La Refondation du Pasteur ALOKPO

Après la lecture du livre «La Refondation Mythe ou Réalité» de Mr ALOKPO, il m’a paru utile de réagir pour exprimer quelques inquiétudes au regard du développement que l’acteur fait du nouveau concept-guide du deuxième quinquennat du président YAYI BONI.

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De prime abord, je voudrais me permettre humblement, de le féliciter pour l’exercice difficile voire périlleux de cadrage conceptuel du slogan «Refondation».

Dans la préface on ne sait de qui, d’un livre sans date il est écrit ceci : «De même, il ne reflète aucune expression officielle.» Et pourtant la présentation invite à en douter. Le timbre officiel encadré par deux drapeaux béninois, la carte du Bénin flanquée du Président de la République.

En ce qui concerne les outres de la Bible à la page 8, puisque nous ne buvons pas du vin au Bénin ou si peu, nous pouvons leur opposer l’adage bien Béninois celui-là : «c’est dans la vieille jarre noire qu’on prépare la pâte blanche et les sauces les plus succulentes» ce qui est une autre façon de dire que si l’on n’a pas ses pieds solidement ancrés dans les racines culturelles on ne peut rien réaliser de solide et de durable. «Ni a gnon fidé a tron, a nan gnon fidé a djéi» dit le Goun. «Si tu sais d’où tu viens, tu peux savoir où tu vas».

Puisque l’avenir même bien planifié est incertain, il faut rester arrimé à ces racines, à l’ancienne corde qui demeure solide et offre les meilleures opportunités d’en tisser une nouvelle et pérenne.

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Un homme avisé et intelligent ne rejette pas systématiquement ses difficultés sur les autres. Il montre ainsi qu’il n’a pas su tirer leçon du passé. Vers la fin de la page 8, l’auteur attribue à la «vieille classe politique» les difficultés que le changement a connues. Il n’en est rien car c’est plutôt le changement qui a offert à l’opposition par immaturité politique, les chaines que l’ont entravé. La naissance précipitée et non concertée de FCBE à laisser sur le carreau la majorité des organisations et mouvements qui ont permis l’élection du président. Les partis régulièrement constitués se sont écartés pour ne pas se laisser marcher sur les pieds par les jeunes loups irrévérencieux qui veulent contrôler la FCBE. Les « proches » du président ont préféré un recul tactique, laissant la place aux «proches» de la première dame et les jeunes loups héritiers de la Nomenklatura PRPB, Kérékou 2 et 3.Les dissensions internes qui ont abouti à la création du G 13 ont laissé la FCBE très affaibli et à la merci de l’opposition qui s’en est donné à cœur- joie. Elle est dans son rôle. La tentative tardive de recoller les bouts par un rassemblement plus élargie des Partis et mouvements UMPP qui aurait dû se faire deux trois ans auparavant, n’a pas été probante.

Et c’est la LEPI qui est venue au secours du changement. Cette réalisation de la LEPI que nous avons soutenue fortement non pas pour FCBE mais pour éviter la fraude et les contestations, estimant par ailleurs qu’un deuxième mandat du président YAYI BONI ne serait pas pour une catastrophe pour le pays le bilan de la gouvernance économique étant globalement positif. Aujourd’hui un militant avisé et intelligent de FCBE devrait savoir dire merci à la «vieille classe politique» pour avoir finalement et malgré tout appelé au vote abaissant de plusieurs crans le stress président sortant et lui a fait reprendre des kilos. Toute autre attitude est maladroite et contre productive pour la paix sans laquelle rien n’est possible. Les insinuations triomphalistes d’un vainqueur dénué de fair play sont déplacées et de mauvais goût.

Toute l’introduction indique déjà que Mr ALOKPO va passer à côté de son sujet. En associant à la page 9, les valeurs éthiques et morales à Dieu et la Bible, il introduit un sujet de théologie morale et dogmatique, au lieu de traiter en premier lieu un sujet de philosophie de l’action individuelle et collective. Cette nuance me parait obligatoire, au vu de la constitution béninoise. L’état est laïc et regorge de nombreux philosophes et sociologues de  renom qui peuvent être utilement mis à contribution au lieu que l’auteur se confine dans sa paroisse pour rédiger un livre aussi sensible.

En abordant, page 24, les raisons des échecs, il parle de la crainte de Dieu qu’il ne définit pas de façon explicite, peut être parce qu’il n’existe pas des références explicites dans la Bible.

Dans la culture endogène béninoise cette notion est à la base d’une multitude de patronymes : HOUNGNIADAN, SIDOKPOHOU etc. Et à partir de notre culture identitaire on peut essayer de définir la crainte de Dieu de la manière suivante : «Disposition subconscience, acquis de conscience qui permet à l’individu de rester dans le droit chemin régi par les lois divines, sociétales et naturelles sous peine du châtiment divin». Cette disposition d’esprit est basée sur un pré requis inné, hérité de la famille et de la communauté. C’est la fondation. Elle est consolidée par une éducation profane continue par l’exemple et par la perception subconsciente des préceptes divins lors des manifestations religieuses.

Et c’est là que se pose le véritable problème de l’africain. Il s’est produit dans nos sociétés post coloniales une fracture entre la base (la fondation) et l’édification de la structure identitaire de l’individu, parce que le colonisateur et l’évangéliste qui l’a remplacé lui ont dit, des citations bibliques à l’appui, que sa construction identitaire est nulle, non solide ; «c’est du sable» dit le Pasteur ALOKPO. Et l’africain est devenu un mutant inclassable et ridicule, un déraciné inculte et analphabète: Ni vraiment africain ni européen, «mister who are You ?» disait Fela Randsome Kuti. Plusieurs universitaires béninois  ont déjà parlé de la nécessité pour nous tous, Mr ALOKPO plus que nous, d’un réarmement moral et spirituel basé sur un nécessaire retour aux sources, et il faut espérer que nos professeurs ne braderont pas nos valeurs sur l’autel de l’inculturation. Sinon le fanatisme de Mr ALOKPO le conduirait à un génocide, ne serait ce que culturel.

Avant d’éprouver la solidité des piliers de sa refondation, je voudrais rapidement vous rappeler page 31, que fondamentalement, c’est ce qui a été dénommée à l’époque le «soutien inconditionnel» qui a été à la base des échecs du régime PRPB. Dieu n’a rien à y voir.

PILIER1 : Le retour à Dieu Page 32

Ce pilier est caduque car simplement anticonstitutionnel. Il viole les Articles 2et3 et est selon les termes mêmes des articles «nul et non avenu».

PILIER2 : La Reforme Morale et Spirituelle

Il me parait que la formulation est inappropriée, et reste à redéfinir. On ne peut avoir la prétention que de charger les habitudes au regard des croyances et valeurs communes  inalliables. Sinon on tombe sous le couperet des articles 5 et10 de la constitution.

PILIER3 : La recherche de la sagesse divine

Il s’agit là d’une préoccupation personnelle, dévolue à chacun selon sa confession, et ne saurait entrer dans un quelconque programme étatique. Le Bénin ne dépend pas de Dieu, mais uniquement de sa constitution sous l’éclairage éventuel du divin selon la conception de chacun, même s’il faut pour cela construire sur le sable et trouver les moyens de rendre la construction solide sans envier le mirage de roc de l’autre et avoir ainsi l’audace de rendre notre folie ordinaire, rendre l’impossible possible. Pour être soi même il faut avoir parfois l’audace de paraître fou et de garder le cap malgré la suffisance et le mépris des parvenus. Votre pilier3 est nul et non avenu, contraire aux articles 5,9 et23 de la constitution.

PILIER4 :L’audace

Il est difficilement imaginable que vous ayez pu écrire avec autant de légèreté ce que vous avez écrit. Quand on écrit un livre, je suppose que l’auteur veut communiquer avec ses lecteurs pour inciter à, susciter un changement de comportement qui les mène à l’action. Ce que vous avez écrit à la page 35 peut être perçu de deux façons :

1-Le président actuel ou le nouveau que vous appelez de vos vœux, doit prendre exemple sur JOHN JERRY RAWLINGS pour «nettoyer» du Bénin les «hommes issus de la vieille classe politique» que j’éviterai de citer pour ne pas déboucher sur ceux qui vont sont proches.

2- Un inconnu ou un de vos paroissiens, prenant prétexte des menaces insidieuses que vous faites planer inconsciemment sur la tête de «tous» les hommes politiques fait un coup de force de mouton enragé, ivre de justice divine biblique et «nettoie» les hommes politiques peu ou prou de la vieille classe.

Et si on a l’esprit retors et mesquin, on peut aller jusqu’à imaginer que :

3- Si vous en aviez les moyens, vous pourriez être vous-même le «nettoyeur» à l’image d’Adolf HITLER quand il a écrit son fameux livre «Mon Combat». Je pense qu’il faut se méfier de ce que notre aveuglement partisan et/ou confessionnel peut nous amener à dire contre notre gré, parce que je voudrais me convaincre que ce n’était pas l’objectif de l’auteur surtout que l’audace était le seul pilier défendable sur les cinq et il est dommage que le concept ait été si mal développé.

PILIER5 : La Gouvernance Concertée

Elle est déjà instituée et déjà mis en œuvre avec plus de bonheur. Ce n’est pas un concept nouveau à prendre en compte dans ce chapitre.

Par contre, il manque cruellement à ce travail la question de l’ETAT–NATION : la consolidation de la NATION BENIN. Comment panser une fois pour de bon, en dehors des indemnisations pécuniaires, les blessures du passé pour faire du Bénin une Nation sans clivages régionalistes : ATABOR, AMOZ… La gigantomachie des monstres destructeurs ATABOR contre AMOZ évitée de justesse en 1996 n’a-t-elle pas ressurgie avec la naissance de l’UN même s’il s’agit d’un regroupement politique constitué selon les normes légales et constitutionnelles ? Il faut surtout avoir l’audace d’être explicite sur ses questions sensibles, pour que les abcès de  division soient définitivement vidés, mis à plat.

Au niveau de la mise en œuvre, je voudrais me contenter, page38, de ne parler que de la laïcité et à ce niveau là ce sera «touche pas à ma constitution» même s’il n’est pas sûr que les acteurs d’hier, soient aujourd’hui partants. La définition du dictionnaire Robert de la laïcité se suffit à elle-même : séparation du civil et du religieux, l’Etat n’exerçant aucun pouvoir religieux, et le clergé, aucun pouvoir  politique. Je voudrais me permettre d’apaiser le Pasteur ALOKPO en attendant que le constitutionaliste ne me rappelle à l’ordre. Cette définition de la laïcité de l’Etat ne veut pas dire que le Pasteur ALOKPO ou HOUNNON GUEDEHOUGUE ne peut devenir Président de la République. Il le peut, et après sa présentation de serment : «devant Dieu, les mânes des ancêtres, la Nation et peuple Béninois… sans omission  involontaire ou délibérée, il devient le président des béninois de toute confession, garant de la constitution et de la laïcité, surveillant son discours qui doit être dépouillé, sans référence répétée au divin, à Dieu tout puissant, au père céleste et aux bénédictions urbi et orbi, et en évitant entre autres le positionnement préférentiel des Pasteurs ou prêtres de sa paroisse ou de son obédience religieuse.

Lire la seconde partie

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