérétiques. Et cet accord s’il est signé dans ces conditions est menacé par le sort qu’a connu le précédent décret, depuis peu enterré au cimetière des errements du pouvoir Yayi. Sans pour autant paraitre catastrophiste, on remarque que l’histoire peut se répéter. La Constitution donne le droit à tous les citoyens béninois de faire recours auprès de la Cour constitutionnelle. Et cette fois si ce n’est Ingrid, un quelconque citoyen pourrait faire recours contre le prochain décret à prendre par le chef de l’Etat pour la matérialisation du prochain accord. Si c’est le cas, la Cour qui avait déjà jugé non conforme à la Constitution un accord de même nature ne va sans doute pas apprécier autrement celui-ci. Elle ne tiendra pas compte du contexte de l’accord mais plutôt de la constitutionnalité de ce dernier.

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