Déguerpissement des baraques à Cotonou : «Affamés, nous accueillerons le Pape!»

(Dixit une victime) Les populations souffrent dans l’attente de la visite du Pape. Car, ce sont leurs seuls moyens de survie qui se trouvent détruits. «Affamés, nous accueillerons le Pape» se désole une bonne dame dégageant tôles et bois de sa buvette cassée dans les environs de Vêdoko. Elle est indignée de la façon dont s’effectue la casse. Pour elle, la destruction des boutiques et baraques dans la perspective de la visite du prélat au Bénin prend une allure méchante. Des boutiques régulièrement installées depuis plusieurs années et chez qui la mairie perçoit même des taxes font objet de destruction bien qu’elles ne présentent aucun aspect salissant dans la ville. Si c’était pour que la ville présente une image propre au regard du souverain pontife, l’Etat a-t-il besoin de procéder à des casses systématiques de baraques ? Ne serait-ce que pour les ateliers bien construits, la mairie pouvait leur demander de mettre la peinture. Et si c’est pour éviter le risque que des malfrats se cachent dans ces baraques pour tenter d’attenter à la vie du Pape, alors autant interdire que le jour où le Prélat doit circuler, que ces gens n’ouvrent pas leurs ateliers. Curieusement, l’opération descend même dans des «vons» très reculées où ne peut même pas se circuler le papa-mobile, véhicule de sortie du souverain pontife. On a vu dans ce pays le chef de la circonscription urbaine de Cotonou Jérôme Dandjinou courant 2002-2004, procéder à la casse des baraques installées aux abords des voies. Quelques temps après, on a vu ces baraques replacées. Ce qui prouve que la mairie n’a pas un programme sincère d’assainissement de la ville. Sinon, elle ne devrait pas attendre la visite d’une autorité avant de déclencher l’exercice de son programme de Cotonou ville propre.

Grogne et désolation

«On casse nos baraques et on dit que le Pape vient. Si le Pape vient, nous nous n’allons plus manger?», s’indigne une bonne dame vendeuse de beignets de haricot au bord de la voie à Vèdoko. «Le Pape effectuera aussi une visite dans nos maisons ?», poursuit-elle. Une autre bonne dame vendeuse de céréales au bord de la voie à la hauteur de Kouhounou confie elle aussi sa désolation : «En quoi notre présence ici gêne-t-elle la circulation ? Les gens nous auraient avertis et on aurait dégagé nous-mêmes nos installations. Ce matin, ils sont venus détruire nos baraques, casser nos étalages». Elle s’interroge si le Pape arrive pour le balayage des voies de Cotonou.

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En effet, une opération de déguerpissement systématique des abords des voies de Cotonou a été effectuée dans la journée d’hier par les agents de la mairie de Cotonou. Cette opération, s’inscrit dans le cadre de la campagne de salubrité initiée en vue de maintenir la ville de Cotonou en état de propreté pour la visite de souverain pontife Benoît XVI attendu au Bénin le 18 novembre prochain. Dans ce contexte, il y avait eu une opération de déguerpissement dans les alentours du stade de l’amitié déjà dès le mois de juillet dernier.

La dernière opération de déguerpissement a dispersé plusieurs bonnes dames, plusieurs vendeurs dont ceux d’essence frelatée «Kpayo». Une d’elles se plaignait hier les larmes aux yeux : «Les enfants viennent d’effectuer la rentrée scolaire. Et déjà, les enseignants menacent de les renvoyer pour la contribution. Et ce n’est qu’à partir de l’essence que je vends ici que je peux satisfaire ces besoins». Père de quatre filles dont une se trouve déjà au collège, le vendeur d’essence rappelle qu’il vient à peine d’acheter les fournitures scolaires. Et pour la suite, qu’il projette pour cette semaine, voilà que la visite du Pape vient gâcher, hélas. Une dame, la cinquantaine, la mine effarée, lâche «notre papa est mort l’année dernière et ce n’est qu’avec ce commerce de maïs et de mil, que je nourris mes six enfants. Et voilà que la visite du Pape m’interdit de nourrir mes enfants».

Des personnalités interrogées ont réagi contre cette opération de déguerpissement. «Le Pape sait qu’il descend dans un pays pauvre. Et pourquoi s’évertue-t-on à casser coûte que coûte ces baraques qui constituent la fortune de certaines personnes», a confié un éditeur de presse. Un magistrat indique : «Si le Pape a besoin de circuler sur une voie sans baraque, autant l’amener se promener à la “ haie vive ”». Il ajoute que ce sont les pauvres qu’on réunira ce jour pour l’applaudir qu’on spolie, par la casse des baraques, de leurs moyens de survie.

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