Dossier de suspension des primes : la preuve de l’inculture et du mépris des lois

La décision du 31 octobre 2011 signée par le secrétaire général de la présidence de la République, Edouard Ouin 0uro constitue à plus d’un égard une preuve, si quelqu’un en doute encore, de l’inculture et de la méconnaissance des lois en vigueur en République du Bénin. D’abord, il faut retenir qu’une décision gouvernementale doit avoir une certaine forme pour avoir la valeur juridique d’être respectée dans l’administration. Les décisions gouvernementales doivent suivre la procédure administrative. Les décrets et les arrêtés ministériels sont des dispositions par lesquelles, un gouvernement peut prendre une décision. Dans un pays normal, cette décision aurait été ignorée tout simplement parce qu’elle constitue une violation du principe de la hiérarchie des normes. 
En effet, le Code du Travail en République du Bénin stipule en son article 205 : «Au sens du présent code, le terme ‘salaire’ signifie, quels qu’en soient la dénomination et le mode de calcul, le traitement de base ou minimum et tous autres avantages payés directement ou indirectement en espèces ou en nature, par l’employeur au travailleur en raison de l’emploi de ce dernier et fixés soit par accord, soit par des dispositions réglementaires ou conventionnelle»
Dans les entreprises parapubliques telles que la SBEE, la SONEB, l’ORTB, la CNSS, le Port Autonome, la SONAPRA, …les salaires sont fixés par des accords ou conventions collectifs. Ces conventions sont généralement signées par l’employeur et les travailleurs après négociation entre les deux parties et soumises à l’approbation de leur Conseil d’Administration et du Ministère du Travail.
La question est celle-ci : sommes-nous dans un pays où une décision signée par le Secrétaire Générale de la Présidence serait supérieure juridiquement au Code de Travail et les conventions qui régissent les travailleurs des entreprises parapubliques et leurs rapports avec leurs employeurs?
Ensuite, en ce qui concerne le fonds de la décision, là non plus aucune logique ne permet de prendre au sérieux le gouvernent du Bénin. Des avantages prévus dans les conventions collectives de ces entreprises parapubliques qui ont été payées depuis toujours avant même que Boni YAYI ne soit élu en 2006 viennent d’être suspendus du jour au lendemain. Cette situation aura des conséquences incalculables sur l’économie nationale.

Sur le plan économique, contrairement à la pratique qui est encours au niveau de la fonction publique, les IPTS (Impôts Progressifs sur les Traitements de salaires) sont calculés non pas sur les salaires de base dans les entreprises parapubliques mais sur les salaires bruts. Il est possible de dire sur cette base que les entreprises parapubliques sont les plus importants contributeurs aux IPTS et cette décision stupide et irréfléchie viendra réduire drastiquement cette contribution à un moment où les recettes de l’Etat sont en chute vertigineuse. De plus, le Trésor National ne gagnera rien de cette suspension car toutes les entreprises parapubliques ont un budget autonome. Ils pourraient investir le surplus éventuel dans l’économie mais cela n’ira pas dans les caisses de l’Etat.
Toujours sur le plan économique, le fait de suspendre des avantages qui existaient depuis plus de dix (10) ans pour certains est une décision qui réduit brutalement le pouvoir d’achat des travailleurs des entreprises parapubliques et plonge ces couches dans une paupérisation dont les conséquences pour toute l’économie ne peut se résulter que par une plus grande morosité. Par ailleurs, plusieurs travailleurs ont contractés des prêts à moyen et long terme auprès des banques. S’étant retrouvés dans une situation d’insolvabilité du jour au lendemain, ces travailleurs sont incapables de rembourser leurs prêts. Ce qui peut plonger les banques aussi dans crise similaire à celle qui s’est déclenché aux USA.

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Sur le plan social, cette décision risque de plonger la CNSS dans le chaos. En effet, ce sont aussi ces entreprises parapubliques qui cotisent le plus à la CNSS. Si les avoirs de la CNSS sont aujourd’hui entrain de se multiplier, cette décision viendra inverser cette tendance bientôt car les cotisations sociales sont calculées dans ses entreprises sur la base des salaires bruts tout comme l’IPTS. Nous assisterons à une baisse des cotisations. Or, la décision provoquera un déluge de départs anticipés à la retraite chez les travailleurs qui sont déjà près de cinq (05) ans ou moins de leur retraite. Ainsi la baisse des cotisations sociales va s’accompagner d’une augmentation brutale des pensions à payer. La conséquence sera le déséquilibre de la branche des pensions. En termes plus clairs, la gestion des pensions sera déficitaire.

Sur les plans politique et éthique, quand nous observons les plusieurs institutions budgétivores que Boni YAYI crée, la multiplication des ministères, des postes de conseillers, de directeurs de cabinet, le train de vie de l’Etat d’une part et les augmentations anarchiques de salaires accordées aux fonctionnaires de l’administration centrales d’autre part, il est difficile de comprendre cette décision venant d’un gouvernement dirigé par un ancien banquier international qui avait promis la prospérité partagée.
Quand certains prétendent que c’est pour procéder à l’harmonisation des salaires, cela donne envie de rire ou de pleurer. Comment pourrait-on harmoniser des salaires qui sont fixés par des textes (Statut Général de la Fonction Publique ou Conventions Collectives) différents régissant des travailleurs au service d’organisations dont les résultats sont différents. C’est dommage de se laisser manipuler par la ruse qu’utilise Boni YAYI pour diviser les travailleurs. Hier, c’était le tour des douaniers. Aujourd’hui, c’est le tour des travailleurs des entreprises parapubliques et demain, ce sera le tour des travailleurs de la fonction publique.

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